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Stenio Labonne, pêcheur: «J’ai vu la mort en face à plusieurs reprises.»
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Stenio Labonne, pêcheur: «J’ai vu la mort en face à plusieurs reprises.»
Des vagues houleuses s’écrasent sur la plage de Tamarin. Le temps est gris. Ici et là des gouttelettes de pluie rafraîchissent l’air. Stenio Labonne, pêcheur, scrute l’océan. Une fois de plus, ses amis et lui n’iront pas en mer. Depuis dimanche dernier, où la dernière saison de la pêche à la senne a été lancée, les sorties en mer se font rares à cause du mauvais temps.
Si autrefois la mer était le gagne-pain de ce village de l’Ouest, tel n’est plus le cas. «Avan kan lapes ti ouver tou dimounn dan Tamarin ti manz pwason. Aster, mem peser la bizin al aste bwat somon dan laboutik», raconte-t-il. Pour cet amoureux de la mer, la pêche à la senne n’a plus lieu d’être. «Nepli ena pwason dan lamer», regrette-t-il.
Âgé de 48 ans et père de trois enfants, Stenio Labonne raconte : «Dans ma famille, nous sommes pêcheurs de génération en génération. À 15 ans, pour moi le choix était déjà fait, j’allais être pêcheur comme mon père et mon grand-père. J’aime la mer et c’était un plaisir d’aller à la pêche.»
À 20 ans, Stenio Labonne décide, avec ses amis de Tamarin, de se mettre à la pêche à la senne. «Nous revenions des fois avec 500 kilos de poissons», explique-t-il, les yeux pétillants et le sourire aux lèvres à ce souvenir. Mais en regardant l’océan, son expression change. «Aujourd’hui j’ai dit à mes fils de ne pas faire ce métier et de trouver autre chose à faire.» Avec la fermeture de la pêche à la senne, c’est toute une génération de pêcheurs qui prend fin.
Pour Stenio Labonne, ce sont la pollution et le nombre incessant de bateaux de plaisance qui ont fini par avoir raison des poissons. «Il y a trop de bateaux. Cela fait fuir les poissons. Je quitte la maison à 5 heures du matin et je passe toute une journée en mer. Je rentre bredouille bien des fois ou avec pas suffisamment de poissons», souligne-t-il.
Il aurait souhaité que l’État aide davantage les pêcheurs. «Nous recevons des subventions de l’État, mais la manière dont c’est distribué n’est pas claire et la somme n’est pas suffisante.»
Dimanche dernier, soit le jour de l’ouverture de la pêche à la senne, Stenio Labonne et ses amis n’ont pêché que 50 kilos de poisson. Une prise qu’ils vendent à la coopérative du quartier. Ce métier, Stenio Labonne le fait avec passion et cela malgré les dangers qui le guettent au quotidien. «J’ai vu la mort en face à plusieurs reprises. Une fois le bateau s’était renversé et nous avions dû nager jusqu’au rivage. Nous avions eu chaud.»
Toutefois, si ce métier lui a permis de subvenir aux besoins de sa famille et même de «konstrir enn lakaz», l’avenir s’annonce sombre. «Mo pa kone ki mo pou fer.» Stenio Labonne hésite entre s’engager sur les bateaux de pêche en pleine mer et trouver un métier sur terre. «Peut-être que je vais me faire agent de sécurité. Je réfléchis», confiet-il, le regard perdu.
Mais que ce soit sur mer ou sur terre, il devra continuer à subvenir aux besoins de sa famille. Un nouveau tournant s’annonce désormais pour lui.
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