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Nishan Degnarain: «Changement de trajectoire: Maurice pas informé faute de contrat avec les sociétés de satellites»
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Nishan Degnarain: «Changement de trajectoire: Maurice pas informé faute de contrat avec les sociétés de satellites»
Son article sur «Forbes» a fait le buzz. Nishan Degnarain, économiste spécialisé dans les nouvelles technologies, a permis de mettre en lumière le parcours du «Wakashio». Nous l’avons interviewé.
Votre article dans le magazine international Forbes, suite à des informations récoltées par des nano satellites, a permis de retracer le parcours du MV Wakashio. Qui êtes-vous ? Quel est votre parcours professionnel ?
Je suis un économiste spécialisé dans les nouvelles technologies pour une croissance économique durable. Étant donné l’iniquité de la nature entourant Maurice et les îles périphériques, il existe de nouvelles voies de croissance économique que Maurice pourrait emprunter et qui créeraient également une économie plus inclusive. J’ai publié un livre à ce sujet («Soul of the Sea in the Age of the Algorithm»). J’ai été président de l’Initiative spéciale du forum économique mondial sur l’océan. Et actuellement, je suis président de la London School of Economics Ocean Finance Initiative.
J’ai été invité à créer le Centre pour la quatrième révolution industrielle du Forum économique mondial afin de connecter les nouvelles technologies de la Silicon Valley aux gouvernements et organisations du monde entier. Lorsque j’étais membre du Conseil national des océans de Maurice, j’ai sou ligné les opportunités de telles technologies pour Maurice. Au cours des derniers mois, j’ai travaillé avec plusieurs gouvernements du monde entier sur leur réponse et leur relèvement face à la crise du Covid-19 et sur les moyens pour mieux se reconstruire.
Quel était le but de votre article ?
Le but de mon article dans Forbes n’était pas de discuter du MV Wakashio, mais de montrer le potentiel de la façon dont des pays comme Maurice devraient exploiter les dernières technologies. Notamment l’apprentissage automatique, le cloud computing, les technologies par satellite et les navires autonomes. Il était malheureux que l’exemple se trouve être le MV Wakashio.
Pourquoi personne des sociétés de satellites n’a tenté de contacter les autorités mauriciennes, en s’apercevant que le «Wakashio» changeait de trajectoire ?
Il n’y avait pas de contrat entre les sociétés de satellites privées et Maurice. Il n’y avait donc pas de système ou de méthode permettant à ces sociétés d’alerter les autorités mauriciennes qu’une collision était imminente. Le logiciel de ces systèmes n’est pas complexe, bien qu’ils doivent avoir les bons protocoles de cyber sécurité. Cependant, les gouvernements du monde entier ont modernisé leur infrastructure informatique pour en tenir compte.
Par exemple, les gouvernements de Singapour et de Dubaï ont utilisé l’intelligence artificielle IBM Watson pour améliorer les services aux citoyens, et presque tous les gouvernements du monde ont une stratégie nationale d’intelligence artificielle. Compte tenu de la taille des océans de Maurice, une telle stratégie aurait également du sens et pourrait considérablement améliorer la capacité de surveiller plus efficacement la zone économique exclusive de Maurice.
Mettez-vous vos compétences au service des autorités, des organisations non gouvernementales, entre autres, en ce moment ?
Les sociétés de satellites disposent des données qui pourraient être utiles à toute enquête ainsi qu’aux opérations de nettoyage en cours. Ce sont ces organisations auxquelles les autorités devraient s’adresser. J’ai été très impressionné de voir la solidarité des opérations de nettoyage et l’aide des Mauriciens à travers le pays et aussi de ceux de l’étranger pour aider avec cette crise. Cela montre l’incroyable fierté et la passion des Mauriciens pour la nature dans le pays, ainsi que l’innovation de tous les horizons pour proposer des solutions out-of-the-box pour les booms pétroliers. Dans les moments difficiles du Covid-19, nous avons besoin de tels gestes positifs et de camaraderie.
En tant qu’expert, dans quelle direction pensez-vous que nous devons aller maintenant pour faire face à la situation ?
Il y a trois horizons. Le premier est la gestion des suites à très court terme du confinement et de la gestion du navire et du nettoyage associé. Il semble que des experts de la compagnie maritime, du Japon et de la France travaillent avec les autorités mauriciennes à ce sujet. En parallèle, il faut une stratégie beaucoup plus ciblée sur la protection de la faune incroyablement rare et unique de cette partie de l’île. Je n’ai pas encore suffisamment entendu parler des plans pour cela. Il existe des espèces que l’on ne trouve nulle part ailleurs dans le monde, et des experts mondiaux sont nécessaires pour s’assurer que ces espèces soient protégées de la pollution et sauvegardées pour les générations futures.
Le Premier ministre japonais siège à un éminent panel sur l’économie océanique durable, c’est donc l’occasion pour le Japon de montrer à quel point il est sérieux dans la sauvegarde de la nature. Troisièmement, il est nécessaire de mettre en place les capacités pour éviter que cela ne se reproduise. Cela comprend un National Ocean Mission Control, construit comme un partenariat public-privé et exploitant les dernières technologies, et ayant une visibilité complète des océans de Maurice.
Si la NASA a un contrôle de mission à Houston pour suivre la présence américaine dans l’espace, pourquoi Maurice n’a-t-elle pas la même chose pour ses océans ? Cela n’a pas besoin d’être coûteux et devrait faire partie du financement de la réhabilitation des personnes responsables de l’accident, comme cela a été le cas dans d’autres pays pour des déversements d’hydrocarbures similaires (le MV Prestige en Espagne en 2002 et DeepWater Horizon aux États-Unis en 2010).
Selon vos observations, ce naufrage est-il un accident ? Ou cela aurait-il pu être évité ?
Ce n’est pas le moment de pointer du doigt. Je pense que tout le pays a été impressionné par la solidarité des citoyens. Une enquête devra être menée en toute transparence et conformément aux normes internationales. Une telle enquête doit être rapide, limitée dans le temps, transparente et doit impliquer des experts internationaux de renom. Après la catastrophe de Deepwater Horizon aux États-Unis en 2010, la compréhension mondiale des déversements d’hydrocarbures et des accidents maritimes s’est considérablement améliorée et ces experts ont déjà exprimé publiquement leur volonté de soutenir toute enquête à Maurice.
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