Publicité

52 ans d’indépendance : «Lanatir nou lavenir» : gare au slogan creux pour un 12 mars

12 mars 2020, 22:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

52 ans d’indépendance : «Lanatir nou lavenir» : gare au slogan creux pour un 12 mars

Le thème officiel pour les 52 ans de l’indépendance et les 28 ans de la République est «Lanatir nou lavenir». Au-delà du slogan et des promesses, que reste-t-il de nos plages et forêts? Quel est l’état réel des jardins botaniques et parcs nationaux? Réduits à peau de chagrin par la pression du développement… Dégradés par manque d’entretien… la responsabilité citoyenne est de mise. Pas que le 12 mars, mais pour les générations futures.

Plages: ces projets hôteliers qui provoquent de grosses colères

Un document de la Beach Authority en date du 25 septembre 2019 indique que la superficie totale des plages publiques à Maurice est d’«environ 326.4304 hectares». Alors que le sea frontage à la même date est de 47,9 mètres. Les assises de l’Environnement, en décembre dernier, ont braqué les projecteurs sur la gestion des zones côtières et de l’environnement marin.

George Ah Yan cumule actuellement quatre procès où «on brade les plages et les Mauriciens n’y ont plus accès». Il s’agit de Trou-d’Eau-Douce, la déviation de la route côtière à Mon-Choisy, Pomponette et la Cambuse. Face au slogan officiel du 12 mars, George Ah Yan s’exclame : «Quand on l’entend, on est très impressionné, mais dans la réalité, c’est tout le contraire qui se passe. Si ce slogan était vrai, mon combat n’aurait plus de raison d’être.» Ironique, il lance : «On ne croit plus au Père Noël. Cela fait 20 ans que l’on mène divers combats.»

Pour sa part, Yan Hoomkoomsing d’Aret Kokin Nou Laplaz (AKNL) a participé aux récentes assises. En apprenant que le thème des célébrations de l’indépendance cette année est «Lanatir nou lavenir», il affirme qu’AKNL a lancé une campagne disant «Nou lanatir an dey». Il ajoute: «Nous sommes prêts à travailler avec le ministère de l’Environnement, parce qu’il n’y arrivera pas tout seul. Nous espérons accueillir le ministre Kavy Ramano bientôt pour une visite à Bel-Ombre.» Il s’agit d’un site où le groupe Hyvec a un projet immobilier. «Pour y arriver, il faut arrêter de faire semblant. Dans le discours, les autorités martèlent le concept d’environnement durable, mais les actions ne le sont pas. Le ministre Kavy Ramano a bien commencé, même s’il a hérité du bilan désastreux de son prédécesseur Etienne Sinatambou. Nous sommes disposés à travailler avec lui. Maintenant, l’heure est aux actions. C’est un enjeu de crédibilité.»

Qu’est-ce qui grignote le plus les plages ? Yan Hookoomsing évoque l’action conjuguée de l’érosion, aggravée par les changements climatiques et les projets commerciaux. Ceux qui, «ne respectent pas la distance autorisée des wetlands et autres drains naturels». Ceux qui voient le jour «sans passer par la case Environment Impact Assessment (EIA)».

 

Forêts: création et restauration plus que nécessaires

L’état semble avoir entendu l’appel de la forêt. Puisque dans son discours-programme 2020-2024, la création de trois nouvelles forêts endémiques et la restauration de celles existantes sont prévues. «Actuellement, Maurice dispose d’une couverture de 25 % en termes de forêts», indique un spécialiste. Il cite notamment le Country Report du Global Forest Resources Assessment de 2015 de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. Ainsi en 1990, l’île disposait de 56 723 hectares de forêts contre 47 140 en 2011. L’estimation était de 50 467 hectares pour 2015. D’ailleurs, comme précise le rapport, un déclin dans la superficie des forêts est observé depuis l’an 2000 en raison des projets d’in- frastructures. Selon lui, Maurice dispose de 500 plantes indigènes, dont une vingtaine classifiées comme étant «critically endangered».

En fait, celles-ci se raréfient. Aussi, les pépinières mettent les bouchées doubles pour leur germination et reproduction. Selon Katheline Da Costa, membre de Fridays for Future, chaque citoyen doit aussi se responsabiliser. «La région de Curepipe regorge d’arbres. Pourquoi ne pas intégrer cela à d’autres villes comme Beau-Bassin/ Rose-Hill. Aujourd’hui, les gens n’ont même plus d’arbres dans leur cour. Il faut encourager les communautés à en planter dans leurs quartiers ou même se rendre dans les forêts pour y procéder», suggère-t-elle.

Parc national de Rivière-Noire: la vieille promesse de patrimoine mondial

Faire reconnaître le parc national des Gorges de la Rivière-Noire comme patrimoine mondial. Le sujet serait revenu sur le tapis récemment auprès des autorités concernées. En 2017, il avait déjà été évoqué lors de consultations autour d’un Master Plan pour la gestion du parc. Le site serait sur la «tentative list» de l’Unesco depuis une vingtaine d’années. Sollicité pour une réaction, le directeur des National Parks and Services a fait savoir qu’il est actuellement en mission et qu’il répondra à son retour.

Pour sa part, Philippe de la Hausse de la Louvière, défenseur du patrimoine et responsable de l’ONG Friends of the Environment affirme que ce parc passe par «des hauts et des bas». Il salue les bonnes initiatives mais n’oublie pas les «dégradations». Du côté positif, il note que la lutte contre les plantes envahissantes «marche bien dans certaines zones du parc». Selon lui, le partenariat avec le Mauritius Wildlife Fund pour la protection des espèces d’oiseaux endémiques est efficace. Il invite les autorités d’allier la défense du patrimoine naturel à celle du patrimoine culturel. «Des recherches ont montré que des ancêtres des marathis à Maurice ont vécu dans le parc de Rivière-Noire. Il ne faut pas se contenter de mettre une plaque auprès des vestiges, mais de faire connaître leur mode de vie.»

Par contre, le responsable de Friends of the Environment déplore des manquements au niveau du centre d’accueil des visiteurs. Si celui de Pétrin «a été grandement amélioré», celui de Rivière Noire «n’est pas top». Philippe de la Hausse de la Louvière signale aussi des sentiers «dégradés» et que l’accès au sommet du Piton de la Petite Rivière Noire est «très érodé». Il précise que le groupe Rando Trail & Nature discute actuellement avec les autorités l’installation de panneaux indicateurs «pour que les visiteurs utilisent les sentiers en toute sécurité».

Qu’en est-il du second parc national, celui de Brasd’Eau ? Pour Philippe la Hausse de la Louvière, ce parc plus petit en superficie – qui a fait l’objet de fouilles archéologiques – est, «bien balisé et plus gérable».

Les jardins botaniques reprennent du poil de la bête

Le bassin des nénuphars affiche finalement bonne mine.

Longtemps critiqués pour leur état de délabrement, les jardins botaniques semblent faire peau neuve. Pour 2020, un budget de Rs 2,5 millions sera injecté pour transformer le Jardin botanique de Curepipe en zone piétonnière. «Nous avons trouvé un terrain sur Robinson pour aménager une aire de stationnement. Les conducteurs pourront se garer puis venir à pied dans le jardin qui sera aussi pourvu d’une piste de jogging», déclare Hans Marguerite, maire de la ville, qui gère ce jardin. Quant aux plantes endémiques, des panneaux indicateurs pour chaque espèce seront bientôt pourvus. «Nous disposons d’un palmiste unique à Curepipe. Nous avons installé des clôtures pour le protéger», ajoute-t-il. Précédemment, Rs 3,5 millions avaient été investies dans la restauration. «Des bancs en plas- tique recyclé, les espaces verts ont été élagués et l’aménagement a été refait», ajoute le maire. Et depuis un mois, le projet «Plantons pour la ville de Curepipe» a été lancé, incitant plusieurs écoles et col- lèges de la région à cultiver. Au final, 700 arbres ont été plantés au jardin botanique ainsi qu’au Trou-aux-Cerfs, entre autres sous-régions.

Du côté du Jardin botanique de Pamplemousses, les plantes font aussi de la résistance. En effet, celles qui y figuraient en 2010 ont toujours racine. «Avant, le bassin de nénuphars géants était quasiment vide. Beaucoup d’arbres étaient infectés par des termites. L’élagage ne se faisait que très rarement laissant aux visiteurs un sentiment de jardin négligé. Aujourd’hui, le problème des nénuphars est réglé, le bassin est rempli à 100 %. De nombreuses plantes ont été introduites et nous contrôlons les espèces de plantes qui poussent», explique une responsable. Le Jardin de Pamplemousses compte environ 70 à 80 plantes endémiques et 800 espèces endémiques, indigènes et exotiques au total. Cependant, les nénuphars géants sont très sensibles aux variations climatiques, notamment en hiver avec le refroidissement de l’eau. Selon elle, les périodes de floraison ont également changé. Par conséquent, les plantes ne produisent plus de fruits à la même saison. Par rapport aux critiques sur l’état du jardin, elle affirme que des efforts sont faits par l’équipe d’entretien.