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Région sud-est: Marée noire, misère noire

23 août 2020, 20:00

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Région sud-est: Marée noire, misère noire

Les pêcheurs se retrouvent à ramasser des poissons morts sur une plage souillée au lieu de revenir de la mer avec leurs prises. À cette tristesse s’ajoutent les difficultés financières.

Vendredi 21 août. La marée est basse. Le niveau de la mer est propice pour ramasser les palourdes et des «betayes», des coquillages très appréciés en cuisine. Jointe au téléphone, Josette Marchand, femme pêcheur, avoue qu’elle a presque des larmes aux yeux. «J’ai très mal au cœur. Le temps est idéal pour ramasser les coquillages, mais l’eau est couverte d’huile», raconte-t-elle. Sa peine se fait entendre dans sa voix.

Dans une réponse au Parlement mardi après une question du député Aadil Ameer Meea, le ministre de la Pêche, Sudheer Maudhoo a indiqué que des échantillons de poissons et de calamars prélevés dans la région ont révélé que les produits de la mer contiennent une teneur hautement élevée en arsenic, en cadmium ou en hydrocarbure, des éléments toxiques à la santé. Du coup, aucune activité nautique y compris la pêche n’est autorisée dans 16 zones sinistrées de la région. «Les endroits concernés s’étendent de Blue-Bay jusqu’à Grande-Rivière-Sud-Est», fait ressortir une source au ministère de la Pêche qui a déjà émis un communiqué.

Josette Marchand ne sait plus quand elle reprendra le large. «On nous dit que ce sera dans dix ans ou plus que la situation retournera à la normale. En face de nos maisons, il y a la mer qui a nourri nos familles jusqu’à cette catastrophe. À l’arrière, il y a des champs de canne qui n’accueillent plus les ouvriers. Comment allons-nous faire ? Nous ne voulons pas compter uniquement sur l’aide de l’État. Nous voulons travailler pour payer nos emprunts», explique-t-elle. Pendant le confinement, ses amis pêcheurs tout comme elle ont beaucoup souffert et la marée complique davantage leur situation.

«Ce que nous vivons en ce moment est pire que le confinement. c’est comme un deuxième cyclone qui nous frappe de plein fouet.»

Désormais, la garde-côte veille au grain. Toute sortie en mer sera pénalisée. Les pêcheurs ont le coeur lourd quand ils sont obligés de ramasser des poissons et anguilles morts sur la plage couverte d’huile. «Vous ne pouvez pas savoir comment ça fait mal. D’habitude, ce sont des poissons que nous vendons pour vivre», soupire la femme pêcheur.

Ce n’est pas l’unique secteur qui passe par un moment noir. Maryline Aliphon, la gérante de la Case du Pêcheur, ne sait plus quoi dire ni quoi faire. Il n’y a pratiquement plus de clients qui fréquentent cet établissement depuis le déversement d’huile. «Ce que nous vivons en ce moment est pire que le confinement lié au Covid-19. C’est comme un deuxième cyclone qui nous frappe de plein fouet. Nous comptions sur le weekend de l’Assomption pour travailler, mais on a été vite déçus. Le moral n’est pas au beau fixe. De plus, comme nous sommes un restaurant de fruits de mer, nous ne pouvons pas offrir nos spécialités à nos clients, à moins que nous allions acheter nos produits loin d’ici», fait-elle remarquer.

Après la fin du confinement, l’établissement a pu compter sur les Mauriciens pour faire rouler le commerce, mais désormais ceux-ci ne s’y rendent pas. La mer est noire et l’odeur est très désagréable. La gérante n’a aucune idée de l’avenir, d’autant que la saison des bonnes affaires aurait dû reprendre en septembre. Maryline Aliphon ne sait même pas si le gouvernement leur viendra en aide pour maintenir à flot l’entreprise.

Un peu plus loin, à Grande-Rivière-Sud-Est, Gutty Gooroodev s’arrache les cheveux. Ce plaisancier a un emprunt à payer après avoir acheté des moteurs pour son travail, il doit subvenir aux besoins de sa fille, étudiante dans une université, et il doit payer ses cinq employés malgré le chômage technique. «Je puise de mes économies pour toutes ces dépenses. Pendant combien de temps encore je pourrai le faire ? Je ne sais plus où mettre la tête», se tracasse-t-il. D’autant qu’avec le confinement, il a usé de ses économies pour ses dépenses. «Je n’avais pas eu l’aide du gouvernement», rappelle-t-il.