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La juridiction mauricienne face à son destin devant l’Union européenne
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La juridiction mauricienne face à son destin devant l’Union européenne
Le secteur mauricien des services financiers n’a pas la même réputation aux yeux des Européens que son tourisme. La juridiction mauricienne est considérée comme peu coopérative en termes de combat contre le blanchiment d’argent et le financement d'activités liées au terrorisme. Le 1er octobre, l’inscription de Maurice sur la liste noire de l’Union européenne (UE) prend officiellement effet. En attendant d’en sortir, ce qu’espèrent les autorités, les pays concurrents en profitent.
Il est peu certain que les opérateurs qui évoluent dans les services financiers accueillent le premier jour d’octobre avec un large sourire. Encore moins le gouvernement de Maurice. La présence de la juridiction mauricienne sur la liste noire de l’UE prend officiellement effet aujourd’hui.
Depuis mai, la réputation de notre juridiction en tant qu’espace où l’on n’attache pas suffisamment d'importance que les pays de l’UE souhaitent au combat contre le blanchiment de l’argent sale et le financement du terrorisme a pris un coup. Deux phénomènes qui, ensemble, constituent une des plus grosses menaces à la stabilité du système financier mondial.
L’évaluation dont la performance de la juridiction mauricienne a fait l’objet lui a valu d’être placée sur une liste grise du Groupe d’action financière (GAFI) et sur la liste noire de l’UE. Le GAFI est une organisation intergouvernementale dont la principale mission consiste à veiller que les règles de bonne conduite dans le domaine financier soient respectées. Le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme sont considérés comme les deux principaux délits les plus à risque contre la stabilité du système financier de l’Europe.
La démarche de l’UE est suffisamment sérieuse puisqu’en dépit des efforts déployés par le gouvernement pour être aux normes des exigences réclamées, dans son édition du 19 juin 2020, l’Official Journal of the European Union fait état que la juridiction mauricienne est inscrite sur sa liste noire. Seule consolation, s’il en fallait une, Maurice n’est pas la seule juridiction à s’être trouvée dans une telle posture. La mesure touche également les Bahamas, la Barbade, le Botswana, la Cambodge, le Ghana, la Jamaïque, la Mongolie, le Myanmar (ex-Birmanie), le Nicaragua, le Panama et le Zimbabwe.
Le reproche fait à ces pays s’articule autour des carences observées dans les garanties fournies par ces juridictions, prouvant qu’elles ne constituent pas un espace où des entreprises et des particuliers voulant éviter d’honorer leurs obligations fiscales peuvent y transférer leur argent sur des comptes bancaires. L’établissement de cette liste est loin d’être une déclaration de guerre contre les pays évoqués. Il s’agit tout simplement d’un signal fort que tout n’est pas rose dans une juridiction et que les mesures appropriées doivent être prises. Les efforts pour y parvenir sont fournis des deux côtés. Dans le cas de Maurice, on a vu une volonté des deux partenaires pour que les choses changent.
L’UE est loin de se comporter comme un professeur avec un rotin bazar à la main. Elle apporte tout ce qui est en son pouvoir pour contribuer à éliminer les carences qui constituent une menace pour son système financier. À titre d’exemple, on peut citer l’organisation récente par le ministère des Services financiers et l’EU AML/CFT Global Facility d’un atelier de travail sur le Suspicious Transaction Reporting. Du côté de Maurice, on n’a pas lésiné sur les moyens pour démontrer sa détermination à permettre au secteur des services financiers d’évoluer dans la transparence et selon les normes souhaitées par l’UE et le GAFI.
Il y a des raisons d’espérer que ce n’est plus la question de la présence de la juridiction mauricienne sur la liste noire qui devrait être d’actualité mais plutôt l’annonce par le Conseil européen, l’instance suprême de l’UE, que Maurice ne fait plus partie de cette liste. En d’autres termes, se demander plutôt si le nom de la juridiction mauricienne devrait oui ou non continuer à être inscrit sur cette liste noire.
Des mesures prises pour remédier aux carences
<p>S’il est vrai qu’il est difficile de lire dans l’esprit des dirigeants de l’UE, qui sont les seuls maîtres à bord dans la protection de leur système financier, Maurice n’a jamais fait le récalcitrant. Dans ce genre de situation, ce qui compte, ce n’est pas tant le score réalisé mais la prédisposition à faire amende honorable lorsque des carences sont signalées. Les initiatives prises par Maurice, sitôt que le pays a pris connaissance de sa présence et sur la liste du GAFI et sur celle de l’UE, sont, entre autres:</p>
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<li> L’ouverture et la recherche de dialogue avec l’UE même si la présente décision a été prise sans consultation préalable avec Maurice, contrairement à une pratique qui a existé entre les deux parties jusqu’ici. </li>
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<li>Puisque la démarche de l’UE s’appuie sur la décision du GAFI, qui a publié une liste de juridictions qui nécessitent une surveillance accrue, dès février 2020, le pays a pris un engagement politique solennel de mettre en place les recommandations de l’organisme intergouvernemental, après la publication de sa liste grise. Le pays n’a pas manqué de préciser que, selon le plan d’action du GAFI, il n’avait aucune carence au niveau technique de son adhésion aux normes préconisées par cet organisme.</li>
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<li>La décision du gouvernement d’effectuer une révision complète des législations existantes relatives au combat contre le blanchiment d’argent et le financement des activités associées au terrorisme. Résultat de cette démarche : le mode de fonctionnement du secteur mauricien des services financiers opère en toute conformité avec 35 et 40 recommandations comparativement à une liste de seulement 14 recommandations auxquelles le pays était en conformité jusqu’ici. C’était en septembre 2018, dans le cadre de la publication d’un rapport d’évaluation.</li>
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<li> L’émergence du Covid-19 depuis le 20 mars n’a eu aucun impact sur la détermination du gouvernement de montrer son intérêt à respecter son engagement à soumettre un rapport sur les progrès réalisés dans le cadre de l’application du plan d’action recommandé par le GAFI.</li>
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<li>La juridiction mauricienne n’a pas refusé d’accueillir l’aide que lui a offerte l’UE par le biais de l’AML/CFT Global Facility, un fonds d’aide. Il a adopté la même posture lorsque l’Allemagne, un membre influent de l’UE, en a fait autant par l’intermédiaire de la German Development Agency. Une démarche visant à permettre à Maurice d’améliorer le niveau de sa conformité aux exigences financières de l’UE.</li>
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<p>Qu’à cela ne tienne, un des signes qui manifeste la volonté du gouvernement à honorer son engagement politique pour combattre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme est la promulgation, le 9 juillet, de l’Anti-Money Laundering and Combatting the Financing of Terrorism (Miscellaneous provisions ) Act 2020.</p>
<p><strong>Samade Jhummun : <em>«Nous savons que la juridiction mauricienne sera retirée de la liste noire de l’UE dans un proche avenir»</em></strong></p>
<p>Sollicité, Samade Jhummun, <em>Chief Executive Officer </em>(CEO) de <em>Global Finance Mauritius</em>, plateforme regroupant différentes catégories d’opérateurs qui évoluent dans le secteur des services financiers, se dit plus optimiste que jamais. <em>«Nous savons que la juridiction mauricienne sera retirée de la liste noire de l’UE dans un proche avenir en dépit des défis auxquels elle est confrontée.» </em>Son optimisme repose sur le fait que la juridiction mauricienne démontre sa capacité à évoluer conformément aux normes internationales, comparativement à d'autres juridictions qui vont devoir se soumettre aux exigences d'exercices de révision de leur mode opératoire. Le CEO de <em>Global Finance Mauritius</em> de poursuivre qu’il trouve dommage que l’inclusion de la destination mauricienne sur la liste noire de l’UE devienne officielle à un moment où toutes les économies font de leur mieux pour se remettre sur les rails à la suite de l’émergence du Covid-19. Pour lui, il demeure impératif que le nom de la juridiction mauricienne soit retiré le plus vite possible de la liste grise du GAFI et de la liste noire de l’UE. Il argue qu’avec l'entrée en opération de la présence de la juridiction mauricienne sur la liste noire de l’UE, les transactions internationales vont subir des vérifications soutenues. «<em>Nous soutenons tous les efforts que fera le gouvernement dans ce domaine. En attendant, il est de notre devoir de tout mettre en œuvre pour renforcer la confiance des investisseurs dans notre juridiction. (…) Nous sommes tenus d’assurer une communication permanente afin de permettre à la juridiction mauricienne de faire amende honorable au sujet des carences repérées tant par l’UE que par le GAFI.»</em></p>
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