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Le vaccin Pfizer contre le Covid-19 relance le débat sur les singes mauriciens comme cobayes

11 novembre 2020, 13:45

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Le vaccin Pfizer contre le Covid-19 relance le débat sur les singes mauriciens comme cobayes

Encore une fois, Bioculture, compagnie locale qui élève et exporte des singes pour la recherche médicale, est sous les feux des projecteurs. Mais cette fois-ci, c’est à cause du Covid-19… Quel lien entre la pandémie qui a fait plus de 1 200 000 morts et cette compagnie de Rivière-des-Anguilles ?

Depuis l’annonce de Pfizer et BioNTech en début de semaine sur l’imminence d’un vaccin contre le Covid-19, la flamme de l’espoir d’un retour, même partiel, à la normale dans le monde a été rallumée. Les deux laboratoires travaillent sur le vaccin depuis février et les tests ont été effectués sur des singes importés de Maurice.

«Je n’ai pas le chiffre sur le nombre de singes à longue queue qui ont été utilisés pour les recherches mais il faut se focaliser sur le plus important, nos singes ont servi à trouver le vaccin», avance Nada Padayatchy, un des responsables de Bioculture.

Avant de parler des polémiques entourant l’utilisation des animaux dans la recherche, Nada Padayatchy souligne que plusieurs laboratoires à travers le monde préfèrent les singes de Maurice. «Nos macaques, contrairement à ceux de la même famille du Vietnam ou du Cambodge, par exemple, sont en bonne santé. C’est un point fondamental car les résultats obtenus ne sont pas faussés par des ‘artefacts’. De plus, il y a aussi la santé du personnel qui est en contact avec eux», dit-il. Sans oublier que ces singes ne sont pas indigènes, et la question de les enlever de leur habitat naturel ne se pose pas. Finalement, le responsable affirme que Bioculture a toutes les accréditations qui garantissent que les animaux ne sont pas maltraités.

Mais bien traités ou pas, les animaux utilisés dans la recherche ont toujours fait débat. «Ces animaux aident les humains. Nous serons les premiers à célébrer le jour où la recherche pourra se passer des animaux, mais nous n’en sommes pas encore là», avoue Nada Padayatchy. Mais n’y a-t-il pas d’alternatives ? Pas pour le moment, répond-il.

De la coupelle de Petri aux vivants

Nada Padayatchy explique que pour les recherches, après la phase des petri dish et éprouvettes, il faut tester les molécules sur les êtres vivants. Pour l’heure, les lois prévoient l’usage de deux animaux et ce sont les souris et singes qui sont utilisés comme cobayes.

Au-delà du vaccin annoncé par Pfizer et BioNTech, une douzaine d’autres laboratoires sont dans la course, et tous utilisent les mêmes méthodes. «Mais il n’y a pas que le vaccin. Tous les autres traitements contre le Covid-19, y compris les testkits, sont passés par l’étape de la recherche sur les animaux. On ne peut pas s’en passer.»

Au fur et à mesure que la science évolue, dit le responsable, le nombre d’animaux utilisés est réduit. L’année dernière, la Dr Cindy A. Buck- master, présidente de la Texas Society for Biomedical Research d’Americans for Biomedical Progress et de la National Animals Interest Alliance, avait déclaré qu’il y a l’espoir de remplacer les animaux dans certains domaines d’ici 2035.

Devoir moral

Pour en revenir aux manifestations et critiques, Nada Padayatchy fait ressortir, encore une fois, qu’empêcher la recherche sur les animaux équivaudrait à condamner des milliers de patients qui souffrent de plusieurs maladies pour l’heure incurables. «Vous savez, nous avons un devoir moral envers ces animaux qui donnent leur vie pour nous. C’est pour cela que nous faisons tout pour qu’ils vivent dans les meilleures conditions.»

Et que se passe-t-il lorsque les singes sont emmenés en laboratoire ? Le protocole de recherche est très strict. Plus strict que le protocole pour les humains, affirme notre interlocuteur. «Certes, il y a des animaux qui doivent être euthanasiés car il faut des prélèvements sur les twissus cellulaires», concède-t-il.

Mais cela ne veut pas forcément dire que les animaux souffrent. Le Dr Cindy A. Buckmaster avait fait ressortir que les animaux sont anesthésiés en cas de douleur. De plus, des antibiotiques et antidouleurs leur sont administrés après chaque intervention et ils sont suivis pendant 24 heures.

Mr Love en visite

Il faisait partie du panel d’artistes qui avait participé à la campagne de Progress Science Mauritius contre l’utilisation des animaux dans la recherche médicale. Mr Love avait été invité par Bioculture pour une visite des lieux hier. «Je ne suis pas là pour faire les éloges de qui que ce soit, mais de ce que j’ai constaté, les animaux sont très bien traités», a-t-il déclaré, parlant en son nom personnel. «Il y a peut-être un manque d’informations sur comment les animaux sont élevés ici. Il faut vraiment voir le lieu avant de se faire une opinion.»

Questions à… Meera Appadoo, activiste du droit des animaux : «Une science sans éthique n’est que de la barbarie»

La fin justifie-t-elle les moyens?

Tout est une question d'éthique. Une science sans éthique n'est que de la barbarie. Les animaux subissent la cruauté à chaque étape : de la capture à l’élevage, du transport jusqu’aux laboratoires… Attention, il ne s’agit pas que des injections, comme certains le pensent. Des images d’implantation de crâne sur des singes mauriciens sont devenues virales à l’Institut- Max Plank en Allemagne. Le traitement est inhumain.

De plus, il y a des études et des statistiques qui démontrent que l’utilisation des primates dans la recherche n’est pas la solution. C’est même dangereux et donne des pré- dictions très peu fiables sur la sécurité des médicaments. Il ne fait pas oublier la toxicité des tests sur les animaux. L’exemple type est la recherche sur le VIH. Plus de 80 médicaments ont fonctionné sur les singes mais zéro sur les humains. Idem pour le cancer. Les rats ont été guéris depuis des décennies, mais les molécules ne fonctionnent pas sur les humains.

Quant au Covid-19, seul le temps nous dira si le vaccin sera efficace. Mais après, les scientifiques ont prévu l’émergence de virus plus mortels que celui-ci si nous continuons à abuser des animaux. Donc on fait quoi ? Ne serait-il pas préférable de mettre un terme à ce cercle vicieux maintenant et commencer à trouver des alternatives plus fiables ? La pandémie vient des animaux sauvages, et nous essayons de trouver une solution en utilisant des animaux sauvages ?

Est-ce qu’il existe des alternatives ?

Il y a les tests in vitro qui donnent des opportunités de réduire les opérations sur les animaux. Puis, il y a la bio-impression 3D ou encore, la croissance des tissus humains en laboratoire. Cela donnera de meilleurs résultats car il n’y a rien de plus proche de l’humain que les cellules humaines !

D’ailleurs, Moderna Therapeutics, une société qui travaille aussi sur un vaccin, emploie une nouvelle méthode. Au lieu d’utiliser une forme affaiblie du virus, elle travaille sur une copie synthétique du Covid-19 et les tests ont été effectués sur des volontaires dans un cadre très réglementé. Certes, la situation est alarmante et il faut trouver une solution rapidement, mais rien ne doit justifier la cruauté, surtout s’il existe des alternatives.