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Documentaire sur Netflix: «Être dans la cellule du prisonnier le plus dangereux de Maurice …» raconte Raphael Rowe

26 juillet 2020, 22:00

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Documentaire sur Netflix: «Être dans la cellule du prisonnier le plus dangereux de Maurice …» raconte Raphael Rowe

Comment votre équipe et vous, vous êtes-vous intéressés aux prisons mauriciennes ?

L’unité de recherche se consacre à trouver des pays qui ont les prisons les plus dures au monde. L’île Maurice est l’un des pays que nous avons approchés. Nous avons notamment appris que les prisonniers les plus dangereux étaient incarcérés à la prison de Phoenix.

A-t-il été facile de convaincre les autorités de vous laisser filmer derrière les barreaux mauriciens ?

Elles ont été favorables à notre requête. Bon, ça ne veut pas dire qu’elles nous ont simplement ouvert les portes des prisons. Il y a toute une démarche avant. Par exemple, nous leur avons envoyé des copies des épisodes précédents d’Inside the world’s toughest prisons.

Racontez-nous justement les coulisses avant le début du tournage d’un tel documentaire ?

Le processus est long et peut prendre jusqu’à six mois. D’abord, nous sollicitons le gouvernement du pays concerné. Nous établissons un contact local pour une interaction directe avec les autorités. Les négociations entre la production britannique et les autorités du pays peuvent alors démarrer. Une fois que les deux parties sont tombées d’accord sur leurs conditions respectives, un contrat est signé.

Quelles sont ces conditions ?

Je n’ai pas accès au contrat mais un accord écrit est nécessaire en raison de la sensibilité autour. Pour nous, il s’agit surtout d’établir ce que nous souhaitons faire et nous assurer que les autorités n’ont aucun contrôle éditorial et ne dictent pas ce que nous faisons.

Qu’est-ce que les autorités mauriciennes ont imposé à leur tour ?

Rien en particulier. De notre côté, nous avons aussi consenti à respecter les mesures de sécurité.

Après la signature du contrat, quand est-ce que votre séjour en prison a-t-il démarré ?

Le tournage a eu lieu avant Noël de l’année dernière, soit, en octobre et novembre. J’ai passé 14 jours au total dans votre pays dont sept en prison. C’était mon tout premier séjour à Maurice, un pays dont tout le monde parle comme d’une destination de rêve avec ses hôtels de luxe. J’ai été très chanceux de séjourner aussi dans des hôtels agréables lorsque je n’étais pas en prison.

Combien de temps êtes-vous resté à la prison de Melrose et à celle de Phoenix respectivement ? J’étais à Melrose la plupart du temps, soit, durant sept jours. Puis, j’ai fait une journée entière à Phoenix où j’ai interviewé le prisonnier le plus dangereux de votre pays (NdlR : Du côté des autorités, motus et bouche cousue sur ce détenu). Il est détenu en isolement dans cette prison de haute sécurité après avoir causé beaucoup de problèmes dans d’autres prisons. Il purge une peine pour viol et meurtre de femmes. Je suis entré dans sa cellule pour l’interviewer.

Étiez-vous infiltré ou les prisonniers étaient-ils au courant de votre rôle en cachot ?

Ils étaient au courant car je me déplaçais toujours avec deux cameramen qui documentaient mes mouvements. Les détenus savaient donc que j’agissais et que j’étais filmé comme un prisonnier. Certains étaient antagonistes, d’autres voulaient partager leurs histoires. Parmi eux, ceux qui regrettaient leurs actes.

Avez-vous rencontré ceux qui comme vous disent être en prison à tort (Voir plus loin)?

C’est difficile de le dire en si peu de jours. Certains m’ont confié qu’ils étaient emprisonnés à tort. D’autres, principalement des Sud-Africains, se sont plaints des sentences lourdes qui leur ont été infligées pour trafic de drogue, notamment.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué de cette expérience dans les geôles mauriciennes ?

Entrer dans la cellule du prisonnier le plus dangereux de Maurice a été l’une des expériences les plus sinistres que j’ai vécues jusqu’ici. La personne que j’avais en face de moi était très instable. Il était sous médicaments.

Avez-vous eu peur pour votre vie ?

C’était visible que je n’étais pas à l’aise. C’est un moment indescriptible. Le crime commis par ce prisonnier est horrible. Le pire, il ne montrait aucun signe de remords même s’il me semblait conscient qu’il en a pour le restant de ses jours.

Il m’a décrit dans les moindres détails les meurtres et viols sur des femmes qu’il a commis avec un groupe de personnes lorsqu’il était plus jeune et sous influence de la drogue. J’étais visiblement choqué. À un moment, je me suis demandé s’il allait s’en prendre à moi. Je n’étais vraiment pas à l’aise. Son comportement très instable me mettait dans une situation très inconfortable.

Vous avez dû vivre des moments moins perturbants…

Il y a aussi ces histoires très inspirantes qui démontrent que certains aspirent à une nouvelle vie. Je me souviens de Winley qui purge plusieurs peines mais qui vient de décrocher un diplôme avec distinction en pâtisserie. Sa grand-mère et ses enfants lui ont rendu visite lorsque j’y étais.

Avez-vous été traité différemment des autres détenus par les gardiens de prison ?

L’objectif, c’est d’être traité comme un prisonnier dès mon arrivée. J’ai donc été fouillé à nu (strip-searched). On m’a remis des uniformes avant d’être conduit au bloc principal. Des co-détenus m’ont raconté comment ils étaient traités. Des gardiens de prison m’ont parlé des difficultés dans leur travail.

Quelle impression vous a laissée l’ex-commissaire des prisons Vinod Appadoo qui intervient dans le documentaire ?

Il raconte s’être embarqué dans une politique de zéro tolérance avec très peu de privilèges comparé à ce à quoi les détenus étaient habitués auparavant. Portables, cigarettes, tout ce qui n’était pas permis en prison était confisqué. Pour Vinod Appadoo, la meilleure façon de mettre un frein à la contrebande, c’est l’interdiction totale. Il m’a fait un commentaire très frappant. À Melrose, il m’a dit «This is not mama’s house» et que les prisonniers devaient être traités sévèrement pour le mal qu’ils ont fait. Qu’ils devaient être punis pour protéger la société.

Racontez-nous Melrose.

J’ai découvert une prison quasiment nouvelle et propre qui peut contenir jusqu’à 800 prisonniers, soit, dix par dortoir. Une fois qu’ils ont quitté leur cellule le matin, les détenus ne sont autorisés à la regagner que dans l’après-midi. Le peu qui ne travaille pas dans les différents ateliers, se retrouve dans un espace social. J’ai moi-même participé à des ateliers de menuiserie et de boulangeries. C’était impressionnant.

Le système de surveillance des prisons a souvent été critiqué avec des caméras défectueuses. Qu’avez-vous vu ?

Le jour que j’ai passé avec les gardiens m’a permis de découvrir une partie du système de vidéosurveillance. La salle de commandes est impressionnante. Je pense que c’est l’unique prison en Afrique de l’Est avec de tels aménagements. La prison de Melrose est équipée d’une vidéosurveillance de pointe où les détenus sont surveillés 24 heures sur 24. Je dirais même une surveillance assez intrusive car le prisonnier n’a aucune vie privée. D’ailleurs, des questions de violation de droits humains se posent.

Je retiens aussi la politique de zéro tolérance du commissaire des prisons, qui m’a confié qu’avant le changement de régime, les prisons étaient dirigées par des prisonniers. Lui, il est venu avec des décisions radicales, comme l’interdiction des cigarettes. À Melrose, il y a aussi un gardien pour chaque quatre prisonniers alors qu’au Paraguay, ils sont à 34 gardiens pour un millier de prisonniers.

Y a-t- il des images qu’on vous a demandé de ne pas diffuser ?

Non. Tout ce que nous avons filmé est autorisé à la diffusion. D’ailleurs, ça fait partie de l’accord à la base. Personne ne nous dicte. Nous avons tourné dans chaque coin et recoin hormis en cas d’incident où nous devions éteindre la caméra pour des raisons de sécurité.

Avez-vous assisté à ce genre d’incidents ?

J’ai été témoin de bagarres entre prisonniers où certains ont été placés en isolement. J’ai aussi vu des gardiens confisquer des produits de contrebande. Les images de l’hélicoptère et de strip-searching proviennent des archives mais les prisonniers sont toujours aussi secoués par cet épisode.

Au moins six décès troublants ont été rapportés en quatre mois derrière les barreaux à Maurice. Pour avoir été un témoin privilégié au cœur des détenus et des gardiens, quel est votre constat ?

Je suis au courant qu’il y a eu beaucoup de morts en prison à Maurice. Certains prisonniers avaient peur de m’aborder ou de faire entendre leur voix. C’était évident qu’ils avaient peur. Ce que vous me dites ne me surprend pas pour avoir vu la manière dont les prisons sont gérées par M. Appadoo. Le système de zéro tolérance est pour moi très indicatif des conséquences.

Bio Express

<p>Né de père jamaïcain et de mère anglaise, Raphael Rowe a grandi dans le sud-est de Londres. Il a rejoint la BBC en 2001 en tant que reporter pour le programme d&rsquo;information RadioToday. Le parcours de ce journaliste sort de l&rsquo;ordinaire. En 1988, à 19 ans, il a été condamné à la prison à vie pour un meurtre et un vol qu&rsquo;il maintient n&rsquo;avoir pas commis. En juillet 2000, après 12 ans de prison, il est enfin libre après que la cour d&rsquo;appel a annulé ses condamnations. Il était alors déterminé à devenir journaliste.</p>

<p>Lors de cet entretien à <em>&laquo;l&rsquo;express&raquo;,</em> il raconte qu&rsquo;après avoir été journaliste d&rsquo;investigation pour la BBC, il a été approché pour retourner en prison. &laquo;Cela n&rsquo;a pas été une décision facile à prendre. Je pense qu&rsquo;il est important d&rsquo;informer sur ce que sont les prisons, les prisonniers réellement. J&rsquo;ai une empathie qui fait que le courant passe vite avec un détenu. Sans juger, j&rsquo;utilise mon expérience pour partager leurs histoires de façon objective&raquo;, nous a confié Raphael Rowe, au téléphone, jeudi.</p>

Vinod Appadoo : «Positif ou négatif, je n’ai aucune idée du contenu du documentaire»

<p>Nous avons également sollicité Vinod Appadoo, qui intervient dans ce documentaire de <em>Netflix</em>. Commissaire des prisons à ce moment-là, il dit ni se souvenir si c&rsquo;est son bureau qui a accordé les autorisations ni si l&rsquo;approbation vient de plus haut. De préciser qu&rsquo;en quatre ans à la prison, aucun journaliste local ne l&rsquo;a approché pour un reportage de ce genre. <em>&laquo;Ce que je sais, c&rsquo;est que le journaliste étranger et son équipe ont demandé et obtenu le feu vert. Un contrat a été signé et je sais que les détenus qui témoignent à visage découvert dans le documentaire ont donné leur accord. Par contre, je ne suis pas au courant si le contenu est positif ou négatif. Comme beaucoup de Mauriciens, j&rsquo;ai regardé la bande-annonce et comme je l&rsquo;ai toujours prêché dans la presse locale depuis que j&rsquo;ai pris la direction des prisons, la discipline doit régner à la prison. Manzé, dormi tou bizin éna disiplinn. Prizon li pa kouma lakaz mama. Ena ti pé tro abizé.&raquo;</em></p>