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Sexualité dans les collèges: le débat relancé après l’agression d’un garçon

16 mars 2020, 21:26

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 Sexualité dans les collèges: le débat relancé après l’agression d’un garçon

Il s’est fait agresser sexuellement par un «camarade». Ce collégien n’est pas le premier à être victime de la sexualité d’autres enfants et ados, parfois perdus, confrontés à des réalités qui les dépassent, pour certains. Mais quand il ne s’agit pas d’agression, se faire des «câlins» est une chose tout à fait normale, soutiennent nos jeunes. Tour d’horizon.

«Dan twalet kolez, jeudi 5 mars, enn zélev ki mo pa koné inn ferm laport é finn…» C’est ce qu’a déclaré un enfant de 11 ans aux policiers venus prendre sa déposition, dimanche dernier, 8 mars. De quoi relancer le débat en ce qui concerne la sexualité pervertie parfois chez nos jeunes.

Cet enfant de 11 ans allègue avoir été agressé sexuellement par un élève de son collège. Dans son récit à la police, il soutient que les faits se sont déroulés dans les toilettes. Il a été, depuis, placé en observation à l’hôpital Jeetoo. Dans les collèges depuis un certain temps déjà, nombreux sont ceux qui parlent de sexualité, voire de perversion.

Comme cet enseignant d’un établissement secondaire des Plaines-Wilhems. «Aster dan klas, pa bizin éna tifi garson pou trouv kitsoz. Ou trouv tifi-tifi pé trap lamé. Pé fer bann zafer ki ou mem ou pa kwar.» Des élèves que nous avons interrogés parlent eux d’une «situation normale». «Bé wi, éna al anbrasé dan twalet. Ou dan klas mem, kan péna proféser. Mo mem mo’nn déza trouvé. Ki éna ladan? Zot lavi!» Ils soutiennent que c’est à «la mode».

 

Ces jeunes indiquent qu’ils ne soucient guère du qu’en-dira-t-on. «Telma trouvé toulézour. Sakenn fer seki li anvi. Pa pou al fer palab ek proféser tousa.» D’ailleurs, que ce soit à l’école ou après les heures de classe, ce sont toujours les mêmes scènes qui se jouent entre collégiens. «Si nou pou trouv kiken ek so lom apré lékol. Li normal. Bé ki éna si dan lékol si éna mem zafer. Chacun est libre de faire son choix.»

D’ailleurs, les élèves expliquent qu’il est démodé de montrer qu’on est un coincé. «Aujourd’hui, pour être populaire, il faut se plier aux règles. Il faut être in. Il faut tout essayer. Mo mem mo éna kamarad tifi ki sorti ek tifi. Ki problem?»

Du côté des garçons, on est légèrement plus pudiques, dirons-nous. «Si garson-garson pou fer bann zafer koumsa, bann lézot pou pran nisa. Nous n’allons pas dire qu’il n’en existe pas. On dit juste qu’ils sont moins démonstratifs de ce côté-la», confie un jeune homme.

 

Toutefois, pour ce qui est du cas de ce garçon de 11 ans, ce qu’il a subi est impardonnable, d’autant s’il n’était pas consentant au moment des faits, indiquent plusieurs membres du corps enseignant ainsi que des jeunes. «C’est malsain que des enfants de 12 à 17-18 ans, veuillent déjà tout savoir sur la sexualité. Zot rod explor tou?», déplorent des profs.

 

Jean Pierre Senelle : «L’ado est en quête de réponses à ses pulsions, interrogations»

Jean Pierre Senelle, psycho-traumatologue et co-fondateur de Up Together Ltd

Est-ce qu’il y a eu une évolution ces dernières années dans la sexualité chez nos jeunes ?

Vous abordez là un sujet sensible. Néanmoins, il ressort que l’ethnie, le milieu de résidence, la scolarisation et le niveau de vie des ménages agissent de manière significative sur l’occurrence précoce des premiers rapports sexuels. Aussi, l’âge moyen du premier rapport sexuel change de pays en pays, en correspondance avec le contexte social certes, mais globalement la tendance est à la précocité, quelle que soit la région. L’adolescence représente une délicate phase de transition entre l’enfance et l’âge adulte, où les jeunes développent leur personnalité et construisent leur identité. À noter que par «adolescent» il faut entendre toute personne âgée de 10 à 19 ans, tandis que le «jeune» a entre 15 et 24 ans). C’est en cette période qu’ils s’interrogent sur leur nature et leur orientation sexuelle.

La première est la précocité physiologique sexuelle de nos ados : auparavant, les premiers signes de la puberté apparaissaient à 12 ou 13 ans. De nos jours, dès dix ans une fille commence à avoir ses règles. Avec ses bouleversements hormonaux et ses modifications psychologiques des modifications corporelles se produisent et peuvent influencer la personnalité de l’adolescent, intervenir sur ses émotions et ses pensées, avec très souvent, des complexes physiques dus aux changements rapides dans son corps. Mais le plus grand changement psychologique de la puberté est l’apparition du désir sexuel. La seconde variable est la banalisation et l’accès quasi sans restriction à la pornographie.

La pratique qui consiste à séparer les filles des garçons dans les collèges, ou durant leur adolescence, est-elle un bon moyen de les «protéger» ?

Là aussi il s’agit d’une question bien controversée : est-ce que séparer les filles et les garçons, à l’adolescence, est une solution ou une régression ? De nombreuses recherches portent sur le développement de l’identité de genre, c’est-à-dire de l’acquisition du rôle des sexes, et sur la construction de l’identité sexuée. Elles ont établi que les rôles dévolus en fonction du sexe sont relatifs aux attentes culturelles et sociales vis-à-vis des individus appartenant aux différentes catégories de sexe. La féminité et la masculinité sont des modèles sociaux normatifs qui ne se développent pas naturellement, ils sont appris. Les enfants assimilent tôt les normes correspondant à leur genre (ce que signifie être une fille ou un garçon de leur époque, de leur culture) mais intègrent tout aussi vite que ces rôles ne sont pas les mêmes.

La mixité permet d’aider les élèves à interroger leurs représentations du masculin et du féminin, de promouvoir d’autres relations entre les sexes (que celles perçues dans la pornographie ou via les médias sociaux tels que Snapchat, TikTok, et autres). La mixité prépare à la vie, stimule les filles dans leur apprentissage et civilise les garçons. Les séparer au moment où l’identité sexuelle se met en place revient à leur signifier que ce serait dangereux de vivre ensemble. Or, nous l’avons vu ci-dessus, l’adolescent est en quête de réponses à ses pulsions, à ses interrogations et je pense que ne pas leur permettre d’évoluer ensemble, en faisant face à leur différence mais aussi à ce qui les réunis, ne promeut pas le sentiment de respect et au contraire va pousser à braver l’interdit.

Est-il important de leur parler de la sexualité dès leur jeune âge ?

Naturellement, et ce dialogue doit d’abord passer des parents à l’enfant le plus tôt possible, mais de manière adaptée à l’âge bien entendu. Il faut parler de la sexualité à l’enfant, tout comme de tout autre sujet, afin de le préparer et de l’ouvrir au sens critique. Cependant, dans notre pratique de la psychothérapie, nous observons que certains parents se retrouvent démunis face à un sujet qui les paralyse parce qu’ils n’ont, pour certains, pas été suffisamment informés eux-mêmes de ce qu’était la sexualité. Nous avons encore, professionnels de la santé et de l’éducation, beaucoup de travail de terrain à accomplir en développant la psychoéducation des adultes et des plus jeunes.

Justement, pour éviter les agressions et les rapports non-consentis ?

Bien évidemment. Au plus l’adolescent sera instruit sur les questions de sexualité, au plus il sera capable de mettre les limites pour se faire respecter et respecter l’autre. Il pourra déterminer ce qui peut lui être demandé en fonction de sa catégorie d’âge, de son développement et de sa maturité. Apprendre à dire NON est essentiel.

Quelle est la solution pour nos jeunes ?

Je n’ai pas de solution prescrite toute faite. Ce sont surtout aux parents (la première ligne), aux professionnels de l’éducation (en deuxième ligne dans l’interaction avec nos jeunes), de miser sur la prévention en informant et en éduquant ces adolescents qui sont nos adultes de demain.