Publicité

Futur papa à 14 ans: pourquoi le garçon est-il seul à être inquiété ?

23 février 2020, 22:41

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Futur papa à 14 ans: pourquoi le garçon est-il seul à être inquiété ?

Ce cas interpelle. Le lundi 17 février, un jeune de 14 ans a été «arrêté» par la Brigade des mineurs. La mère de sa petite amie a porté plainte contre lui après avoir appris que sa fille de 17 ans était enceinte de l’ado. Ce dernier,a comparu en cour le lendemain, sous une charge de «causing child to be sexually abused».

Selon la jeune fille, ils étaient très amoureux et se connaissent depuis 2018. Ils ont eu des relations sexuelles à deux reprises,  entre octobre 2019 et janvier 2020. Lorsqu’elle a réalisé qu’elle n’avait pas ses règles, l’adolescente a effectué un test de grossesse qui s’est avéré positif. Mais alors pourquoi l’adolescent est-il le seul à avoir été interpellé ?

Déjà, il faut que les choses soient claires, lâche un haut gradé de la Brigade des mineurs. Le futur papa de 14 ans a seulement été «interrogé» par les limiers du poste de police de Pamplemousses, avant d’être autorisé à rentrer chez lui. Et les deux futurs parents devront se présenter devant le magistrat en chambre, le lundi 24 février.

Par ailleurs, selon notre interlocuteur, la provision légale de «causing child to be sexually abused», ne mentionne, en aucune façon, le genre mais un enfant. «Dans la logique des choses, dans plusieurs cas, c’est le garçon qui en fait les frais, car en tenant compte du facteur de l’âge, soit la maturité, c’est en général celui-ci qui est plus âgé, même si les deux sont mineurs. Nou get en term matirité kisanla ki pli responsab. Et logiquement aussi, c’est un garçon qui abuse d'une fille. Non l’inverse…»

Avis du DPP

Mais dans le cas de ces deux ados, la situation est embarrassante. «C’est la fille la plus âgée, donc c’est à elle de ‘répondre’ sauf qu’il faut garder en tête que cette jeune fille est enceinte. Nou pa pou pourswiv li kumsa mem…»

C’est pourquoi l’avis du Directeur des poursuites publiques (DPP) a été sollicité dans cette affaire. «Ce sera au DPP de trancher. Entre-temps, les deux futurs parents seront encadrés par des psychologues. La Child Development Unit s’est aussi saisie de l’affaire.»

Du côté de la police, même si le cas de l’ado de 14 ans «sort de l’ordinaire», il est faux de dire que seuls les garçons font face à des poursuites quand deux mineurs ont eu des relations sexuelles. «Il y a des cas ou des femmes adultes sont coffrées pour avoir eu des relations sexuelles avec des mineurs», précise-t-on. De poursuivre aussi, que dans une société en constante mutation, il faut appliquer la loi au cas par cas. Car chaque cas diffère et les facteurs, qui doivent être pris en considération, ne sont pas les mêmes partout.

Code pénal

Qui plus est, selon l’avocat Anoup Goodary, sous la Child Protection Act 1994, il est clair que toute personne non-mariée âgée de moins de 18 ans, que ce soit une fille ou un garçon, peut être poursuivie sous le Criminal Code, pour relation sexuelle. «Il n’est dit nulle part que la fille est immunisée. Les deux doivent faire face à la loi. Toutefois, dans le cas de la fille de 17 ans et du garçon de 14 ans, le DPP devra faire connaître sa décision», fait valoir l’homme de loi.

Deux scénarios sont à prévoir. Soit le DPP trouve qu’il est dans l’intérêt public de les poursuivre ou il estimera qu’ils méritent un severe warning. «Le fait que la jeune fille se retrouvera avec un bébé dans les bras et qu’elle devra se présenter en cour et tout, je pense que sera un facteur primordial dans cette décision

En attendant, pour revenir à l’histoire des adolescents qui s’apprêtent à devenir parents, la fille a expliqué qu’elle a tout avoué lorsque l’ado de 14 ans s’est montré distant quand elle lui a annoncé qu’elle était enceinte.

Le papa en herbe affirme, pour sa part, qu’il n’a pas l’intention de fuir ses responsabilités et qu’il assumera les conséquences de ses actes. «Mo asimé monn gagn rélasion ek li et mo pou pran zot sarz tou lé dé

Il avance en outre qu’il est déjà autonome financièrement, puisqu’il exerce le métier de soudeur et qu’il pourra subvenir aux besoins du bébé et de la maman. La mère de l’adolescent, elle, se dit choquée par la situation. Quand son fils lui a annoncé que sa copine était enceinte, elle a cru qu’il s’agissait d’une mauvaise blague. «Lui-même est  encore un enfant. Je ne m’attendais vraiment pas à ça. Ils disent s’aimer et vouloir être ensemble. Je suis prête à accueillir la jeune fille et le bébé chez moi…»

L'éducation sexuelle alors ?

Comment des enfants peuvent-ils être impliqués dans des délits sexuels? Selon Edley Maurer, directeur de l’ONG Safire (Service d’accompagnement, de formation, d’insertion et de réhabilitation de l’enfant), ces cas médiatisés ne sont que le sommet de l’iceberg. Car en vérité, il en existe beaucoup plus...

«Depuis 2003, on a tiré la sonnette d’alarme. Ces cas démontrent qu’il y a un manque d’éducation sexuelle à Maurice. Par manque d’éducation, un enfant, tout comme un adolescent, n’est pas conscient de ce qui est correct ou pas. Ils n’ont pas de limites.» D’ajouter que maintenant que tout est médiatisé et qu’il est très facile pour des enfants d’avoir accès à des films, vidéos, images à caractère sexuel, ceux-ci sont surexposés, déboussolés.

Pascale Gouges, coordinatrice du projet d’Education à l’affectivité et à la sexualité au Service diocésain de l’education catholique (SeDEC) abonde dans le même sens. «La société va mal, les jeunes sont exposés à la pornographie et tout ce qu’il ne faudrait pas. Donc ils reproduisent ce qu’ils voient sans savoir ce qu’ils font. Il faut briser les tabous, chaque adulte devrait pouvoir parler de sexualité avec les jeunes

Que fait-on du côté des écoles en matière de sexualité ? Selon notre interlocutrice, pour les établissements scolaires catholiques, en 2014, Mgr Piat, avait invité quelques instances du diocèse à mettre sur pied le projet d’Education à l’affectivité et la sexualité pour les jeunes. «Avant cela, les enseignants étaient formés par EVA (Ecole de la Vie et de l’Amour) qui n’existe plus aujourd’hui. Pendant quelques années, avant 2014, il y a peut-être eu quelques manquements avant cette décision.» C’est donc depuis 2015 que toutes les écoles catholiques proposent ce ‘parcours’: «Au Mystère de la Vie.»

Le programme se base sur trois axes : l’écriture et la publication de manuels pour aider et éduquer les jeunes. Puis la formation des enseignants et des causeries destinées aux parents en début de chaque année dans tous les collèges pour répondre aux nombreuses questions. «Ils sont démunis devant ce que vivent nos jeunes, leurs enfants. Ils ne savent pas comment aborder certains sujets d’où l’importance de la formation. De plus, il faut que les parents comprennent que c’est leur rôle de donner de l’affection à leurs enfants car s’ils n’en reçoivent pas à la maison, ils en rechercheront ailleurs et pas de la bonne manière…»

Quid des établissements scolaires de l’État? «Depuis 2018, à la demande du ministère de l’Education, Au Mystère de la Vie se fait aussi dans toutes les écoles d’État et privées, celles qui sont ‘grant-aided’. Le programme est proposé cette année en Grades 7 et 8. Les manuels sont utilisés et les enseignants sont formés par le SeDEC

Virginie Bissessur, psychologue clinicienne : «L’abstinence n’est pas la solution»

Est-ce qu’un garçon de 14 ans est apte à devenir père ?
Clairement non. On n’est même pas assez mature à cet âge pour avoir des relations sexuelles. On est trop jeune pour savoir ce que cela veut dire, pour comprendre et en assumer les conséquences.

Dans le cas d'enfants qui commettent des attouchements sexuels, pensez-vous qu’ils savent ce qu’ils font ?
À cet âge, on ne sait pas ce qu’on fait. Dans 90 % des cas, les mineurs responsables de violences sexuelles sont eux-mêmes des victimes ou ont visionné des choses qu’ils ne sont pas supposés voir à leur âge. Et lorsqu’un enfant fait des «plaisanteries» à caractère sexuel, il ne faut surtout pas qu’un adulte le prenne à la rigolade ou à la légère.

Comment expliquer tout cela ?
Il y a un manque d’éducation mais aussi un manque de respect au sein de la société qui engendre de tels actes. Il faut que les parents parlent à leurs enfants de la sexualité. C’est leur rôle d’apprendre à un enfant le respect de soi et de l’autre. Et il faut aussi cesser de prôner l’abstinence comme solution. On est en 2020, il est temps d’en parler ouvertement, sans tabou.

À quel âge un garçon peut-il produire du sperme ?

Il faut savoir déjà que, dès la naissance, un garçon produit du sperme. Et durant toute son enfance il aura des érections, mais elles ne seront pas «voulues». C’est vers l’âge de neuf ans qu’il pourra «contrôler» lesdites érections et que débuteront les éjaculations matinales. Cela ne veut pas pour autant dire qu’il voudra avoir des rapports sexuels dès cet âge !

Pour les filles, l’âge où surviennent les règles n’est pas vraiment défini, surtout avec les excès d’hormones qui existent aujourd’hui dans la nourriture, affirment les experts. Mais en général, les menstruations débutent vers les 9 ans pour les plus précoces et entre 11-13 ans pour la plupart.