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L’Europe éternue et les exportations mauriciennes s’enrhument

28 octobre 2020, 18:11

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L’Europe éternue et les exportations mauriciennes s’enrhument

Le constat interpelle. De l’analyse de la Banque de Maurice à celle du MCB Focus en passant par Statistics Mauritius, une constante s’impose : la dégradation des exportations. Et ce plus particulièrement vers Europe avec les principaux partenaires commerciaux de Maurice qui recourent à un nouveau confinement. La France, la Belgique, l’Irlande, le Portugal, l’Italie et prochainement la Grande-Bretagne, tous sont concernés. Le ministre des Finances annonce une série de mesures pour amortir le choc. Des questions se posent toutefois sur leur efficacité. 

Le raisonnement est simple et la Banque de Maurice a eu le mérite de tirer la sonnette d’alarme le 7 octobre dans le procès-verbal de la dernière réunion du Monetary Policy Committee. Partant du postulat que «our key trading partner countries are bearing the brunt of a second wave of the pandemic», l’impact sur la performance du marché d’exportation domestique sera négatif. Pour cause, la clientèle européenne a d’autres exigences plus importantes à gérer que celle de consommer du prêt-à-porter Made in Mauritius. 

Eric Dorchies, CEO du pôle textile du groupe Ciel, ne partage pas totalement cet avis. Même s’il concède que la situation en Europe est préoccupante sur le front sanitaire et qu’il est très difficile de prédire la demande à venir, il note «une hausse des ventes en ligne sur les derniers mois et des changements importants en termes de zones d’approvisionnement avec la Chine». Celle-ci, dit-il, «subit les effets de la crise logistique liée au Covid et de la récente interdiction imposée par les États-Unis sur les produits issus de la région de Xinjiang, décriée pour des pratiques de travail forcé». Résultat : une réorientation, même faible, des volumes de production vers l’océan Indien pourrait, selon lui, avoir un effet bénéfique. 

Mais il existe une tout autre raison qui conforte le patron du Ciel Textile dans son analyse. Soit le fait d’être stratégiquement positionné dans la région (Maurice et Madagascar) mais aussi en Inde et au Bangladesh, ce qui permet à la société de servir ses clients selon leurs besoins. Et d’ajouter qu’à l’échelle locale, la demande pour les chemises formelles est en baisse. Il y a, en revanche, «une demande intéressante pour le ‘casual wear’, c’està- dire les tee-shirts, polos et pulls». Il reste cependant difficile d’estimer le niveau d’exportations pour le marché car chaque usine et opérateur disposent d’un carnet de commandes bien distinct. 

Une analyse que partage le CEO de Business Mauritius, Kevin Ramkaloan, ajoutant que la démarche du ministre Padayachy de ‘repackage’ l’Air Freight Scheme vise à réduire les coûts de fret aérien imposés aux exportateurs. Des coûts logistiques qui ont pris l’ascenseur dans le sillage de la fermeture des frontières. «Il est évident que l’effet économique de la pandémie a fait exploser le coût du fret aérien pour couvrir les frais opérationnels des avions en l’absence de l’activité passager. Le fret a augmenté de deux à trois fois par rapport à son niveau pré- Covid. En même temps, il n’y a qu’une poignée de compagnies qui desservent Maurice. Avec pour résultat qu’il n’y a pas assez de capacité pour faire face au volume de fret aérien», analyse Vishal Nunkoo, CEO de Velogic Ltd. Sa société occupe une part importante du marché de la logistique à l’aérien. 

Clouée au sol, sous administration volontaire depuis le 23 avril dernier, Air Mauritius est sollicitée pour opérer un quatrième vol hebdomadaire sur Paris. Et ce pour répondre aux demandes d’exportateurs de textile et de fruits saisonniers. Dans la foulée, un cinquième vol est à l’étude dont la destination dépend du pays importateur ainsi qu’un nouveau vol par semaine sur Tana sur une base pilote. À ce jour, la MEXA chiffre à 100 tonnes le volume de fret aérien par semaine. 

Fortement endettée, malgré les Rs 9 milliards du gouvernement budgétées pour l’année fiscale 2020-21 pour sauver Air Mauritius, celle-ci peut-elle prendre encore des risques pour opérer à perte dans la filière fret ? Des questions auxquelles se posent des spécialistes et autres observateurs. Cela d’autant plus que conformément au nouvel Air Freight Rebate Scheme, les exportateurs ne paieront que 80 centimes d’euros par kilo, soit Rs 37,60, ce qui constitue un rabais de 60 % contre 40 % antérieurement à partir du 1er novembre prochain. Ce qui était plus ou moins le coût du fret imposé aux exportateurs avant le confinement. 

Une baisse qui ne peut que réjouir les opérateurs. «Tout support pour abaisser le coût du fret, qui a fortement augmenté depuis le début de la crise, est le bienvenu. Par contre, le plus gros problème restera la non-disponibilité de la capacité de fret. Cela ira en s’accentuant avec la saison d’exportation de fruits, les produits périssables ayant priorité sur le textile», soutient Eric Dorchies. 

Certes, le gouvernement interviendra pour régler tout manque à gagner pour MK suivant l’application de ces nouvelles mesures de logistique. Pour le moment, la MEXA y voit une visibilité à court terme sur les exportations, soit d’ici décembre 2020, estimant que ces nouvelles mesures de soutien vont durer jusqu’à cette période, le temps que le tandem Sattar Hajee Abdoula /Arvind Gokhool soumette le Business Plan pour assurer un redécollage d’Air Mauritius. 

Renganaden Padayachy sait très bien que sa marge de manoeuvre est limitée face à une crise qui risque de durer au-delà de 2020. L’économiste Swadicq Nuthay trouve que, sans des mesures de relance pour booster l’exportation, le gouvernement pourrait se retrouver face au dépôt de bilan de plusieurs sociétés, celles-ci étant incapables d’honorer leur carnet de commandes. Conséquence, une vague de licenciements entraînant une crise sociale à l’horizon. D’autres pourraient emboîter le pas à Esquel Ltd.