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Discours-Programme: l’utilisation du gaz liquéfié sème le doute

7 février 2020, 21:05

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Discours-Programme: l’utilisation du gaz liquéfié sème le doute

Le GNL semble avoir les faveurs du gouvernement. L’État veut l’utiliser comme carburant ou pour produire de l’électricité, entre autres. Mais certains s’interrogent sur sa viabilité.

L’utilisation du gaz naturel liquéfié (GNL) revient sur le tapis malgré les réserves avancées par des spécialistes sur sa viabilité. Dans le discours-programme, lu il y a dix jours par le président de la République, Pradeep Roopun, il ressort que le gouvernement projette d’utiliser ce type de gaz pour la production d’électricité, comme carburant, pour l’usage domestique et pour approvisionner les navires passant dans la région. Or, la firme consultante, Poten & Partners, qui avait réalisé une étude de faisabilité pour le compte du gouvernement, avait émis des réserves à ce sujet, estimant qu’il n’y avait pas de marché pour le GNL.

Le ministre de l’Énergie, Ivan Collendavelloo, avait déposé le résumé du rapport au Parlement, le 19 juillet 2019. Il avait fait comprendre que le document complet ne serait pas accessible au public pour des raisons commerciales. Nous avons tenté d’avoir une explication du ministère de l’Énergie sur ses projets, en vain.

Après l’annonce du gouvernement, un Mauricien expert en énergie estime que le public devrait avoir accès au rapport complet de Poten & Partners, pour un débat national, d’autant que la firme consultante a jugé que la commercialisation du GNL à Maurice n’est pas viable. «Le GNL n’est pas comme le gaz comprimé. Il faut une technologie plus compliquée et plus chère pour le stockage, la transformation et le transport de ce produit. Il faudra un investissement de plusieurs milliards de roupies et des travaux dans la région portuaire. Il faut un débat et une analyse profonde des implications, surtout financières», explique-t-il.

Pour en revenir au rapport, les consultants de Poten & Partners estiment que seules les centrales thermiques de Saint-Louis et de Fort-Victoria ont la capacité d’être transformées, pour rouler au gaz liquéfié. Les autres centrales du Central Electricity Board (CEB) et celles des producteurs indépendants ne sont pas adaptées. Toutefois, avec la construction d’une Combined Cycle Gas Turbine (CCGT) à Fort-George et une nouvelle machine installée par Alteo, ils maintiennent qu’elles pourraient également utiliser du GNL.

Cependant, il y a eu des réticences du bureau du Premier ministre par rapport à la construction d’une CCGT, jugeant que le coût est trop élevé, soit un investissement de Rs 6 à 8 milliards. Le Central Procurement Board n’a pas non plus rendu public le nom du soumissionnaire choisi pour ce projet. Le CEB doit d’abord prouver qu’il a les moyens pour le financer.

D’ailleurs, le président du Parti travailliste, Patrick Assirvaden, a consacré son discours au Parlement essentiellement au dossier énergie. Il affirme qu’il y a beaucoup de «contradictions» dans la démarche du gouvernement. «D’abord, il n’y a pas de marché à Maurice pour le gaz liquéfié. De plus, au sein même du gouvernement, ils sont divisés sur ce dossier.» Le député rouge fait référence au projet CCGT de Fort-George.

Loin du port

Par ailleurs, l’expert mauricien ne croit pas qu’Alteo acceptera d’investir dans des appareils fonctionnant au GNL. «Alteo est trop loin du port. Il faudra aussi songer au transport de ce gaz. Cela demande également un investissement.» Pour alimenter les turbines du CEB à Saint-Louis et à Fort-George en gaz liquéfié, Poten & Partners prône l’installation d’un pipeline à partir de l’entrepôt. Dans leur rapport, les experts ont identifié deux régions pour aménager les entrepôts. Ils proposent la région d’Albion ou la partie nord de la rade.

Patrick Assirvaden demeure sceptique et se pose des questions sur le stockage du GNL. «Si c’est stocké loin du port, il faut songer à un mode de transport pour alimenter les centrales électriques. Maintenant, il y a un autre problème. Le gouvernement évoque la région de Fort-George. Mais à ma connaissance, il n’y a pas de place dans cette région pour le stockage.»

Concernant l’utilisation du GNL comme carburant pour véhicules, Poten & Partners estime que 5 % des pro-priétaires de véhicules légers pourraient y adhérer contre 10 % des poids lourds. Toutefois, la firme consultante est consciente que les auto-mobilistes pourraient ne pas adopter ce type de carburant en raison des modèles de véhicules très limités chez les concessionnaires, des véhicules qui sont plus chers.

De plus, même pour le bunkering, Poten & Partners est réticente. Les bateaux utilisant le GNL sont de gros navires modernes, qui ne font pas escale à Port-Louis. «Il faudra aussi changer toute la flotte de nos autobus. Aucun n’est adapté pour ce type de carburant», ajoute l’expert mauricien.