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Barlen Munusami: «Daniel Raymond ne connaît pas la réalité mauricienne»

14 mars 2020, 22:00

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Barlen Munusami: «Daniel Raymond ne connaît pas la réalité mauricienne»

Le sergent Barlen Munusami a récemment décroché un permis d’instructeur d’auto-école. L’une des voix incontournables de la Traffic Branch revient sur les questions brûlantes en matière de sécurité routière. «L’express» l’a rencontré à son domicile hier, vendredi 13 mars, pour un entretien à la veille de sa retraite.

Vous avez validé votre diplôme d’instructeur d’auto-école récemment. À quoi cette nouvelle certification vous sera-t-elle utile ?
Je compte 31 ans au sein de la force policière. J’ai décidé de changer de parcours en devenant formateur auprès des conducteurs à Maurice. J’ai acquis des compétences dans plusieurs domaines et de l’expérience dans celui de la sécurité routière. J’ai passé un examen organisé par le Mauritius Examinations Syndicate pour deve nir instructeur. Parmi les candidats que j’ai formés, 50 % ont réussi à cet examen qui requiert d’atteindre 80 points. J’ai démontré aux moniteurs que je ne fais pas du Talk the talk mais du Walk the talk.

Comment devient-on instructeur d’auto-école ?
Pour devenir instructeur, il faut faire une demande au préalable, avoir cinq ans d’expérience dans la conduite et n’avoir commis aucun délit grave sur la route, comme un accident fatal. Le plus difficile, c’est d’atteindre les 80 points requis pour passer à deux autres étapes.

Pensez-vous que les moniteurs doivent être formés pour avoir de bons conducteurs sur les routes ?
Il faut revoir le système d’apprentissage. Il n’y a aucun curriculum pour former les aspirants conducteurs. L’approche des moniteurs, c’est de pousser l’apprenant à passer un test, soit une examoriented approach.

Malgré le nombre d’auto-écoles, l’indiscipline règne sur nos routes. Quelles sont les failles du système d’apprentissage ?
Les auto-écoles donnent des cours de conduite uniquement pour passer le permis, ce qui fait que cela est dispensé dans un but lucratif. Par exemple, il n’y a aucune formation sur la manière de changer les roues des voitures, sur l’aspect mécanique d’un véhicule et aucune indication pour remplir le formulaire d’accord à l’amiable. Il faut changer le système actuel, car un aspirant conducteur qui a passé son permis doit pouvoir assurer sa propre sécurité et celle des autres sur la route. On ne donne pas tort aux moniteurs aussi, car il y a l’offre et la demande.

Vous recevez des aspirants conducteurs tous les jours. Quel est votre constat ?
Les candidats ont du mal à déchiffrer les panneaux dans le sens réel de la conduite, même s’ils ont eu zéro faute à l’oral. Les tests sont plus ancrés sur les panneaux. Il faut revoir et poser des questions sur les bases de la mécanique et la conduite défensive. Dans bien des cas, ce sont les apprenants qui ne sont pas prêts psychologiquement. La préparation sur le plan psychologique, la technique et la maîtrise de son véhicule a été mal faite. Les moniteurs vont faire passer le permis à ceux qui ne sont pas prêts aussi.

Il y a un accident mortel quasiment chaque jour. À quoi attribuez-vous ces accidents de la route ?
L’erreur humaine est en tête de liste des causes des accidents fatals. Cela est provoqué par l’indiscipline, l’attitude, la mentalité et l’impatience. D’ailleurs le stress provoque des frustrations et il y a aussi le manque de respect sur la route. Les études prouvent que dans 90 % des accidents, c’est l’erreur humaine qui en est la cause. Les conducteurs ne planifient pas bien leur trajet et vont faire des excès de vitesse. Cela a des conséquences graves.

Pensez-vous comme le Premier ministre qui affirme dans son message à la nation le 12 mars que cela est dû aux comportements irresponsables sur les routes ?
Le Premier ministre a tout à fait raison. Des conducteurs sont irresponsables avec le nombre d’excès de vitesse, des feux rouges grillés et aussi des accidents fatals. Il y a beaucoup d’exemples de motocyclistes qui ne portent pas le casque de protection et s’ils le portent, ce n’est pas attaché. La route ne fait aucun cadeau, une erreur peut tourner en drame.

Les accidents mortels impliquent davantage les deuxr-oues. Pensez-vous que l’introduction des moto-écoles a eu l’effet escompté ?
L’idée derrière les moto-écoles est une très bonne décision. Mais la mise en œuvre a été un flop total. Ce sont des chiffres erronés qui ne cadrent pas. La mise en application a été une forme de but lucratif avec dix moto-écoles dont deux fonctionnent encore. Il y a l’aspect financier pour payer ces cours. La justification du projet a été faite sur une estimation. J’avais déjà écrit au conseiller spécial pour lui dire de rectifier le tir.

Pourtant les moto-écoles sont vides et font face à la fermeture…
Des lieux existent pour la pratique des cours de conduite pour moto. Il serait souhaitable que les moniteurs travaillent comme les auto-écoles pour aider le maximum de détenteurs du learner. Il faut aussi se rendre compte qu’une dérogation pour les détenteurs de learners moto prend fin le 28 février 2021. Plus aucun motocycliste ne pourra utiliser son learner.

Pensez-vous que le conseiller spécial en matière de sécurité routière (NdlR : Daniel Raymond) remplit son rôle ?
La personne ne connaît pas la réalité mauricienne, il ne connaît pas le comportement des Mauriciens sur la route et jamais il n’a conduit à Maurice. Comment a-t-il eu l’audace de dire que les Mauriciens sont de mauvais conducteurs ? Lors de sa nomination, il y a cinq ans, il avait annoncé qu’il fera baisser de 50 % le taux d’accidents à Maurice. Là il faut attendre encore cinq ans.

Vous avez toutes les qualifications requises, comment, vous n’avez pas eu ce poste ?
Nul n’est prophète dans son pays. Je suis encore un fonctionnaire et répertorié comme consultant en matière de sécurité routière par la Banque africaine de développement. Je vous annonce que cette année, je quitte la force policière, après 31 ans de service, je vais devenir consultant à titre privé. Je vais vendre mes services de consultant sur le continent africain sauf à Maurice.

Pourquoi pas à Maurice ?
Je suis prêt à conseiller gratuitement le gouvernement en matière de sécurité routière. Je connais toutes les failles du système, je connais les lois et la mentalité. Je suis un Mauricien, là pour servir mon pays. Je veux protéger mes enfants et les enfants d’autres parents.

Concernant les motocyclistes, avez-vous visionné la vidéo de l’accident mortel entre une moto et le tram ?
Ce qui m’étonne dans cet accident ayant coûté la vie à un jeune homme, c’est que le taux d’alcool était de 200 milligrammes. C’est dix fois le seuil autorisé. Avec cette quantité d’alcool, la distance a été mal évaluée par le conducteur, qui a fait là un mauvais jugement.

Pensez-vous que l’installation de barrières même temporaire préviendrait le pire ?
Ceux qui ont le permis conduisent par habitude et non par observation. Voilà pourquoi ils n’arrivent pas à s’adapter aux changements, comme la conductrice qui n’a pas vu les panneaux avant de heurter le tram. Je pense que mettre des barrières va être néfaste à la circulation car les quelques secondes vont densifier la circulation.

Comment sensibiliser efficacement les usagers de la route alors ?
Ce qu’il faut changer c’est le comportement des conducteurs. Ils doivent respecter les consignes, les panneaux et aussi juger une situation réelle. Brûler un feu rouge peut vous exposer à un danger.

 

 

Bio Express

<p>Barlen Munusami a rejoint la force policière en juin 1989. Il a été à la <em>Traffic Branch </em>et à la <em>Road Safety Unit</em> durant 26 ans dont 20 ans dans la sécurité routière. Le sergent de police est détenteur d&rsquo;un BSc en Police Studies de l&rsquo;université de Maurice et d&rsquo;une maîtrise en communication et relations publiques de l&rsquo;université de Technologie. Il a aussi obtenu un <em>Certificate in Traffic Management and Road Safety </em>de l&rsquo;université de Saint-Pétersbourg, en Russie. Le sergent de police est l&rsquo;auteur d&rsquo;une dizaine d&rsquo;ouvrages sur le code de la route et la sécurité routière.</p>

 

 

 «L’express» a tenté de joindre Daniel Raymond plusieurs fois au téléphone hier. Nous lui avons également laissé un message l’informant du sujet. Mais en vain.