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Terrain de l’Etat à Riambel: Marie Rose et son franc-parler ont ému bien des cœurs
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Terrain de l’Etat à Riambel: Marie Rose et son franc-parler ont ému bien des cœurs
Son témoignage face à la caméra de l’express, lundi, a pris aux tripes de nombreux Mauriciens. À jeudi, la vidéo avait été visionnée plus de 120 000 fois. Marie Rose Randamy, 59 ans, plus connue comme Melody à African Town, Riambel, où elle habite, s’est livrée à cœur ouvert alors même que des éléments de la Special Mobile Force (SMF) qui avaient reçu l’ordre de mettre à plat des structures illégales sur un terrain de l’État à Riambel, enlevaient la clôture de fortune qu’elle avait aménagée autour de sa culture de légumes sur ce même terrain.
Contrairement aux autres familles occupant ce terrain, Marie Rose Randamy est, elle, une ex-squatteuse d’African Town qui a déjà été régularisée. Si elle s’est retrouvée sous le feu des projecteurs, lundi, c’est parce qu’elle squatte également un terrain de l’État non pour y vivre mais pour cultiver des légumes et herbes aromatiques.
Trois jours après l’opération kraz lakaz ek baraz, l’express est retourné à Riambel pour rencontrer cette femme pêcheur-éleveur-planteur, première femme conseillère de son village, travailleuse sociale, mère de cinq enfants et ayant aussi une «dizaine de petits-enfants». D’ailleurs, c’est dans son champ, au cœur des tentes installées ici et là à la place des bicoques et abritant des bébés et enfants en bas âge, qu’on la retrouve.
Les brèdes, aubergines, laitue, échalote, piment, giraumon, calebasse, citronnelle, betterave, cotomili, poireau et autres légumes qu’elle cultive ont résisté tant bien que mal au tohu-bohu de lundi «mem si inn martyriz zot inpé», souligne-t-elle, le cœur lourd.
Elle a pu remettre en place la clôture faite de tissu que lui avait enlevée la SMF. Et, parvenir aussi à alimenter en brède et autres légumes, des familles qui, depuis que leurs logis ont été rasés, se retrouvent à préparer leur repas à ciel ouvert.
«Je me sens toujours blessée. On nous traite de sovaz, de mal rembouré (sic). Je n’ai dit que la vérité. Tout ce que je demande c’est de me laisser vivre. J’aurai pu tomber malade. Inoubliable ce qu’ils ont fait. Monn tret sa karo la, monn soigne li kouma mo tibaba, zot kass sa. Ena plas monn kapav dressé ena plas non», déplore Marie Rose Randamy.
Ce qui la chagrine le plus, c’est qu’elle a commencé à cultiver cette terre qui était boisée après qu’une de ses enfants alors âgée de huit ans y a été agressée sexuellement. «Depuis, j’ai fait savoir que je vais nettoyer ce terrain pour planter des légumes», fait valoir Marie Rose Randamy, la voix saccadée par les émotions.
Sans compter qu’elle n’arrive pas à oublier comment elle n’a pas hésité à abandonner son champ ou autre occupation quand la mère du ministre Steven Obeegadoo avait besoin d’elle pour nettoyer son campement qui se trouve non loin et enlever des crottes de rat ou pour toute autre besogne contre un paiement de Rs 500 ou Rs 200. «À l’époque, Madame m’avait présenté son fils comme un avocat. Quand il est devenu ministre, j’étais très contente. Je disais qu’il allait enfin nous sauver mais c’est un cadeau empoisonné qu’il m’a donné au lendemain de la fête des Mères», affirme Marie Rose Randamy.
Primerose Obeegadoo tout comme le ministre du Logement et de l’Aménagement du territoire ont-ils pris contact avec elle depuis son cri du cœur ? «Non, à aucun moment», regrette notre interlocutrice.
Par contre, elle ne cesse de remercier ceux qui leur ont rendu visite et qui les ont soutenus, dont le père Jean-Claude Véder et des representants des organisations non gouvernementales et des travailleurs sociaux comme Bruno Laurette, entre d’autres.
Quant au sort des occupants de ce terrain, Marie Rose Randamy souligne qu’après l’opération kraz lakaz ek baraz de lundi, des techniciens de la National Empowerment Foundation, du ministère du Logement et de l’Aménagement du territoire et de la Family Protection Unit leuront rendu sur le site à Riambel. «Ils essayent de guérir notre plaie. On nous a demandé d’aller nous enregistrer sur le registre social à la Sécurité sociale à Souillac. Ce que certaines familles ont déjà commencé à faire», soutient-elle.
De son côté, sa demande – comme qu'elle affirme avoir déjà formulée aux autorités concernées – c’est de pouvoir bénéficier d’une parcelle de terre agricole pour continuer à nourrir la communauté et gagner sa vie. «Mo laz ki mwena ki sanla pou donn mwa enn travay? Kot mwa personn pa gagn travay dan gouvernman. Mo pa kokin personn. Less mo viv.»
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