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Chômage: le Wage Assistance Scheme n’est pas le (seul) sauveur
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Chômage: le Wage Assistance Scheme n’est pas le (seul) sauveur
13 135. C’est le nombre de licenciements rapportés au ministère du Travail de janvier à septembre. Le ministre de tutelle, Soodesh Callichurn, a déposé un document en ce sens à l’Assemblée nationale, mardi. Fait notable : les pertes d’emploi durant les neuf premiers mois de 2020 représentent une augmentation de plus de 25% en comparaison aux douze mois de 2019.
Le gouvernement se réjouit qu’il arrive à stabiliser les chiffres malgré la situation économique difficile avec le Covid-19. Lors d’une conférence de presse aux côtés de Soodesh Callichurn, le mercredi 11 novembre, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, a une nouvelle fois déclaré que «cette crise (du Covid-19) est en train de détruire l’emploi partout dans le monde. Nous, on fait tout pour (le) maintenir et créer de l’emploi. Et c’est pour cela qu’on est venu avec une série de mesures avant et pendant le Budget. À savoir le Wage Assistance Scheme (WAS) et le Self-Employed Assistance Scheme (SEAS).» Est-ce que ce chiffre aurait pu être plus conséquent sans le WAS?
Sollicité, le président de la Confédération des travailleurs des secteurs public et privé (CTSP), Reeaz Chuttoo, af- firme que c’est surtout le règlement émis par le ministère du Travail qui a contribué à contenir ces chiffres. À savoir, les Workers Rights (Prescribed Period) Regulations 2020, qui prévoient que, du 1er juin au 31 décembre, les entreprises ne peuvent réduire temporairement ou en permanence la main-d’œuvre. «En l’absence de ce règlement, le chiffre du chômage aurait doublé, voire triplé. Et celui-ci est soutenu par le WAS. Cela dit, en dépit de ce règlement, des entreprises ont eu recours au licenciement. Notamment celles qui ont moins de quinze employés. Si ces sociétés ne font pas de profit, on ne peut pas les empêcher de se mettre sous administration. Il y a aussi celles qui se sont volontairement mises sous administration afin de pouvoir licencier. Ce sont des sociétés qui ne veulent pas attendre jusqu’à décembre et qui vont, pendant les deux à trois ans à venir, utiliser l’emploi précaire.»
Au niveau de la CTSP, on estime que le gouvernement doit maintenir le règlement interdisant le licenciement. «Il faut prolonger la période jusqu’à mars 2021, au moins. Ensuite, on verra s’il faut l’étendre de nouveau, dépendant de la situation. Puis, l’État a aussi annoncé la création de 22 000 emplois. L’État pourrait aussi s’inspirer de l’Assemblée régionale de Rodrigues qui ferme la pêche de l’ourite pendant trois mois. Et les pêcheurs sont alors recyclés dans d’autres domaines. À Maurice, des employés de l’hôtellerie bénéficient d’un salaire mais ne travaillent pas. On aurait pu les mettre à la culture du moringa, du curcuma, du girofle chez eux. L’Agricultural Marketing Board aurait pu leur acheter ces produits», propose Reeaz Chuttoo. Il laisse entendre que ce chiffre sur la perte d’emploi s’explique aussi par le fait que des chômeurs se sont inscrits comme self-employed afin de bénéficier du SEAS.
Également sollicité, l’ancien ministre du Travail, Shakeel Mohamed, dit ne pas partager l’avis du gouvernement. «Nous serions coupables de naïveté si nous pensons que ces chiffres reflètent la réalité. Le ministère comptabilise les personnes qui sont allées porter plainte, alors que beaucoup d’employés licenciés ne se rendent pas au bureau du travail.» Pour ce dernier, le WAS n’est qu’une solution à court terme et «fragilise» les entre- prises. La preuve avec Cash n Carry qui se retrouve sous administration volontaire (voir ci-contre). «Bien sûr, Maurice n’est pas le seul pays affecté par le Covid-19 mais contrairement aux autres, le gouvernement n’a pas de vision à long terme. Il ne veut que faire croire que tout va bien.» Le député travailliste estime qu’il est important d’identifier des «créneaux demandeurs», comme la santé. «Il est possible de reconvertir les jeunes dans ces domaines où il y a même une demande au niveau international. On ne peut continuer avec les vieilles habitudes.»
Une source au sein du ministère du Travail affirme, pour sa part, que les chiffres ne sont pas trompeurs. Au contraire, cela démontre que les mesures du gouvernement sont efficaces. «Nous ne traversons pas une période normale. C’est malheureux que les gens oublient qu’il y a eu un confinement.» Notre interlocuteur estime également que c’est une bonne chose que les entreprises ne peuvent licencier, faute de quoi elles ne bénéficieront plus de WAS. «Je ne perçois pas cette aide comme un chantage. C’était une nécessité bien avant le Covid-19».
En chiffres au 10 novembre 2020
<p>Un montant de RS 10,5 milliards a été payé à 273 524 employés sous le <em>Wage Assistance Scheme.</em> La somme de Rs 2,5 milliards a été déboursée à l’intention de 203 585 personnes inscrites comme «self-employed».</p>
De janvier 2017 à septembre 2020
<p><strong>Les 42 174 cas décortiqués </strong></p>
<p>Nombre réintégrés à leur poste : 1 051<br />
Nombre de plaintes résolues à l’amiable : 12 348<br />
Nombre de licenciés enregistrés sous le Workfare Programme : 25 028 (Rs 1,7 milliard déboursées en guise de paiement du Transitional Unemployment Benefit)<br />
Nombre de cas référés à la cour industrielle : 3 384<br />
Nombre de cas toujours à l’étude au niveau du ministère du Travail : 363</p>
Aurélie Marie de Myjob : «70 000 candidats pour 575 offres»
Interrogée par «l’express», Aurélie Marie, Head of Recruitment & Communication chez Myjob.mu, dit être partie prenante de toutes les initiatives qui permettront d’aider les demandeurs d’emploi. «Notre mission est avant tout de réunir le maximum d’offres disponibles sur le marché sur une seule et même plateforme, accessible, gratuite à tous. Nous sommes approchés par les chômeurs et comprenons l’urgence de la situation.» Justement, quelle est la situation du chômage à Maurice? Est-elle inquiétante? «Le taux de chômage va certes drastiquement augmenter. Nous le ressentons déjà à travers les données de notre site. Au mois d’octobre, nous avons connu le taux le plus élevé de visites et de candidatures envoyées via notre plateforme en ligne.» Selon elle, les candidats qui sont actuellement en poste et se sentent menacés pour l’année prochaine, prennent les devants afin de décrocher un autre job. Les secteurs les plus affectés par le chômage sont l’hôtellerie, le tourisme, l’aviation, le textile, la restauration et les Petites et moyennes entreprises. «Les compagnies ne parviennent plus à honorer le loyer, les salaires et maintenir un niveau correct de trésorerie.» Aurélie Marie explique que plus de 70 000 candidats sont en demande d’emploi pour 575 offres. «Peu d’entre eux auront leur chance. Mais nous continuerons à poster les offres de postes vacants, à conseiller les candidats et faciliter l’exercice de recrutement des entreprises en ligne.» Julie Kervaut et Melissa Doolaub de CareerHub expliquent, elles, qu’«en règle générale, il y a beaucoup plus de personnes disponibles immédiatement. Beaucoup d’appels se ressemblent, avec une phrase qui revient régulièrement: “j’ai perdu mon emploi à cause du Covid”. Nous n’avons pas de chiffre mais c’est inquiétant. Il y a également beaucoup de profils qui sont encore en poste mais qui ont déjà vu leur salaire impacté et se renseignent sur de prochaines opportunités car ils ont peur d’être licenciés dans les semaines/ mois à venir. Ceux qui sont impactés sont les employés du tourisme et les personnes indépendantes qui avaient leur propre business. Très peu de domaines ont été épargnés.»
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