Publicité

Age légal du mariage à 18 ans: une initiative saluée qui mérite d’être éclairée

10 janvier 2020, 22:30

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Age légal du mariage à 18 ans: une initiative saluée qui mérite d’être éclairée

L’annonce de la ministre de l’Égalité des genres et du bien-être de la famille que l’âge légal du mariage passera à 18 ans a été bien accueillie. Elle soulève toutefois d’autres interrogations.

Le mariage civil à 16 ans, avec le consentement des parents, ne sera plus autorisé. L’âge légal pour se marier passera à 18 ans. C’est une des mesures phares du Children’s Bill qui sera présenté prochainement au Parlement. Cette mesure est, de manière générale, bien accueillie à la fois par l’opposition et les responsables de la protection des enfants. En revanche, d’autres questions sont soulevées depuis cette annonce de la ministre de l’Égalité des genres et du bien-être de la famille, Kalpana Koonjoo-Shah.

D’abord, la question du mariage religieux. Pourra-t-on se marier religieusement avant 18 ans ? La réponse est non. Tout mariage religieux requiert un certificat de mariage du bureau de l’état civil, au préalable. Sauf quand il s’agit d’une union sous une section de la Civil Status Act et du Code civil.

Nous avons contacté l’Ombudsperson for Children, Rita Venkatasawmy, qui milite depuis des années pour que l’âge légal du mariage soit repoussé. «Je n’ai même pas eu à convaincre la ministre. Elle était déjà convaincue. Je considère que c’est une avancée majeure. C’est un signal fort que nous lançons à la population. Et quand il y a une loi, cela concerne tout le monde. Évidemment, il y aura des choses à gérer. Tout ne va pas se régler d’un coup. Mais la loi donne une indication des valeurs de notre société», soutient-elle.

Relations sexuelles

Nous avons aussi cherché à joindre la ministre Kalpana Koonjoo-Shah depuis mardi. Elle était injoignable jusqu’à hier. Notre courriel électronique est toujours en attente d’une réponse. Nous lui avons demandé si l’âge légal des relations sexuelles serait également revu de 16 ans à 18 ans par la même occasion, puisqu’une «personne ayant moins de 18 ans est considérée comme un enfant».

Nous lui avons aussi demandé si le mariage religieux à 16 ans sous la MPL (voir plus bas) serait toujours autorisé. Nous avons adressé ces mêmes questions à Rita Venkatasawmy. Pour elle, il faut déjà reconnaître l’avancée. «Nous parlons là du mariage civil. Une loi ne changera pas l’éducation de la population. Bien sûr, il y aura toujours le concubinage, les grossesses précoces et d’autres problèmes à gérer mais c’est une étape qui a été franchie.»

Jenny Adebiro, de l’aile féminine du Mouvement militant mauricien, estime, pour sa part, que les questions soulevées plus haut devraient faire partie de discussions au même titre que la mesure de revoir l’âge du mariage à 18 ans. «Je ne dis pas que c’est mauvais mais le Code civil, lui, n’a pas changé. La MPL non plus. Il faut voir comment les autres lois vont s’aligner sur cette nouvelle provision de la loi», soutient la politicienne.

Dans les rangs du Parti travailliste, le consensus est acquis pour l’adoption de cette mesure annoncée par la ministre. Arvin Boolell assure que les Rouges voteront en faveur de cette provision. «La société évolue et nous serons d’accord à l’unanimité au sein du parti pour soutenir cette mesure. Nous pensons que la majorité parlementaire suivra. En ce qui concerne le mariage religieux, je pense qu’il ne faut pas réduire le débat à cela. Cette mesure va répondre au sentiment de la majorité mais s’aligne aussi sur les lois internationales», soutient le leader de l’opposition. D’ajouter que, selon lui, seul un juge devrait être capable de juger en cas de nécessité d’un mariage avant 18 ans. Et non les parents.

Qu’en est-il de la Muslim Personal Law?

Un article de «l’express» datant de juin 2018 expliquait ceci : «Abrogée en 1987, la MPL était une loi régissant mariage, le divorce et la succession selon les lois islamiques». Me Yousuf Mohamed explique que, sous cette loi, le mariage religieux était reconnu comme un mariage civil. «Il fallait que les deux parties soient consentantes.» Selon l’homme de loi, la MPL n’autorisait pas le mariage de personnes de moins de 16 ans car «une personne de 13 ou 14 ans n’a pas ‘l’âge de la raison’ et, de ce fait, ne peut pas donner son consentement». De plus, la MPL était régie par la «Civil Status Act». L’article poursuivait : «Après l’abrogation de cette loi, la Civil Status Act et le Code civil ont été amendés pour reconnaître une union religieuse selon les rites musulmans comme un mariage civil.» «Lors de la célébration d’un mariage religieux, la volonté manifestée par chacun des époux de se conformer aux devoirs imposés par sa religion l’oblige envers son conjoint, ses descendants et sa famille, au même titre qu’un engagement de nature contractuelle», est l’une des clauses rajoutées au Code civil. Quant à la Civil Status Act, elle a été amendée pour qu’un célébrant d’un mariage religieux soit tenu de notifier le «Registrar of Civil Service» de la célébration du mariage dans un délai de sept jours, afin qu’il soit enregistré.

Témoignage : Babeeta, unie à 16 ans à l’amour de sa vie, épouse comblée, mère nuancée

Il est rare de prendre les bonnes décisions à 16 ans. Mais pour Babeeta, 47 ans aujourd’hui, cela s’est fait tout naturellement. Alors qu’elle n’est qu’une adolescente, elle rencontre un jeune homme de 20 ans, à Case-Noyale, où elle habite avec ses parents. Deux semaines plus tard, le prétendant vient demander sa main. Ses parents acceptent sur le champ. Deux mois plus tard, les familles se rencontrent et Babeeta se retrouve… «mariée». C’était en 1989.

Évidemment, le mariage s’est fait uniquement entre les deux familles. «Nos deux familles approuvaient notre relation, le fait que j’emménage chez lui, que je vive avec lui comme son épouse. Je n’avais pas de belle-mère mais mon beau-père nous a beaucoup soutenus», affirme Babeeta. Elle va donc vivre chez Ramsamy, 20 ans, à Tamarin, où il est pêcheur. De cette rencontre naîtra un enfant, puis un deuxième. Babeeta est alors en âge de se marier. Ramsamy et elle décident donc de se marier civilement, puis religieusement.

«À l’époque, mon mari était le seul à travailler. Mais lorsque mes enfants ont grandi, j’ai décidé de trouver un emploi chez une famille, comme femme de ménage. C’est comme ça que nos enfants sont allés à l’école, que nous avons réussi à construire une maison en béton. J’ai eu deux autres enfants par la suite», raconte Babeeta.

Hors de question

La quadragénaire poursuit son récit en s’estimant très chanceuse. «J’ai rencontré celui que j’ai aimé et je me suis mariée, j’ai aussi intégré une gentille famille. Je ne regrette rien. Toute la famille vit dans la même cour et nous sommes très soudés. Mes deux premiers enfants se sont mariés. J’ai connu la misère mais je n’ai jamais été malheureuse.»

De tout temps, son époux a été pêcheur. Son dur quotidien ne l’a pas empêché de prendre soin de sa famille. Que répondrait, aujourd’hui, Babeeta si sa benjamine lui disait, à 16 ans, qu’elle veut se marier ? «Je lui dirai qu’il est hors de question. La vie ne nous offrait pas tant de possibilités à l’époque où je me suis mariée. Ma fille devra étudier d’abord, se préparer au mariage si elle trouve quelqu’un de bien et qu’elle l’aime. Mais pas à cet âge. Il faudra d’abord finir les études. Je n’ai pas caché mon histoire à mes enfants. Ils la connaissent mais ce n’est pas une raison pour en faire de même. Le contexte n’est pas le même. Leur histoire non plus», soutient cette maman.