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Ces Bangladais «traser» sur tous les fronts
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Ces Bangladais «traser» sur tous les fronts
La vie des travailleurs bangladais à Maurice ne peut être résumée en un seul mot. Une bonne partie d’entre eux vous diront qu’ils sont sous l’emprise de l’esclavagisme moderne alors que d’autres moins nombreux vous raconteront à quel point leur vie s’est améliorée depuis qu’ils ont foulé le sol mauricien.
Ridwan, 34 ans, est l’un des rares à pouvoir s’identifier aux deux scénarios. En 2016, à 30 ans, il arrive à Maurice avec des rêves plein la tête et surtout après s’être laissé convaincre par les promesses d’un faux agent recruteur. «Comme mes compatriotes, je rêvais de voyager, de travailler dans un pays où je percevrai suffisamment d’argent pour nourrir ma famille. Je voulais apporter ma contribution pour que mes parents puissent vivre bien et que mon fils de huit ans ait une bonne éducation au Bangladesh.»
Mais à peine quelques jours après son arrivée, c’est la désillusion. «J’ai eu un travail dans une usine de textile dans l’Est avec un salaire inférieur à ce que je percevais dans mon pays. Sapna mera chakna choor ho gaya (Mon rêve s’est brisé en mille morceaux)». Le pire est à venir pour le jeune homme. Le logement où il est placé est loin de satisfaire les normes d’hygiène et de salubrité. «Je vous aurais envoyé une photo mais je l’ai supprimé car elle me rendait malade. Nous étions quatre ou cinq à occuper une petite pièce sans lit. Je n’ose pas vous décrire l’état des toilettes et des salles de bains.» Pour ajouter à sa peine, son patron rend sa vie amère. «Il se mettait en colère, me menaçait si je réclamais mon salaire. Il a même envoyé un groupe de bouncers pour me frapper mais j’ai pu m’enfuir.»
En mai de cette année, soit après une nette dégradation des conditions de vie pendant les mois de confinement, Ridwan, décide de quitter son emploi et a porté plainte au siège du ministère de Travail. «Je n’avais que Rs 1100 par mois pour subvenir à tous mes besoins». Heureusement pour lui, la chance lui sourit et il trouve un autre emploi dans une quincaillerie à Brisée-Verdière. «Mon nouveau patron est un homme bien et il me traite comme un humain. J’ai un salaire de Rs 15 000 et il y a des jours où il m’invite à déjeuner ou à dîner chez lui.» Il cherche maintenant un autre emploi pour son frère cadet, employé dans la même usine et faisant face au même calvaire. «S’il n’était pas là-bas, j’aurais porté plainte.» Ridwan attend désormais de compléter une année de travail avant de pouvoir retourner au Bangladesh. «Ma femme, mon fils et mes parents me manquent énormément.»
Mansour Khan, 28 ans, est lui originaire du village de Kafurkati au Bangladesh. Pour arriver à ses fins, il cumule trois boulots depuis cinq ans. Dans la journée, il est employé chez un couple âgé et la nuit, il s’occupe d’une supérette à Coromandel. Il explique que, le week-end, il s’attelle à couper l’herbe dans le voisinage. «Je n’ai pas le choix. Bizin trasé. Je dois envoyer de l’argent à mes proches. Ils comptent sur moi financièrement.» Avec réticence, il évoque l’état de son dortoir à Chebel. «Mes amis me disent que leurs chambres sont plus sales, donc je préfère ne pas me plaindre.» Le jeune homme dit toutefois espérer travailler encore longtemps ici. «J’aime beaucoup votre pays en général. Sinon je n’aurais pas pu rester si longtemps.»
Jane Ragoo, du CTSP, concède que les conditions de vie des travailleurs étrangers ne se sont toujours pas améliorées malgré l’assurance donnée par les autorités. «Il y a des patrons, surtout dans le secteur de la construction, qui traite leurs travailleurs bien mais beaucoup ont une mauvaise mentalité. Ils refusent de changer la condition de leurs travailleurs. Nous allons voir le ministre du Travail mais certains problèmes ne changent pas. Nou res atan.»
Champa implore le ministre du travail d’honorer ses paroles
<p> Les images de Champa Rani en larmes sont toujours vives dans les mémoires, neuf jours après l’accident qui a coûté la vie à son frère, Sonchoy Das, 23 ans. Le 22 novembre, le corps sera rapatrié au Bangladesh mais Champa attend toujours son billet pour accompagner la dépouille de son frère. Elle explique qu’elle a eu l’assurance du ministre du Travail le jour de l’accident mais depuis, ses appels restent sans réponse. C’est en larmes qu’elle s’est confiée à <em>«l’express</em>». <em>«Les gens me disent que le ministre a parlé sous le coup de l’émotion et que ce sera difficile. Mais dites-moi comment je peux laisser mon frère partir ainsi ? Ma mère est seule là-bas. Comment va-t-elle faire ?»</em> Champa est employée dans une usine du Nord de l’île. Son employeur lui a donné congé mais ne paiera les frais de quarantaine à son retour. «<em>Je ne demande pas un centre cinq-étoiles. Je suis prête à suivre tous les protocoles mais je n’ai pas les moyens. Aidez-moi s’il vous plaît.»</em></p>
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