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Entreprises en difficulté: Créanciers vs employés, redéfinir les priorités
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Entreprises en difficulté: Créanciers vs employés, redéfinir les priorités
Elles font l’actualité. Ces entreprises, à l’instar de PAD CO, ou encore Cash n Carry, qui se retrouvent aujourd’hui en eaux troubles. Certaines sont victimes des retombées économiques du Covid-19 alors que dans d’autres cas il s’agit simplement de mauvaise gestion. Aujourd’hui, des termes qui mettent en exergue la mauvaise santé financière des entreprises sont légion. Ils vont de l’administration volontaire à l’administration judiciaire ou encore au contrat de tutelle (conservatorship) en passant par la liquidation. Une question se pose alors que le spectre du chômage plane, encore et toujours, sur la tête des Mauriciens en ce temps de pandémie : qui des créanciers ou des employés ont la priorité dans cette situation ? Avis des experts.
«Pour commencer, une entreprise est placée sous administration volontaire quand les directeurs ne peuvent plus faire fonctionner la compagnie ; ils se retrouvent avec un problème de solvabilité et de liquidités face à leurs dettes et doivent donc se placer sous administration volontaire. Leurs directeurs seront personnellement tenus pour responsables s’ils continuent d’opérer dans ces conditions. Dans ce contexte, le sort de l’entreprise est placé entre les mains d’administrateurs et le conseil d’administration de l’entreprise s’en retrouve caduc. L’administrateur est responsable de préparer un plan de sauvetage pour l’entreprise et, bien évidemment, de régler les dettes de tous les créanciers, qu’elles soient garanties ou pas», explique Afsar Ebrahim, directeur exécutif de Kick Advisory Services.
Il poursuit : «Une entreprise est mise sous séquestre (receivership) quand la banque décide que la compagnie n’est plus solvable. Le rôle du liquidateur (receiver manager) est de trouver un acquéreur pour rembourser les créanciers. En ce qui concerne les employés, la priorité est clairement définie. La majorité des fonds recueillis va aux créanciers garantis car souvent la dette est très élevée. Il faut rembourser d’après la loi sur l’insolvabilité (Insolvency Act) et parfois, il ne reste pas beaucoup pour compenser les employés ; et c’est souvent pire pour les créanciers non garantis qui ont eux aussi pour- tant beaucoup aidé l’entreprise.»
Dans le cas où les dés sont jetés et que les entreprises mettent la clé sous la porte, les actifs de la compagnie sont vendus pour rembourser les dettes aux créanciers, incluant les dettes contractées auprès de l’État pour taxes non payées. Dans ce cas précis, quel sera le sort des employés ? «Quand un administrateur prend la relève, c’est difficile avec le cadre légal de sauver une entreprise. Par exemple, l’administrateur doit licencier la totalité des employés ou personne, ce qui, en fait, réduit la marge de manœuvre des administrateurs pour sauver quelques emplois. C’est un drame humain car la perte d’un emploi a des conséquences pour toute une famille. La situation n’est pas simple pour l’administrateur ; il y a les intérêts des créanciers, des employés et même des travailleurs étrangers en jeu dans certains cas», déclare Afsar Ebrahim.
Salaires impayés
Créanciers versus employés, que dit la loi ? Pour l’instant, les créanciers ont la priorité sur les employés, selon la loi. «La quatrième annexe de la loi 2009 sur l’insolvabilité d’une entreprise traite du classement pour le remboursement des dettes avec en priorité les créanciers en cas de liquidation d’une société. Ensuite, il y a les frais de liquidation», explique Dev Erriah, avocat spécialisé dans l’offshore. Selon lui, le deuxième créancier en ordre de priorité est le gouvernement et ses institutions qui s’occupent de la taxe. Troisièmement, il y a les salaires des employés. «Donc les employés passent juste après les créanciers super-privilégiés, le liquidateur, et le fisc dans son ensemble.»
Dans le cas d’une mise sous séquestre, le liquidateur est nommé et, une fois les procédures lancées, il faut régler les dettes aux créanciers alors que la dernière étape est le licenciement des employés. «Il faut bien faire la distinction entre une liquidation et un redressement judiciaire. Dans le second cas, les objectifs sont de tenter de sauver l’entreprise et régler les dettes avec les créanciers. Si les administrateurs ne peuvent pas payer ces dettes, il faut alors nommer un liquidateur.»
Pour Dev Erriah, les réclamations des salariés surtout pour les salaires impayés devraient être la deuxième priorité dans une certaine mesure. «Des provisions doivent être faites pour les employés en cas de liquidation à travers un fonds. À titre d’exemple, le paiement d’un tiers des salaires ou une moyenne de Rs 10 000 par année de service accumulé pendant cinq ans, donnerait Rs 100 000 par employé à titre de garantie et devrait être conservé dans un fonds. Il devrait y avoir une loi où même des créanciers contribuent à ce fonds.»
Pour mieux protéger les employés, les banques devraient aussi ne pas pouvoir liquider une entreprise si aucune indemnité n’est payée aux employés. «Pour éviter qu’une entreprise ne devienne insolvable, il faudrait introduire une infraction pénale d’abus de biens sociaux, en particulier, lorsque les dirigeants d’une entreprise avec la complicité de la direction utilisent l’argent de la compagnie pour acheter des voitures de luxe, par exemple, mais mettent ensuite la clé sous le paillasson. Lorsque des entreprises contractent un prêt dans un but précis, le prêteur doit veiller que l’argent soit utilisé pour le bien de l’entreprise et non pour des bénéfices personnels», tient à préciser Dev Erriah.
Une chose est sûre, quelques changements aideraient, dans certains cas, à protéger davantage les employés face à un abus de leur employeur.
Rajeev Basgeet: «La direction des entreprises doit être proactive pour gérer les risques»
Dans le cas d’une compagnie mise sous administration volontaire, quel est le rôle de l’administrateur ?
L’objectif principal d’un administrateur est d’essayer de sauver et de réhabiliter une entreprise. Il s’agit d’un processus conçu pour aider les entreprises qui se heurtent à des difficultés ou qui risquent de devenir insolvables. Une administration offre également l’occasion de procéder à un examen des activités pour cerner les défis auxquels l’entreprise est confrontée et de proposer un plan de sauvetage.
Dans le contexte du Covid-19, les risques de se retrouver dans cette situation sont-ils élevés ?
Les risques sont réels, mais l’ampleur de l’impact financier dépend du secteur. Des secteurs comme l’hôtellerie et l’aviation, le commerce de détail, et le secteur manufacturier sont certainement plus exposés. Le défi principal des entreprises touchées est de survivre à cette période d’incertitude.
Comment les entreprises peuvent-elles éviter ces problèmes ?
D’entrée de jeu, les administrateurs doivent savoir que lorsqu’une société n’est pas en mesure de s’acquitter de ses obligations financières à l’arrivée de l’échéance, ils sont tenus de convoquer une réunion du conseil d’administration pour déterminer s’il y a lieu de mettre l’entreprise sous administration ou de la liquider ; faute de quoi, la direction pourrait devenir personnellement responsable.
Dans le contexte économique actuel sans précédent, il est prudent que les directeurs adoptent une approche proactive pour gérer les risques. Cela signifie qu’ils devraient agir le plus tôt possible et prendre les mesures appropriées pour examiner leur situation financière avec l’aide d’un spécialiste en redressement et gérer les intérêts des créanciers et des intervenants. Une telle approche peut éviter la fermeture d’entreprises.
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