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Allégations de blanchiment d’argent: réticence des spécialistes financiers à se prononcer sur le cas Pravind Jugnauth

13 novembre 2020, 22:00

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Allégations de blanchiment d’argent: réticence des spécialistes financiers à se prononcer sur le cas Pravind Jugnauth

Officialisée le 1er octobre, l’inclusion de Maurice sur la liste noire de l’Union européenne (UE) et la grise du Groupe d’action financière (GAFI) pourrait-elle être prolongée ? Ce, après que des allégations de blanchiment d’argent ont été faites récemment dans la presse contre le Premier ministre et relayées au Parlement. Dans les milieux financiers, cette affaire est suivie de près. Toutefois, les responsables ne souhaitent pas ouvertement s’exprimer sur le cas Pravind Jugnauth. 

«Peut-on se baser sur des reçus, avec des montants même dépassant Rs 350 000 ou plus, comme le stipule la loi contre le blanchiment d'argent, pour conclure qu’il y a eu un délit financier ? Lorsqu’on a un reçu, on peut avoir payé cash ou par virement bancaire. Il faut qu’on arrive à tirer tout cela au clair pour établir s’il y a eu un délit de blanchiment d’argent», explique le directeur d’une société opérant dans le Global Business et qui a requis l’anonymat. 

Shahed Hoolash, Chairman de l’Association of Trusts and Management Companies (ATMC), explique, de son côté, qu’il ne détient pas d’informations spécifiques qui lui permettent de commenter ce cas. Cependant, avance-t-il, «je ne crois pas que cela aura un quelconque impact sur le processus engagé par les autorités depuis l’année dernière pour extirper Maurice de la liste des pays à risques du GAFI». 

L’un des reçus qu’aurait émis BASE après un paiement de Rs 500 000 cash du Premier ministre.

Pour le moment, le Premier ministre n’a pas encore éclairé l’opinion publique sur cette nébuleuse affaire d’Angus Road, révélée par le leader du Reform Party, Roshi Bhadain, il y a trois mois lors d’un meeting à Chemin-Grenier. Pravind Jugnauth s’est contenté de répéter dans ses sorties socioculturelles ces derniers jours qu’il prépare actuellement un dossier en compilant des «preuves» et que le public jugera sur pièce ce qu’il avance. En s’attaquant à l’express, qui a été le premier quotidien à publier des documents authentifiés, et les politiciens qui ont véhiculé ces informations. 

Zones d'ombre 

D’autre part, des observateurs soulignent que le plus tôt Pravind Jugnauth viendra laver son honneur en s’expliquant sur toutes les zones d’ombre de la saga Angus Road, le mieux ce sera pour le pays et pour son image de Premier ministre, lui qui se vante sur tous les toits d’être un homme d’honneur et de principe. «Il faut que des enforcement bodies comme l’ICAC soient libres d’enquêter en toute indépendance sans aucune contrainte même s’il s’agit du Premier ministre. Il y va de l’image qu’on souhaite projeter de Maurice à l’échelle régionale et mondiale.» 

Certes, il existe une différence entre l’implication alléguée d’une quelconque haute personnalité politique d’un pays dans une transaction financière et l’inclusion d’une juridiction sur la liste grise du GAFI. Dans le premier cas, il s’agit d’une situation qui doit être examinée par les instances judiciaires du pays où le délit financier aurait été commis. 

Or, dans le deuxième, il s’agit de la conclusion d’une enquête réalisée par les experts d’une organisation mise sur pied par le G7, les pays les plus influents du monde, mais regroupant 37 membres et dont le but consiste à détecter toute forme d’activité associée au blanchiment d’argent et qui est susceptible de dérégler le système financier des pays concernés. 

L’exemple de l’Inde donne un aperçu de la différence entre ces deux approches. Jusqu’ici, aucune instance de l’Inde, pays ami de Maurice, n’a officiellement prêté foi aux allégations faites à l’encontre de Pravind Jugnauth. En revanche, tel n’a pas été le cas par rapport à la présence du centre financier mauricien sur la liste grise du GAFI. Car, sur ce sujet, la Grande péninsule n’a pas fait de cadeau à Maurice. 

En effet, une directive de la Reserve Bank of India, émise en octobre, en atteste. Celle-ci fait comprendre l’importance qu’elle accorde à la décision du GAFI lorsqu’il décrète qu’une juridiction n’a pas opéré selon les normes établies en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. 

D’après cette directive, la Banque centrale indienne annonce qu’elle objectera à l’émergence de toute nouvelle société dont la création résulte de l’investissement direct de devises étrangères en provenance de Maurice. Comme explication, elle soutient que cette posture à l’égard de la juridiction mauricienne s’applique à tout pays dont le mode de fonctionnement est en violation des normes instituées par le GAFI.