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Consommation: la guerre des «shopping malls» fait exploser les prix

26 décembre 2019, 22:30

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Consommation: la guerre des «shopping malls» fait exploser les prix

Les grandes surfaces rivalisent d’astuces pour profiter de la manne des achats dans le sillage des fêtes de fin d’année. Il est vrai que la hausse des pensions, salaire minimum et le treizième mois ont boosté le pouvoir d’achat des consommateurs, séduits par les promotions alléchantes.

Les consommateurs l’auront constaté. Ils ont l’embarras du choix pour faire leur shopping de fin d’année. Fermées les boutiques du coin et supérettes ; les shopping malls champignonnent dans les hautes Plaines-Wilhems et autres régions du pays. C’est carrément la guerre des prix à coups de promotions et d’offres alléchantes pour séduire les consommateurs et doper leurs ventes. Stratégie de marketing pertinente car les commerçants réalisent durant le mois de décembre de 40 % à 50 %, voire le double, de leur chiffre d’affaires. Et ce, comparé à la moyenne d’un mois normal.

«Si les promotions se font tout au long de l’année, celles de la période de fin d’année sont beaucoup plus conséquentes et susceptibles de marquer l’esprit des consommateurs. Entre le bonus de fin d’année, la hausse significative des pensions, le salaire minimum et l’impôt négatif, ce sont autant de mesures qui sont venues augmenter le pouvoir d’achat et impacter la consommation», affirme Ignace Lam, propriétaire de la chaîne des magasins Intermart.

Une analyse que partage Frédéric Tyack, CEO d’Ascencia Ltd et Enatt Ltd, qui opèrent sept centres commerciaux, dont le dernier, Bo’Valon Mall, à Beau-Vallon. Il est évident, dit-il, que ces me- sures vont mécaniquement doper le pouvoir d’achat et donc la consommation. Il s’interroge toutefois sur la pérennité de cette consommation, estimant y avoir noté une croissance qui semble difficile à prendre son envol. Il espère que cette fin d’année viendra corriger cet affaiblissement.

«Cette consommation ne continuera à croître que si la confiance des ménages est au rendez-vous», insiste-t-il. Et d’ajouter que «cette confiance ne pourra se matérialiser que si nous avons un projet clair pour notre pays. Projet qui nous permettra d’atteindre une croissance économique supérieure à 4 %, un taux dé- jà réalisé dans le passé».

Pour le moment, nous n’en sommes pas là et Somags Ltée – qui gère les hypermarchés Jumbo Riche-Terre et Phœnix ainsi que les supermarchés Jumbo Express à Orchard (Quatre-Bornes), Windsor (Beau-Bassin), Helvétia (Moka) et Pasadena (Flic-en-Flac) – préfère jouer la carte des promotions et des offres alléchantes «one-shot» pour doper la marge de profit du magasin. Son directeur des opérations, Gavin Mootoosamy, souligne la nécessité d’avoir une gamme de produits à marge mixée, soit celle appliquée sur des produits non alimentaires, pour compenser les marges faibles des produits alimentaires.

La stratégie adoptée pour fidéliser la clientèle des magasins de Somags et maintenir ses parts de marché, voire l’augmenter, passe par l’accès à une large gamme de produits étant donné que Somags est une filiale du groupe Casino. «Cette offre se compare avantageusement aux marques nationales avec des décrochages de prix variant entre 10 % et 20 % en moyenne. L’offre des produits frais est un autre axe de différentiation fondamentale avec la garantie de produits frais importés par avion chaque semaine.» Gavin Mootoosamy ajoute que la plateforme de «sourcing» en Chine facilite l’importation de produits tels que petit électroménager, meubles de jardin, jouets et autres articles déco pour la maison.

Même si, à la fin de la journée, la règle d’or dans la grande distribution demeure le niveau de service et le bon rapport qualité/prix qui doit devenir le focus quotidien des centres commerciaux. D’autres opérateurs, comme Winner’s, s’appuient sur son concept de commerce de proximité et son brand pour faire la différence. «Nous avons une clientèle fidèle, une vaste gamme de produits sur lesquels les gens investissent durant cette période festive», soutient Stéphanie Serret, responsable du marketing de la chaîne des supermarchés Winner’s.

Certes, qui dit consommation de fin d’année dit également circulation d’argent. Celle de décembre est estimée à Rs 43 milliards par la Banque de Maurice. Les observateurs économiques et autres économistes attribuent cette hausse à des facteurs conjoncturels. «Pour le mois de décembre, il faut compter entre Rs 2 milliards et Rs 3 milliards additionnels. Sauf que cette année, il y a l’augmentation de la pension de vieillesse», souligne Azad Jeetun, économiste et ex-directeur de la défunte Mauritius Employers’ Federation. En fait, la hausse des pensions à Rs 9 000 et le paiement du 13e mois à partir du 2 décembre ont entraîné une injection de Rs 1,5 milliard sur le marché.

Pour les 12 mois de 2019, les dépenses liées à la consommation ont atteint Rs 380 milliards. Elles représentent 75 % du produit intérieur brut (PIB) et constituent un vecteur important de croissance. Bien entendu, le gros de ces dépenses intervient au mois de décembre. Car d’un trimestre à l’autre, voire d’une année à l’autre, les statistiques officielles viennent confirmer une tendance haussière des dépenses liées à la consommation. Statistics Mauritius prévoit qu’elles augmenteront de 4,3 % pour atteindre Rs 4,5 milliards en 2019 contre Rs 4,3 milliards l’année dernière. Légère hausse, certes, mais qui témoigne cependant de l’évolution positive des moyens financiers dont disposent les consommateurs mauriciens.

Est-ce la bonne stratégie que les dépenses de la consommation pèsent autant dans le PIB estimé à Rs 505 milliards en 2019 ? Les économistes s’interrogent. «Notre PIB est tiré à 75 % par la consommation. Ce qui n’est pas sain économiquement car une crise affectant le pouvoir d’achat des consommateurs pourrait le fragiliser. Il faut viser un PIB à base élargie, dopé par les exportations, les investissements et la consommation. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui», analyse l’économiste Rajeev Hasnah.

D’autres analystes avancent l’endettement des ménages lié à la surconsommation pour soutenir que ce modèle repose sur des prémisses fragiles. «Une analyse en profondeur des composantes de la croissance démontre déjà que l’item de consommation a augmenté de 73 % du PIB pour la période 2003 à 80 % du PIB pour la période 2009 à 2018. La consommation privée a progressé de 4 % à 5 % annuellement, alors que les salaires en terme réel ont augmenté de seulement 2,8 % annuellement. Conséquence : une augmentation de l’endettement des ménages. Donc, on consomme plus qu’on ne produit», soutient un économiste qui a voulu garder l’anonymat.

Certes, avec l’importation de plus de 75 % des produits consommés pendant cette période festive et même tout au long de l’année, la balance commerciale subit une pression. Et il n’est un secret pour personne qu’elle est déficitaire depuis plusieurs années, avec une estimation de Rs 74 milliards en 2019 contre Rs 65,3 milliards en 2015.

Du coup, avoir recours à la consommation comme un vecteur pour relancer la croissance peut être une arme à double tranchant car ce qu’on gagne d’un côté, on le perd de l’autre. N’en déplaise au nouveau ministre des Finances, Renganaden Padayachy, qui persiste, dans une récente interview, à privilégier le rapport consommation-croissance et à démontrer qu’une «hausse d’un point de pourcentage de la consommation augmenterait la croissance économique de 0,56 point».

Toujours est-il que l’explosion des achats de fin d’année demeure une manne financière pour les commerçants, opérateurs de grandes surfaces et propriétaires de centres commerciaux. Car, à la clé, il y a un chiffre d’affaires de plus de Rs 29 milliards en jeu pour la grande distribution… Qui dit mieux ?

 

 

Un chiffre d’affaires de Rs 29 milliards pour 26 opérateurs

<p style="text-align: justify;">Au total, 26 sociétés engagées dans la distribution se partagent la bagatelle de Rs 29 milliards, selon les statistiques compilées par l&rsquo;édition 2019 du <em>Top Hundred Companies</em>. En analysant leurs revenus de plus près, seuls sept opérateurs assurent presque 70 % du chiffre d&rsquo;affaires global du secteur. En tête, <em>Pick &amp; Buy Ltd</em>, détentrice de l&rsquo;enseigne <em>Winner&rsquo;s</em>, avec un chiffre d&rsquo;affaires de Rs 6,7 milliards (30 juin 2018). Les six autres sont : <em>Udis Ltée</em> (Super-U), Rs 4,9 milliards ; <em>Seven Seven Co Ltd</em>, Rs 4,3 milliards; <em>Somags Ltée</em>, Rs 2,4 milliards; <em>Bagatelle Distribution Ltd</em>, Rs 1,13 milliard ; Paltoni Retail Ltd, Rs 1,12 milliard ; et <em>Family World Ltd,</em> Rs 1 milliard. En revanche, <em>Udis Ltée</em> est la grande surface commerciale la plus profitable, soit Rs 275,8 millions au 30 juin 2018.</p>