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Police - Valse d’interrogatoires: bal au CCID

27 septembre 2020, 18:00

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Police - Valse d’interrogatoires: bal au CCID

Il y a souvent du «mouvement» du côté du Central Criminal Investigaton Department (CCID), aux Casernes centrales. Mais, depuis quelques jours maintenant, «l’antre» des enquêteurs tourne à plein régime. Mais pas de miel du côté de cette ruche. Où convocations, interrogations, questions, et parfois arrestations sont les maîtres mots. Mais comment fait-on pour se retrouver dans cette pile de dossiers souvent brûlants ?

Surtout, que, depuis quelque temps, les critiques ne manquent pas. Des internautes, par exemple, ne parviennent pas à comprendre la logique guidant certaines décisions prises par les enquêteurs. Ou «l’empressement» et la rapidité s’agissant de certaines affaires et une lenteur «escargotesque» pour d’autres.

Des questions tout à fait légitimes, estime l’inspecteur Ranjit Jokhoo, ancien inspecteur au sein de la Major Crime Investigation Team et ex-sergent du CCID, aujourd’hui à la retraite. Tout comme certains membres du public, il dit ne pas comprendre parfois les agissements des policiers de ce département. «Prenons deux exemples : le cas des frères Dardenne et l’affaire du présumé chèque en bois de Bruneau Laurette n’ont pas lieu d’être traités par le CCID. Ces dossiers auraient pu être pris en charge par les policiers d’un quelconque poste de police, il n’en manque pas à travers le pays. Il a fallu que quelque part, des instructions, soient données, en haut lieu…» sous-entend l’ancien enquêteur.

Ranjit Jokhoo insiste sur ce qui devrait être le fonctionnement «normal» du CCID, où il a longuement travaillé. Celui-ci a pour but d’enquêter principalement sur des fraudes de grande envergure, où des millions, voire milliards de roupies sont en jeu, mais aussi sur des crimes ‘sérieux’. «Vous avez maintenant l’impression qu’il s’occupe de tout et de rien. Tou ti case pé passé. Enn fason pou kréé enn persepsyon dan piblik ki bann terib ki pé travay kumadir. Ce qui n’est ni plus ni moins que de l’intimidation envers la population à mon avis.»

Pour ce qui est du «timing» dans certaines affaires, il fut un temps où il était en poste et où il y avait des milliers de ‘files’ qui dormaient dans des tiroirs, durant des années, voire une décennie. «Je suis sûr que tel est toujours le cas. Comment, alors, ces policiers déterminent-ils leur priorité dans les enquêtes ? Il faut leur demander. Ou trouvé koumma politiciens rapporte enn case deswit pé arété. Mo revinn lor ka bann frer Dardenne. Pour moi, ce cas, sort de l’ordinaire. Car en l’espace de quatre, cinq heures, les policiers ont pu ‘mener leur enquête’»

Deux poids deux mesures

Or, si le travail est effectué comme il se doit, cela prend du temps. Il faut mener une enquête en profondeur, vérifier que tous les faits relatés sont concordants, que les éléments incriminants ‘tiennent debout’, puis en dernier lieu, convoquer la ou les personnes concernées. De ce fait, les enquêteurs sont en présence de toutes les informations requises pour être en mesure d’interroger la personne. Au cas contraire, il n’y a même pas de matière pour mener un interrogatoire solide, crédible, en bonne et due forme. «Pour une quelconque dénonciation, cela peut se faire dans un poste de police, sinon à quoi servent-ils ? Dépendant de leur gravité, les cas pourront être référés au CCID, ou d’autres départements.» Cela éviterait définitivement un défilé, une valse, un bal de toutes sortes de personnes, toute la journée, dans les locaux du CCID.

Autre différence de traitement qui laisse perplexe, dans les dossiers concernant Dhiren Moher et Rachna Seenauth. L’ancien Inspecteur n’hésite pas à parler de «flagrant délit de discrimination». «On voit bien qu’il y a deux poids, deux mesures dans ces deux cas. La loi devrait être la même pour tous. L’un est arrêté puis relâché contre une caution de Rs 2 000, le même jour. L’autre, qui plus est une femme, a dû passer la nuit en cellule, parce qu’elle a osé critiquer le pouvoir. La politique ne doit pas guider les décisions. Kifer sitwayen lambda ki toulétan bizin payé ?»

Mais alors quid des critères requis pour travailler au sein du CCID ? Les enquêteurs doivent tous posséder un certain «bagage», doivent savoir comment mener une enquête et doivent avoir fait leurs preuves dans les départements où ils étaient avant, le devoir d’un policier étant de démêler le vrai du faux, de trouver des éléments et des preuves contre une personne incriminée, de faire preuve de neutralité, entre autres responsabilités. «Mééna ki finn rantré parski zot pross ek intel politisien ou azan. Mo konn 1-2 personelman ki pa mérit zot plas laba», balance Ranjit Jokhoo.

Pour un fonctionnement approprié du CCID, il faudrait, selon lui, que les enquêteurs établissement une fois pour toutes leur priorité dans les affaires à traiter et démontrer qu’ils sont une branche spécialisée et professionnelle, mais surtout indépendante.

Du côté de nos limiers, actuellement, entre convocations «under warning» des uns et les plaintes déposées par les autres, on n’a pas «trop le temps» de répondre aux questions de la presse. Certains enquêteurs prennent tout de même la peine de faire valoir que, critiques ou pas, le CCID a toujours fonctionné ainsi. «Toulézour, dimounn alé vini, sé zis ki pa ti pé médiatizé otan. La éna bann case ki pé retenir latansion. Comme dans le cas du naufrage du remorqueur Sir Gaëtan ou le SherryGate.»

Qu’en est-il de la différence de traitement, du «timing», de la rapidité dans un cas et pas dans l’autre ? Les enquêtes sont toujours traitées par priorité et dépendant de leur gravité, ce qu’on appelle les hardship cases. «Il ne faut pas toujours tout politiser. Si nou pa ti fer nanyé, lerla ti pou vinn dir ki nou pa travay. Un policier est un policier et est amené à travailler sur tous les cas qui s’imposent. Kan enn dimounn tourn li ver nou, ki nou pou dir, tro ti case sa, pa pou fer nanyé ?»

Qui plus est, «la police a toujours agi dans la transparence sans une quelconque pression politique», assure un de nos interlocuteurs…

Des interpellations qui interpellent

Les frères Dardenne

Josué et Jonathan Dardenne avaient été arrêtés le 22 août par les limiers de la CID de Flacq après qu’un agent du ministre de la Pêche, Sudheer Maudhoo, a porté plainte contre eux, la veille. Ils avaient été conduits au CCID, pour enregistrer leur déclaration avant d’être traduits en cour, le 24 août.

Rachna Seenauth

L’internaute Rachna Seenauth a été de nouveau convoquée, le 15 septembre, dans les locaux du CCID dans le cadre de l’enquête concernant l’accusation provisoire de «breach of ICTA» qui pèse sur elle. Kaushik Jadunundun, ancien membre du board de l’Information and Communication Technologies Authority (ICTA), avait porté plainte contre la secrétaire de l’ancienne présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim, après un post humoristique (mème) qu’elle a partagé sur les réseaux sociaux, qui fait état d’une rencontre entre le Premier ministre, Pravind Jugnauth, et d’autres dirigeants internationaux par visioconférence sur la gestion du Covid19 après que Maurice a enregistré zéro cas en 48 heures. Lors de son interrogatoire, Rachna Seenauth a invoqué son droit au silence. Dans son «statement», elle a toutefois déclaré : «Kot monn foté si Premier minis pann kompran enn joke ?» Rachna Seenauth avait été arrêtée le 15 avril et avait passé la nuit en cellule.

Bruneau Laurette

L’organisateur de la marche citoyenne du 29 août, notamment, a été arrêté le 22 septembre à cause d’un chèque sans provision. Un entrepreneur de 52 ans avait porté plainte contre Bruneau Laurette le 16 septembre, l’accusant d’avoir émis un chèque en bois d’un montant de Rs 8 000. De plus, il reprochait à celui-ci de ne pas avoir pas réglé un montant d’environ Rs 80 000 qui représenterait le montant pour la location d’une voiture. Mais, une missive émise par le plaignant stipulait que le paiement avait été effectué le lendemain de la plainte, soit le 17 septembre et que ladite plainte avait été retirée. Bruneau Laurette a tout de même été arrêté puis libéré après avoir payé une caution de Rs 20 000. Il devra se présenter au poste de police de Quatre-Bornes chaque samedi entre 6 heures et 21 heures.

Dhiren Moher

Dhiren Moher, ancien président de PILS et décoré le 12 mars, l’année dernière, a été arrêté, après avoir été interrogé par le CCID, jeudi 24 septembre, pour «breach of ICTA». Ce, dans le sillage d’une déposition faite par l’avocat Rouben Mooroongapillay, à la suite de messages à caractère communal partagés sur les réseaux sociaux et où mention est faite de «sabres» et de «fusils», notamment. Il a été relâché contre une caution, le même jour.