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Cours en ligne: premier jour sous le signe de la cacophonie

7 avril 2020, 21:45

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Cours en ligne: premier jour sous le signe de la cacophonie

Le premier jour consacré aux programmes éducatifs pour le primaire et le secondaire, relayés par Internet et sur quatre chaines de la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC), a été marqué par divers problèmes. Sur MBC 2, les fautes d’orthographe ont crevé l’écran hier, notamment pour le français. Ainsi, un petit garçon dialoguant avec une fille, lui dit : «Tu est Emilie » alors que sur une autre diapositive, on dit aux écoliers de faire «Attention à la Pronociation». Et s’enchaînent les accords du verbe avoir : «Nous avous», «Vous avez» et «Ils ont». Le cours d’informatique pour la Grade 9 n’est pas en reste : aucune image n’illustre les étapes pratiques. À la place, toute instruction n’est que rédigée. Une méthode qui n’a provoqué aucun déclic. Au contraire, il y avait de quoi perdre davantage son latin.

Certains parents, déçus, ont trouvé cela inadmissible. Tout comme Munsoo Kurrimbaccus, porte-parole de l’Union of Private Secondary Education Employees, qui qualifie la première journée de cours de «catastrophique». «Ce sont des fautes vraiment graves. Cela traduit un manque flagrant de préparation. On ne peut faire de l’éducation à la va-vite. Quand on fait un programme d’études, on ne peut laisser la moindre faille car les enfants vont copier ces erreurs. J’espère que ces bévues seront passées au peigne fin et corrigées pour un meilleur déroulement dès le deuxième jour.»

Pourquoi tant d’anomalies d’ailleurs ? «C’est le Mauritius Institute of Education qui s’est chargé de la préparation des cours. Néanmoins, au niveau du ministère, nous nous montrons intransigeants. Ces fautes ne doivent pas être commises encore une fois», nous a-ton déclaré au ministère de l’Éducation.

40 % des élèves exclus

De son côté, Armoogum Parsuramen, ancien ministre de l’Éducation, espère que les autorités réalisent ces manquements et agissent conséquemment. «Il faut créer de meilleures conditions, aussi bien pour un contenu adéquat que pour les enfants dépourvus de moyens de connexion», affirme-t-il. Ally Yearoo, membre exécutif de l’Education Officers Union estime, lui, que seulement 60 % des élèves ont pu adhérer aux cours hier, le reste étant dépourvu de moyens pour le faire. Il soutient qu’il faut plus de démonstrations pratiques pour une meilleure compréhension du fonctionnement des outils utilisés. «Puis pour les fautes, le ministère doit absolument avoir un panel de vérification du contenu.»

La connexion Internet et l’accessibilité aux chaines de la MBC ont aussi posé problème. «On n’a pas accès à la MBC et pas d’Internet à la maison », confie Sébastien Ramen, 10 ans. Par conséquent, cet élève de la Grade 6 n’a pu suivre les classes diffusées en ligne et sur la télévision nationale depuis hier. Idem pour ses frères, Damien, 12 ans, en Grade 8 et Adrien, 8 ans, en Grade 4. «On a fait un peu de rangement ce matin. Là, on s’est juste assis pour regarder la télévision comme on est privé de nos cours», déclarent-ils. La situation se corse puisque ces enfants ne disposent que de 50 % de leurs manuels scolaires, confie Jannick Ramen, leur maman. «La veille des congés liés aux fortes pluies, certains livres, dont ceux d’histoiregéo, de français et des sciences, ont été laissés à l’école. Le confinement a suivi. On n’a pu les récupérer.»

De son côté, Anne-Marie Ramsamy, mère de deux enfants au primaire et secondaire, a réalisé que les cours ne sont pas diffusés sur MBC Sat. «Sans décodeur TNT ni d’antenne, il faudra trouver une solution au plus vite. Des amis m’ont conseillé le site de la MBC mais en vain. D’autres recommandent le téléchargement d’une application. Je vais essayer mais je me sens perdue.»

Christopher Arekion, père de deux filles en Grades 3 et 4 respectivement, a, lui, pu télécharger l’application de la MBC sur les tablettes de ses filles. «Je me demande comment vont faire ceux dépour vus de décodeur ou d’Inter net. Même si à la rentrée des cours de rattrapage seront offerts, cela comblera-t-il le retard occasionné dans l’apprentissage ?» Il a observé un considérable décalage sur la programmation. «Alors qu’un cours de langue arabe était prévu, je suis tombé sur un cursus en anglais. De plus, j’ai eu un peu de mal à accéder à la MBC 3.»

Chez les Lebrasse, la famille doit gérer les programmes pour trois enfants : Emmanuelle en Grade 1, Noera en Grade 3 et Shelby en Grade 7. «Les cours vont vite à la télé et les enfants ont des difficultés pour prendre des notes. Je dois donc m’y mettre aussi pour les aider», explique la maman. D’ailleurs, Shelby attire l’attention sur les redites. «Ce sont des modules déjà travaillés. J’aurai aimé apprendre de nouvelles choses», avoue-t-elle.

La petite Anna Sookahet, en Grade 4, avoue n’avoir «rien compris» au cours qu’elle expérimentait pour la première fois. «C’est très différent. Elle ne peut pas interagir avec l’enseignant. Pour ces cours qui sont en anglais, les parents doivent vraiment être présents pour aider les enfants. Mais que se passe-t-il s’ils travaillent de chez eux ou ont du mal à comprendre l’anglais ?» souligne Francesca Sookahet, la maman d’Anna.

Autre bémol : le «clash» des emplois du temps. Car les horaires coïncident pour plusieurs enfants issus de niveaux de classe différents, surtout si la famille possède une seule télévision. Si Karuna, mère de deux garçons en Grades 2 et 6 respectivement, est soulagée d’en être épargnée, en revanche, elle déplore le fait que la plupart des cours se déroulent en anglais alors qu’à l’école, l’enseignant utilise aussi le créole. Sans compter que dans certains cas, l’accent n’est pas adapté. Ou encore la rapidité avec laquelle parlent certains enseignants et animateurs de programmes. «L’enfant n’a pas le temps d’assimiler. Ainsi, c’est moi qui suis la classe. Puis, je l’explique à mon enfant», relate-elle.

Nadia Gounden, dont les deux filles en Grade 6 et 8 respectivement adhèrent aux cours télévisés en mode «on and off», affirme que ce ne sera pas évident pour les enfants qui prennent plus de temps pour apprendre. «Cela demandera un temps d’adaptation.»

MBC Replay à la rescousse

<p>Si les familles sont privées de chaînes locales pour suivre les cours, Anooj Ramsurrun, directeur de la MBC, fait comprendre que l&rsquo;application MBC Replay pourra être utilisée pour y remédier. Selon lui, sans antenne, on ne peut capter les chaînes dédiées au programme scolaire en cours. Pour les revoir, le passage obligé est donc l&rsquo;application Replay.</p>

Secondaire: enseignants et collégiens boudent les plateformes

<p>Au secondaire, le personnel tire aussi la sonnette d&rsquo;alarme. En effet, certains enseignants boudent l&rsquo;application Zoom. <em>&laquo;Je n&rsquo;ai jamais utilisé cette application et ne manie pas ses fonctionnalités. Comment est-ce que je pourrais inviter mes élèves à l&rsquo;utiliser si moi-même je ne la maîtrise pas ?&raquo;</em> se demande un enseignant de mathématiques. Une autre enseignante affirme que seule une vingtaine de ses élèves ont répondu présents aux cours virtuels.<em> &laquo;Certaines leçons se feront par Zoom et les réponses et corrections par WhatsApp. Pour ceux qui n&rsquo;ont pas Internet, malheureusement, il faudra attendre la rentrée pour recevoir les corrections&raquo;.</em> Au Curepipe College, 90 % des élèves ont participé au programme affirme Raj Sewpal, le recteur. <em>&laquo;Pour les 10 % restants, chaque chef de département les contactera pour connaître la raison de leur absence&raquo;.</em> En cas de difficulté, la direction devra trouver des solutions.</p>

Ces fautes qui frappent…

<p><em>&laquo;Je suis au courant des problèmes survenus. Mais vous savez, c&rsquo;est la première fois qu&rsquo;on se retrouve dans une telle situation. Les cours seront peaufinés&raquo;, </em>nous a déclaré Vinod Seegum au sujet des fautes grammaticales survenues hier. Le président de la Government Teachers Union confie que plus de 60 professionnels de l&rsquo;éducation ont travaillé sur ce projet. Il fait ressortir qu&rsquo;il a contacté la personne responsable de ce module<em>. &laquo;Elle m&rsquo;a expliqué que ce sont des erreurs de frappe. Je lui ai demandé de vérifier les cours à plusieurs reprises avant de les publier.&raquo;</em> Vinod Seegum souligne également que certaines vidéos avaient été faites et corrigées bien avant. Cependant,<em> &laquo;avec la pression, des vidéos n&rsquo;ayant pas été vérifiées ont été diffusées&raquo;. </em>En ce qu&rsquo;il s&rsquo;agit de la fluidité et du débit de voix des enseignants dans leurs explications, il assure que des rectifications auront lieu.<em> &laquo;Ce n&rsquo;est pas une situation idéale. Ces personnes le font bénévolement et certaines ne sont pas des habituées de la technologie. Mais nous allons rectifier.&raquo;</em></p>

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	<figure class="image" style="display:inline-block"><img alt="" height="330" src="/sites/lexpress/files/images/article/mbc_1_0.jpg" width="620" />
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<p>Contacté, Om Varma, directeur du MIE, confirme aussi que les erreurs seront corrigées. Etait-ce un moment d&rsquo;inattention ou une absence de vérification ? Selon le directeur, il n&rsquo;y a personne pour vérifier les cours avant de les envoyer à la MBC<em>. &laquo;Les enseignants qui préparent ces cours sont des personnes de confiance et d&rsquo;expérience. Nous n&rsquo;avons pas trouvé la nécessité de vérifier les cours avant de les diffuser&raquo;</em>, précise-t-il. D&rsquo;après lui, ces fautes ont surement été commises par inadvertance car que ce soit au niveau des enseignants que de celui du MIE, le travail a été exécuté assez rapidement afin que tout soit prêt pour le premier jour.</p>