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Boolell: «Ramgoolam devra quitter la scène…»
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Boolell: «Ramgoolam devra quitter la scène…»
Jamais un Boolell n’aura parlé avec autant de franchise d’un Ramgoolam. Jamais un travailliste n’aura autant minutieusement analysé Pravind Jugnauth. Jamais un leader de l’opposition n’aura autant exposé sa stratégie. Dans cette interview inédite, Arvin Boolell est d’une étonnante spontanéité. Katori ? Il répond. Leadership du PTr ? Il explique. Clivages ethniques ? Il analyse. Sa réputation d’homme lisse ? Il n’en a cure. Cette rencontre qui a lieu dans sa maison où on ne compte pas les photos du mythique feu sir Satcam Boolell est d’une déconcertante facilité.
Ça fait longtemps Arvin Boolell. Quand nous nous sommes rencontrés la dernière fois, vous étiez un simple député de l’opposition, fraîchement élu à la partielle du numéro 18. Il y a une différence entre cet Arvin Bolell là, et le Arvin Bolell leader de l’opposition ?
Il y a eu une mutation c’est sûr. Il y a plus de dossiers. Je dois être plus pointu. Je dois aussi privilégier le principe de précaution face au sensationnalisme. Je ne serai pas sensationnel. Dans mes arguments je cherche encore plus à me baser sur les faits et les preuves. Enfin, même si je pense en être naturellement doté, je veille à avoir un esprit participatif, un leadership de l’opposition collectif.
Pas de sensationnalisme ? Vous êtes sûr ? Ce n’est pas ce qu’on a vu mardi quand vous accusez le ministre de la santé, sur le dossier du Coronavirus d’être allé à l’aéroport en Pierre Cardin et qu’il aurait dû porter une combinaison. N’avez-vous pas sur joué ?
Non. Je pense qu’être incisif n’empêche pas l’humour tout en restant sérieux dans le fond. Il fallait que je dise au ministre de la Santé – qui est un ami – qu’il ne suffit pas d’être à l’aéroport et de se faire prendre en photo de manière opportuniste. L’aéroport est le point d’entrée, et c’est le centre névralgique de notre guerre. Ce n’est pas qu’un problème de santé. Il y a une dimension sociale et économique. Le gouvernement a réagi tardivement.
Ce n’est qu’après que l’opposition ne soit, à juste titre, montée au créneau pour qu’on assiste à une réaction du gouvernement. Ensuite nous avons vu le Premier ministre monter au créneau pour présider le High Powered Committee que j’avais d’ailleurs demandé. J’avais aussi demandé qu’Air Mauritius annule ses vols vers la Chine et Hong Kong, et ce n’est que par la suite que cette décision a été prise.
Vous êtes contents de vous au final ?
Certains me disaient que puisque nous avions déjà tenu une conférence de presse à ce sujet, poussant le Premier ministre à en tenir une, dimanche ; ce sujet devait-il être la PNQ ? J’y ai bien réfléchi. Et après consultation, je me suis dit que ce sujet est tellement national, tellement important qu’il ne pouvait en être autrement.
Consultations avec qui ?
Avec mes amis parlementaires, avec mes amis dans le domaine de la santé, avec un ami virologue. L’essentiel, c’était la sensibilisation, la communication et les mesures préventives. Le coronavirus est une force majeure. Même si l’OMS ne parle pas officiellement de pandémie, je note que plusieurs pays craignent effectivement une pandémie.
Le choix de la PNQ, c’est votre prérogative. Je vous accorde donc le joker de ne pas répondre à cette question. Mais une PNQ sur le coronavirus – alors qu’il n’y a aucun cas à Maurice, et croisons les doigts pour que nous n’en ayons pas – valait-elle stratégiquement plus qu’une question sur les fraudes alléguées lors des dernières élections, le manganèse ou bien…
(Il nous interrompt) Oui, il y a aussi l’accident de Wooton. Je suis en contact avec la famille de la victime. L’affaire du manganèse est aussi ahurissante. Mais je vous ai dit. Je devais privilégier le coronavirus car c’est une force majeure nationale et mondiale. Je ne cherche pas à gagner des points politiques.
Vous avez vu la vidéo de la PNQ ?
Oui.
Vous n’avez pas vu Paul Bérenger et Xavier-Luc Duval assez nonchalants et pas très supportive ?
Non, du tout. Au contraire. J’ai informé Paul Bérenger du sujet de la PNQ. Il m’a dit qu’il ne serait pas là car – félicitations à Joanna en passant – il était devenu grand-père pour la sixième fois. Or, il est venu. J’apprécie. Xavier Duval, vous savez, il est toujours très proche. Il était là, et j’ai senti son soutien. Par contre j’ai fait mon autocritique. Je me suis fait quelques remarques. J’ai peut-être posé trop de questions à la fois. Mais c’est mon style. Et ça dépend du sujet de la question. Imaginons que j’interroge le Premier ministre sur sa visite à Londres, n’attendez pas que je sois virulent. La recherche d’informations à travers une PNQ se fait pour le citoyen. Pas pour mes points personnels. Mais si le gouvernement ne joue pas le jeu, quand il faudra hausser le ton, je le ferai.
Cette image d’Arvin Boolell presqu’en colère, qui tape du poing sur la table, qui hausse le ton comme mardi dernier, il faudra s’y habituer ? Ce n’est pas vous ça…
Ça va dépendre des circonstances. Imaginez que j’ai des «privileged information» sur un dossier comme la coupure de 20 roupies. Je risque d’être un peu plus insistant.
Dilo trankil éna so profondér ? (Ndlr, expression kreol pour «méfiez-vous de l’eau qui dort»)
Je préfère que l’eau soit claire et limpide. Je préfère un gouvernement transparent et franc. Mais soyez sûr d’une chose. Je ne poserai pas de question sans substance, sans être informé, sans maîtriser mon sujet. Je ne taperai pas sous la ceinture non plus.
Pour le moment, elle est claire cette eau ? Vous aviez rencontré le Premier ministre très vite au début de ce quinquennat. Pour l’homme consensuel que vous êtes, comment s’annonce la suite de vos rapports avec Pravind Jugnauth ?
Pravind Jugnauth avait aussi des relations cordiales avec Xavier Duval. Un Premier ministre doit discuter avec un leader de l’opposition. Il faut comprendre les pouvoirs, privilèges, statuts et obligations de ces deux postes constitutionnels. Quand Pravind Jugnauth m’a appelé, c’est la personne qui occupe le poste de Premier ministre qui m’a appelé et c’est le leader de l’opposition qui a répondu à cet appel. Quand je l’ai rencontré, il y a eu une conversation correcte mais avec une ligne de démarcation claire et nette. Au-delà des civilités, je lui ai clairement fait comprendre que je serai intransigeant dans mon travail. Je lui ai aussi demandé de ne rien cacher à la population. Je ne vais pas entrer dans les détails. Mais essentiellement, je lui ai dit que je voudrais pas assister, lors de ce quinquennat à ce que j’ai vu en 2015.
C’est à dire ?
La politique de revanche et de vendetta politiques, le musèlement des institutions, la tyrannie du nombre pour faire aboutir des projets qui n’ont pas de sens ; les institutions bafouées de Réduit à Port-Louis, les licences de la FSC aux PEP, entre-autres. J’insiste sur la tyrannie du nombre. Car n’oubliez pas il y a les pétitions électorales, les affaires constitutionnelles et une Judicial Review qui contestent les résultats des élections…
Parler de ces contestations électorales, et douter de la légitimité du gouvernement en place ne vous met-il pas en porte-à-faux avec ce dialogue souhaité ?
Non pas du tout. Il y a la permanence de l’Etat. L’Etat et les institutions doivent continuer à fonctionner. Il y a aussi la séparation des pouvoirs. Heureusement d’ailleurs. Cette même séparation de pouvoirs clairement démarquée vous permet à juste de titre, d’exercer le journalisme d’investigation, elle a permis que les 11 cas en cour contre Navin Ramgoolam soient rayés, elle a permis que Pravind Jugnauth gagne son procès devant le Privy Council. Je ne souhaite pas que le gouvernement ne puisse pas fonctionner à cause de ces affaires en cour. Mais je me demande s’il arrivera à fonctionner avec cette épée de Damoclès ?
Navré de vous décevoir, mais je ne vois aucun signe particulier d’inquiétude de Pravind Jugnauth à ce sujet.
Oh que non. J’ai analysé son Body Language. J’y vois beaucoup d’inquiétude. Je vois un manque de confiance. Pour la première fois, il n’y a pas eu de liesse populaire après une élection. Il a évité la séance parlementaire de mardi. Aussi, dans son équipe il y a des nouvelles têtes. Et qu’on le veuille ou non, il se retrouve avec des députés et ministres qu’il n’a pas côtoyées.
Disons qu’il a connu, Steve Obeegadoo et Alan Ganoo. Mais ce ne sont pas «so dimunn» avec qui il a travaillé durant des années. Il n’y a pas cette symbiose et cette confiance. Et qu’on le veuille ou non, la récente promotion de Leela Devi Dookhun au sein du MSM, ne plaît pas à tout le monde au Sun Trust. Et moi je pense que l’absence de sir Anerood Jugnauth se fait sentir. Vous savez, le pouvoir est un grand aphrodisiaque. Il arrive à galvaniser. Mais attention au jour où le nectar deviendra amer.
Comment ça l’absence de sir Anerood Jugnauth se fait sentir ? Le PTr a fait campagne contre SAJ car il était, selon vous, à la tête d’un ministère qui ne sert à rien.
Il manque au MSM. Certainement pas au pays. Que les choses soient claires. SAJ était un «fatherly figure». C’était le patriarche qui pouvait les rappeler à l’ordre. S’il a pu dire en public et à la presse «mo p**** ar zot», imaginez son influence et son langage en privé auprès des récalcitrants.
Sérieusement, Arvin Boolell, Pravind Jugnauth a une complète main mise sur le MSM. Tellement complète que vous accusez sa cuisine de rouler le pays. Je ne vois pas comment SAJ lui manquerait.
Justement. En Angleterre, le Premier ministre a un conseiller du nom de Cummings. Il est l’équivalent de la cuisine de Pravind Jugnauth. Il éclipse le cabinet. Le problème se pose quand un «Kitchen Cabinet» éclipse un ministre du cabinet. SAJ était une zone tampon pour les crises au MSM. Beaucoup de personnes allaient se plaindre auprès de lui.
Pravind Jugnauth lui, il n’a pas cette approche humaine. Je suis en train de suivre tout ça de près. Pravind Jugnauth a du mal à trouver le juste milieu entre les hommes du sérail de SAJ et sa propre cuisine. Ça commence à s’effilocher.
Un exemple ?
Nando Bodha, un fidèle parmi les fidèles de SAJ. Au-delà de «overshadow», la cuisine le «overpower». Le plus grave dans tout cela c’est que sous ce «yankee doodle politics», se cachent plusieurs problèmes, comme la dette. C’est inquiétant. Le recul des secteurs porteurs de l’économie, le Brexit, la fin de l’AGOA en 2024, tout cela me donne froid dans le dos. Du planteur au machiniste d’usine, du banquier au producteur de sucre raffiné, nous serons tous impactés alors que notre feuille de route, le discours programme, est un «makatia» total ! Il n’y a pas de vision. Nou pé badiné !
Pravind Jugnauth n’est pas le visionnaire, le leader étoffé qu’il nous faut ?
Je ne sous-estime jamais un Premier ministre. Mais il ne réalise pas l’ampleur du problème. Pravind Jugnauth est trop occupé à se maintenir au pouvoir plutôt que de diriger le pays. Ce faisant, il réagit avec ses tripes. A force d’essayer de se maintenir au pouvoir, il développe les mauvais réflexes. Il développe le syndrome du populisme dont un des symptômes est de diviser majorité et minorités. Je ne veux pas d’une Ile Maurice divisée, et Pravind Jugnauth doit être vigilant.
L’exploitation par le MSM de la phrase «katori» de Navin Ramgoolam est, diriez-vous, un signe de ce syndrome de Pravind Jugnauth ?
Cela transcende le clivage rural-urbain. Il y a un problème de fond. Prenons le cas Grégoire. Toutes les communautés ont emboîté le pas aux socioculturels hindous. C’est inquiétant et les événements du passé nous intiment de ne pas entrer sur ce terrain-là.
Mais qui sème le vent récolte la tempête, Arvin Boolell. C’est vous le PTr qui avez créé l’ogre Dulthummun.
Oui et je le regrette. Je le répète. Je regrette. Nous l’avons créé et nous n’aurions pas dû. Aujourd’hui, il y a un syndrome socioculturel qui a envahi la classe politique, surtout avec le MSM. C’est dangereux. Pravind Jugnauth n’est pas celui qui encourage le mauricianisme et la laïcité. Il y a un repli et personne n’est en train d’analyser cela.
Le choix du Président de La République, c’est aussi un symptôme du syndrome majorité-minorité ?
Oui ! Disons les choses telles qu’elles sont. Ayons le courage de dire à Pravind Jugnauth ses quatre vérités. En nommant ce Président – contre qui je n’ai rien de personnel, c’est un ami - Pravind Jugnauth tente consolider sa base rurale-hindoue au détriment des minorités qui ne l’ont pas soutenu lors des élections. C’est comme ça que nous allons gouverner ce pays ? C’est ça la vision ? C’est ça le «high income» ? C’est cela l’inclusion ?
J’invoque la franchise qui a rythmé cette interview jusqu’ici pour ouvrir la page PTr.
Allez-y, je vous en prie, posez-moi toutes vos questions.
Une toute simple pour commencer. Autopsie de la défaite aux élections de novembre ?
Le PTr a subi les conséquences de ce que je qualifie de réaction aberrante. En alliance avec le PMSD, nous étions quasiment sûrs de gagner les élections. L’affaire «katori» pour moi est secondaire. Disons que c’était la goutte d’eau.
Mon analyse me pousse à croire que c’est la foule du MMM dans son dernier meeting à Port-Louis qui a été le tournant de la campagne. C’est ce jour-là que le MMM est passé du statut de possible «king maker» à celui de «potential king». Cette démonstration de force a accentué une crainte alimentée par le syndrome que je vous explique depuis 10 minutes, le syndrome majorité-minorité. Au-delà bien-sûr de ce qui s’est passé dans le Computer Room ou encore les autres fraudes alléguées.
Allez, entrons dans une bulle et disons-nous que les élections ont été free, fair, and trick-free... Continuez.
La foule du MMM a effrayé l’électorat traditionnel rural. Le MMM avait bien-sûr tous les droits et tout le devoir de montrer sa force. Evidemment ce ne sont pas eux les fautifs.
Donc vous dites que la majorité a eu peur de Paul Bérenger. Pourquoi c’est le MSM qui en tire profit ?
Parce que le MSM a su le faire. C’est après cette démonstration du MMM que le clip Katori a été monté. Le MSM a su réagir. Il a su réveiller les «basic instincts» de ceux qui avaient peur de Bérenger. Au Parti travailliste, ce n’est pas notre culture.
Et puis, il faut reconnaître que le Parti Travailliste brasse large et son bassin ne se situe plus uniquement dans ce bassin traditionnel. Je vais vous dire les choses telles qu’elles sont. L’électorat rural pense qu’il n’a qu’un seul pouvoir : son pouvoir politique. C’est ce qui lui confère un sentiment de sécurité. Sa pou li sa. Certains vous diront «la presse est à nous».
On raconte que Harish Boodhoo a dit une fois que cet électorat n’a pas de parti. Son parti, c’est l’hôtel du gouvernement.
C’est une partie de la vérité. Elle a été accentuée par ce syndrome majorité-minorité. Et il y a ce sentiment que l’Inde se sent beaucoup plus en sécurité avec Pravind Jugnauth. Sans que l’Inde ne s’ingère dans notre politique interne et notre processus électoral.
C’est le cas ? L’Inde est plus à l’aise avec Pravind Jugnauth qu’avec Navin Ramgoolam ?
Non ! Je vous parle du sentiment. Surtout avec le gouvernement indien actuel. Je suis en train de vous parler avec une franchise totale. Il faut que les façades tombent. Je veux que l’île Maurice profonde prenne conscience de ce que je vous explique.
Qu’on le veuille ou non, tout ce qui se passe en Inde se reflète sur Maurice. Qu’on le veuille ou non, l’Inde a toujours été à nos côtés. Un ministre indien a dit un jour, et cela démontre notre relatin profonde «when Mauritius asks, India cannot say no». En même temps, il y a un élément de réciprocité. C’est une relation profonde, pas qu’une question de peuplement. Les deux pays sont réciproquement réceptifs.
L’Inde est présente dans notre paysage des affaires. Nous avons facilité la présence indienne à Agalega. Le tram mauricien est financé par l’Inde. L’Inde demain peut convertir nos dettes en equity et nous faire sortir de cette spirale de dette. Avec raison, nous avons d’excellentes relations avec l’Inde sans qu’on soit un satellite de la Grande Péninsule.
Comment du meeting à succès du MMM à Port-Louis en est-on arrivé à parler de l’Inde Arvin Boolell ?
C’est simple, je vous ai donné toutes les pièces du puzzle. Mettez-les dans l’ordre. Le syndrome majorité-minorité accentué par Pravind Jugnauth, la perception – à tort – que celui-ci est le préféré du gouvernement indien, cet électorat traditionnel rural qui a vu la force de Bérenger. Ajoutez-y la lâche exploitation de la phrase Katori. Je vous ai tout dit. Ce que je ne vous ai pas encore dit c’est que je suis moi-même un grand fan de Shashi Tharoor (ndlr : ancien ministre indien des affaires étrangères du précédent gouvernement Modi). Mais j’aime l’Inde à cause de sa démocratie. J’aime l’Inde parce que dans sa constitution, la laïcité de l’Etat est établie.
Or, ce n’est pas le cas à Maurice. Et je ne vois pas pourquoi dans un tel contexte, avec une telle obsession du pouvoir, Pravind Jugnauth travaillerait dans l’intérêt du mauricianisme et de la laïcité de l’Etat. Pour preuve sa soi-disant proposition de réforme électorale. A qui profite-t-elle ? Au mauricianisme ? Absolument pas !
Je vous parle avec autant de franchise par amour pour mon pays et pour vous montrer que Pravind Jugnauth ne travaille pas pour ce mauricianisme. Je ne suis pas en train de faire de la politique de bas étage. Je veux que l’on comprenne et j’espère que ceux qui liront cette interview comprendront. C’est ça la réalité. Il n’y a pas eu de campagne extraordinaire d’un grand leader du nom de Pravind Jugnauth. Loin de là.
Gardons, je vous prie, cette même franchise et cette même lucidité pour poursuivre notre analyse du PTr qui a expulsé cinq membres la semaine dernière. Des fidèles parmi les fidèles. Quelle ingratitude !
Je ne peux hélas pas vous raconter les détails du Bureau politique qui a pris cette décision. Je ne dirais pas que cette décision est injuste. Cette guerre fratricide par contre me chagrine. Time is a healing factor. Parfois vous savez, l’émotion peut dépasser la rationalité. Cette émotion, je la décris comme le Gut instinct and primary reaction and reflexes.
Vous me parlez de l’expulsion et de la réaction des expulsés ?
Nous avons tous réagi à chaud.
Le Bureau politique où vous étiez a réagi trop à chaud en expulsant ces cinq membres ?
Un parti politique, ce n’est pas une entreprise. Si on applique les provisions de la Constitution du PTr à la lettre, on peut dire que le BP….
(on l’interrompt) Que le BP, comme le dit Varma, a violé la constitution du PTr ?
Les deux camps ont raison. Yatin Varma peut avoir raison. Le BP peut avoir raison. Mais c’est connu. Ce n’est pas vulgaire, c’est une expression familière utilisée entre membres de la profession légale : the law is an ass ! Si le monde était dirigé uniquement par des juges et des avocats, il aurait été ingouvernable. Je ne vais pas entrer dans les détails et je vais vous dire pourquoi. Parce que je pense que malgré tout ce qui a été dit et fait, tout est encore réconciliable. Le BP, dont je faisais partie, a fait ce qui lui a semblé bon. J’ai lu l’interview de Yatin Varma. Laissons le temps au temps. La tolérance est une des grandes valeurs fondamentales du parti. Mais quoi qu’il arrive, l’intérêt du parti est suprême et personne n’est plus grand que le parti.
Même pas Navin Ramgoolam ?
Non. Navin Ramgoolam a deux objectifs. Démontrer que les élections n’ont pas été free and fair et ensuite préparer la transition et la relève. Il nous a dit que ces deux combats sont devenus son sacerdoce. Il dit qu’il n’est pas attaché au leadership du PTr, et qu’il veut réformer le parti. Et ensuite avec raison, il explique que sa pétition électorale et celles de tous les membres du parti sont aussi sa priorité. Il veut – j’insiste que c’est avec raison – prouver les maldonnes des dernières élections. Toute l’opposition parlementaire et extra parlementaire est d’avis qu’il y a eu maldonne.
Donc si les pétitions électorales du PTr et des autres partis dont celles de Navin Ramgoolam sont rejetées par la justice, Navin Ramgoolam partira ?
On est tous d’accord que personne n’est indispensable. Le PTr n’est pas un trust familial. Le PTr a une histoire glorieuse. Et j’ai dit à Navin Ramgoolam, le plus important c’est ce que nous quitterons derrière nous. Il ne faudrait pas qu’après nous, ce soit le déluge. Vous savez, j’accorde le bénéfice du doute à Navin Ramgoolam car il m’a dit que s’il n’y avait pas autant de doutes fondés sur le déroulement du dernier scrutin, il serait déjà parti.
You’re allowing him to live to fight his ultimate battle ?
Oui. Une bataille qui est juste et dans laquelle nous tous au PTr croyons. Le Commissaire électoral a reconnu qu’il y a eu des irrégularités. J’espère, et je le dis avec tout le respect pour le judiciaire, que nos juges auront le courage de trancher selon les droits de notre bien-aimée République.
S’il perd cette bataille, pour citer Varma, le rideau tombera et vous demanderez à Navin Ramgoolam de quitter la scène ?
Ah ! Je n’aurais pas à lui demander de «leave the stage». Cela coule de source.
Vous le croyez et vous lui faites confiance ?
Ecoutez, jusqu’à l’heure, j’ai toujours connu Navin Ramgoolam comme un homme qui honore ses obligations. Quand j’ai des reproches à lui faire, je peux les lui faire. S’il faut le critiquer ici, je peux le faire. Mais Ramgoolam tient parole et il tiendra parole. Nous allons tous tenir parole et assurer la transition.
Vous dites dans une interview dans le journal week-end en début d’année que vous serez candidat au leadership du PTr. Et l’élément castéïste alors ?
Je pense que notre nation a mûri, même si je vous ai parlé de repli il y a un instant.
Oui c’est paradoxal…
Ce repli s’est produit dans une conjoncture que je vous ai longuement expliquée. Au-delà des changements démographiques, je pense que l’électorat a muri. 2019 a été une très mauvaise exception dans le processus de maturité de notre peuple. Le petit nombre qui voudra reproduire ce repli identitaire ou sectaire ne réussira pas la prochaine fois. Car les mauriciens, dans leur immense majorité ne souhaitent qu’une chose : le vivre-ensemble. Maurice est prête pour accueillir un rassembleur, un fédérateur. Il peut s’agir de n’importe qui venant de n’importe où.
Quel héritage de sir Satcam Boolell vous est plus utile aujourd’hui dans ce contexte politique, économique et social ?
Deux valeurs qu’il nous a inculquées : la tolérance et la réconciliation.
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