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Thierry Vallet: «un retour à la normale plus long pour les pays émergents comme Maurice…»

22 avril 2020, 22:39

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Thierry Vallet: «un retour à la normale plus long pour les pays émergents comme Maurice…»

Thierry Vallet estime que les marchés financiers devraient rester volatils au second trimestre. Et dit noter que la crise sanitaire est venue mettre fin à un long cycle économique. Toutefois, il est convaincu que cette pandémie restera dans la mémoire de la population pendant encore longtemps.

Quelle analyse faites-vous de la crise économique mondiale liée à la pandémie du Covid-19, sachant que les dernières prévisions du Fonds monétaire international (FMI) indiquent une contraction de 3 % en 2020 ? 
La pandémie du Covid-19, qui touche de plein fouet l’économie mondiale depuis le début de l’année, met fin à un long cycle économique. Les marchés financiers ont terminé à un niveau record à la fin de l’année dernière, alors que plusieurs économies étaient déjà sous tension, notamment en raison du Brexit, au ralentissement économique en Allemagne ou encore à la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine. 

Plusieurs spécialistes parlaient déjà d’une probable récession mondiale, sans pour autant  prédire que cela viendrait d’une crise sanitaire, et que 22 millions de personnes aux États-Unis seraient au chômage en l'espace de quatre semaines seulement – du jamais-vu ! Tous les emplois créés depuis la crise financière de 2008 ont été effacés en quelques semaines. Certains secteurs sont plus affectés que d’autres, comme le tourisme ou l’aviation, mais aussi, la consommation discrétionnaire, qui mettra du temps à s’en remettre. 

Nous entamons la saison des résultats du premier trimestre mais l’impact négatif de la pandémie a commencé à faire son effet seulement en mars. Les marchés financiers devraient donc rester volatils sur le second trimestre.

Une des premières conséquences est donc la volatilité au niveau des marchés financiers ? 
Tout à fait. Il faut savoir que la volatilité représente la mesure de l’inquiétude des investisseurs vis-à-vis des données macro et micro économiques. Le plus souvent, quand les investisseurs sont sceptiques quant à l’avenir économique, la volatilité grimpe. Lors du pic de stress en début d’année lié à l’accélération de la pandémie dans le monde, le VIX (l’indice de référence pour la volatilité des marchés financiers) a atteint les niveaux record identiques à ceux de 2008. Même si une telle situation offre de nombreuses opportunités, les investissements en produits financiers ne sont pas sans risque. L’objectif d’une banque privée est de faire fructifier le capital de ses clients, tout en prenant en compte le profil de risque de tout un chacun. 

En cette période de volatilité continue, il est sage d’employer des stratégies axées sur le long terme ; un portefeuille diversifié et une tendance tournée vers des secteurs défensifs tels que la consommation courante, la santé et les services publics à court terme.

Il va sans dire que cette volatilité du marché influera négativement les marchés des capitaux ? 
En début d’année, les marchés financiers se sont effondrés brutalement. Bien plus rapidement que lors des crises de 2001 et 2008. Nous avons vu le Dow Jones perdre près de 35 % de sa valeur en un mois avant de rebondir pour n’être plus qu’à 15 % en deçà de ses plus hauts, tandis que les rendements des obligations d’État sont tombés à leur niveau le plus bas. 

C’est symptomatique des étapes d’une crise, hausse de la volatilité accompagnée de la chute des marchés, puis un retracement de la baisse et enfin, la confrontation aux chiffres économiques. Cette fois-ci cependant, l’action conjointe et rapide des banques centrales et gouvernements ont permis de calmer les marchés beaucoup plus vite qu’en 2008, mais il nous reste encore à passer l’étape de la publication des chiffres économiques, qui risque d’être en dessous de certaines attentes.

Qu’est-ce que tout cela signifie pour le portefeuille de l’investisseur ? 
L’environnement économique est très incertain, nous sommes entrés en crise par la propagation globale d’un virus et qui se traduit maintenant par une grave récession. Selon le FMI et les chiffres publiés la semaine dernière, la situation est pire que lors de la grande récession aux États-Unis. Les pays développés seront fortement touchés et nous ne savons pas si la pandémie va disparaître rapidement, permettant un retour à un «nouveau normal». Cela se traduit sur les marchés par des écarts de valorisation importants. 

Dans un environnement de taux proche de zéro à travers le monde et des incertitudes sur les primes de risques offertes sur les marches actions, l’habituel ratio d’investissement, soit 60 % actions (performance) et 40 % obligation (protection du capital) ne fonctionne plus. C’est notre métier de réajuster les modèles de gestion en incluant une plus grande proportion d’actifs moins risqués dans une logique de préservation de capital pour nos clients avant de pouvoir profiter de rebonds futurs.

Selon vous, quelles actions devraient entreprendre les investisseurs ? 
L’incidence réelle de cette crise se verra sur les résultats du second trimestre. Peu importe la forme de la reprise anticipée (V, U, L ou W), nous avons empiriquement vu que nous sortons toujours des plus grandes crises et que les marchés financiers continuent à prospérer. Pour l’investisseur de long terme, certaines valorisations peuvent paraitre attractives mais il doit s’attendre  que ces valeurs puissent baisser ou monter. Certaines économies capables de s’adapter plus rapidement pourront redémarrer comme les États-Unis, la Chine et d’autres pays asiatiques, alors que d’autres devront d’abord régler les problèmes qui existaient déjà avant la crise afin de repartir, à l’instar de la Grande-Bretagne et la zone Euro en particulier. 

Enfin parmi les pays émergents comme Maurice fortement dépendants des situations économiques étrangères, le retour à la normale sera plus long. Dans ces conditions, l’industrie, les voyages, les constructeurs automobiles, les loisirs seront sévèrement touchés, tandis que la consommation de produits de base, les soins de santé, les télécommunications et les services publics seront plus performants. 

Si l’on regarde plus précisément, les FAANG (Facebook, Apple, Amazon, Netflix et Google) ont surperformé parce qu’ils sont adaptés à l’environnement actuel et j’ajouterai Microsoft car ces entreprises ont investi dans le grand marché du cloud. De même en Chine, Tencent, Alibaba, Baidu et China Telecom profiteront du prochain cycle économique. Nous n’avons pas de boule de cristal, mais notre vaste expérience nous aide à mieux cerner les risques en période de ralentissement économique.

En tant que professionnel de banque et gestionnaire de patrimoine, comment gérez-vous les attentes et les craintes de vos clients et investisseurs ? 
Personne n’est capable d’acheter et de vendre au meilleur moment. Nous nous engageons dans un procès d’analyse et de sélection afin d’identifier des opportunités d’investissement. Notre équipe de recherche et d’analyse établit des scénarios et suggère éventuellement une opportunité à notre comité. Ce dernier en évalue le potentiel avant de le diffuser à nos clients. Nous sommes là pour accompagner intelligemment nos clients dans la constitution de leur patrimoine. 

En outre, nous sommes constamment en communication directe avec nos clients à travers des appels téléphoniques ou même par téléconférence malgré le confinement. Nos clients reçoivent un traitement presque identique à celui qu’ils recevraient de nous en temps normal et j’ajouterai même que nous nous sommes encore plus employés à gérer les investissements de nos clients durant ces périodes de fortes volatilités.

Qu’est-ce que va changer après la pandémie les investisseurs et comment comptent-ils s’adapter avec le nouvel environnement économique ? 
Il n’y aura probablement pas tant de changements dans le fond pour les investisseurs mais certainement dans la forme. Nous étions déjà engagés dans la transition digitale et le contexte actuel montre à quel point la digitalisation de l’économie offre une certaine continuité dans cette période de confinement. Si cette pandémie s’était déroulée dans les années 90, ce qui n’est que 30 ans en arrière, la situation économique aurait été bien plus catastrophique. 

Aujourd’hui, on peut continuer à faire ses achats en ligne tout autant qu’investir sur des titres financiers. Cette transition s’accélérera après le confinement, car tout le monde voudra au maximum minimiser l’impact d’une future crise sanitaire. Après la crise, nous verrons probablement la portion des actifs «refuges» augmenter dans les allocations de portefeuille. Cette pandémie restera dans l’esprit des gens pendant encore un bon bout de temps, car c’est une page de l’histoire que nous vivons et chacun d’entre nous voudra faire quelques ajustements à sa manière de vivre. 

Mais, au final, comme lors d’autres périodes de forte volatilité, les investisseurs bien avisés et qui ont su maintenir le cap traverserons cette crise et seront certainement récompensés sur le  long terme.