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Reportage: ils ont la... banane malgré tout

3 novembre 2020, 10:48

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Reportage: ils ont la... banane malgré tout

Bananes est le plus petit village en termes d’électeurs avec 550 inscrits au registre de la Commission électorale. Il est aussi parmi les quatre villages, qui ont eu un nombre moins élevé de candidats, soit 18, à l’issue du Nomination Day, samedi.

Bananes est niché près du Midlands Dam

Contrairement au nom donné au village, ce ne sont pas des bananiers qui pointent le bout de leurs feuilles à l’entrée de la petite agglomération nichée mais plutôt de grands ravenalas ou si vous préférez, l’arbre du voyageur. C’est en poursuivant la route vers les quelques rares habitations qu’on aperçoit des bananaraies ici et là. D’ailleurs, un peu plus loin, un villageois a mis en vente des «lamin» de petites bananes «zinzli» devant sa porte. En cette mi-journée de mercredi dernier, le temps semble s’être arrêté ici. Trois femmes laboureurs rentrent du champ à pas lents. On avance. Sous la terrasse du Multipurpose Complex du village, des ouvriers chaussés de bottes, se prélassent à même le sol. Ça doit être l’heure de la pause pour ces derniers, qui ont été dépêchés à Bananes pour le remplacement des tuyaux de la Central Water Authority (à voir le trou béant et les tuyaux à poser le long de la seule route desservant le village à proximité). Sobha Beeharry, propriétaire de Royal Store et restaurant, timide mais souriante, accepte de nous raconter son village adoptif, où cette native du Nord de l’île a déménagé après son mariage, il y a 25 ans. Voilà deux ans que la petite boutique qu’elle gère avec la famille a connu une transformation dans un plus grand emplacement. «Bananes est un village tranquille où la majorité des habitants sont des laboureurs. Hormis le Domaine de la Grave qui attire des visiteurs, mes enfants n’arrêtent pas de me parler d’un manque cruel de loisirs pour les jeunes ici.» De poursuivre que les seuls visiteurs d’autres coins du pays ou d’ailleurs (avant la pandémie du Covid-19) se rendent à Bananes pour visiter le Domaine de la Grave, y assister à un mariage ou autre événement ou pour chasser.

Le barrage d’Eau Bleu

L’autre attraction du village mais qui est plutôt méconnue est le barrage d’Eau Bleu. Il est situé à l’autre extrémité de la bourgade, en face du terrain de foot, qui, lui, a été laissé à son sort, avec des herbes hautes. Par contre, le barrage est un site clôturé et sécurisé car il abrite une centrale hydroélectrique du Central Electricity Board (CEB) inaugurée le 24 janvier 1962. Selon le gardien rencontré sur place, on peut accéder au site qu’avec un laisser-passer qu’émet le bureau du CEB à Curepipe. Ceux qui ont eu l’occasion d’y accéder, parlent d’un vaste plan d’eau exceptionnel, bordé d’arbustes fleuris.

«Dilo arete 6 zer»

Plus de dix jours que la fourniture d’eau est interrompue de 6 heures à 19 heures au village. La raison officielle serait le remplacement des tuyaux. Pendant ce temps, les habitants, pour la grosse majorité n’ont pas de réservoir d’eau. Au Domaine de la Grave, le propriétaire s’est, lui, vu contraint d’acheter des citernes d’eau d’un particulier pour pouvoir accueillir les invités d’un mariage pendant trois jours de festivités.

Le barrage d’Eau Bleu

Bananes serait, en effet, un village perdu sur la carte de Maurice sans le Domaine de la Grave. Ce lieu est prisé pour sa faune et sa flore par ceux en quête d’une bonne bouffée d’air frais après une semaine bourdonnante en ville. D’habitude, le domaine est aussi un site privilégié pour les mariages et du team building. Sauf que le Covid-19 n’a pas épargné les affaires du propriétaire et gérant, Gilbert Quéland. «La situation est bien difficile. Pendant quatre mois, pas un sou n’est entré dans la caisse. Il est vrai que nous avons une petite aide du gouvernement. Mais ce n’est pas évident.» Certes, avoue-t-il, cela a commencé à «rebouger un peu» depuis deux mois. D’ailleurs, Gilbert Quéland nous montre des chaises empilées les unes sur les autres, soulignant avoir accueilli un mariage hindou durant trois jours au cours du week-end écoulé. Gilbert Quéland raconte que les huit emplois, tous occupés par des gens du village, ont été préservés jusqu’ici. «Mais notre gros casse-tête reste le boni de fin d’année. Est-ce que le gouvernement va nous aider pour le payer, surtout que ce moment arrive à grands pas ?»

Le gardien Soobana et ses chiens

Il s’appelle Ramma Soobana. «Wi, kouma biskwi Subana», ne manque pas de narguer l’octogénaire rencontré sous un soleil de plomb, en pleine rue à l’entrée du village. Accompagné de ses trois chiens, ce gardien de 80 ans arpente, torche à la main, cette rue matin, midi et à chaque fois que le devoir l’appelle, pour aller prendre «reading dilo». Depuis six ans, cet ancien sirdar, qui a exercé pendant 44 ans pour le compte de «tablisman» Riche-en-Eau, préfère s’occuper à surveiller des pompes à eau que de rester à la maison «kot kamarad pou vinn rod mwa pou al laboutik». «Laz monn arive ou trouve mo pa bizin servi linet. Mwena de garson, de lakaz parski mo pann anvi mo de belfi ress dan mem lakaz, de arpan kann ek tank ki kapav mo pou travay», livre ce villageois, tout sourire. Quant à ses trois compagnons, ils ne quittent pas Ramma Soobana d’une semelle depuis que ce dernier leur a donné à manger la toute première fois. Depuis, ils l’ont adopté. Et vice-versa.