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Garantie bancaire de Rs 403 000 exigée : Agalega l’inaccessible

7 décembre 2020, 16:38

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Garantie bancaire de Rs 403 000 exigée : Agalega l’inaccessible

 

«Pa kapav ras nou drwa. Koumsa brital enn sel kou pé met sipa ki kalité lalwa.» Ce coup de gueule émane d’un porte-parole d’une centaine d’Agaléens qui ont manifesté samedi leur opposition à une série de décisions de l’Outer Islands Development Corporation (OIDC) concernant l’île du Nord (Voir plus loin). Ils étaient en direct sur WhatsApp avec le négociateur syndical Jack Bizlall, qu’ils ont sollicité pour plaider leur cause. Il est prévu que ce dernier écrive officiellement à l’OIDC en ce début de semaine avant un nouveau rassemblement à Agalega programmé pour demain, mardi.

Agalega, qui, depuis le début des travaux d’agrandissement de la piste d’atterrissage par l’Indien Afcons, est déjà difficilement accessible au Mauricien lambda, le deviendra encore plus. Seuls les Mauriciens pouvant produire une garantie bancaire de Rs 403 000 seront considérés pour un voyage dans l’archipel. Un véritable coup de massue annoncé aux côtés d’une série d’autres changements dans une notice émise par la direction de l’OIDC et affichée à Agalega le 3 décembre. Selon cette notice, les Rs 403 000 couvriront la période de séjour incluant tout déplacement du Dornier, seul moyen de transport aérien qui dessert Agalega, en cas d’urgence médicale.

S’il est compréhensible de noter une majoration de la demande de voyageurs mauriciens (dont certains partagent leurs photos de voyage sur les réseaux sociaux) pour Agalega depuis les restrictions de voyage dues à la pandémie du Covid-19, des Agaléens et Mauriciens ne digèrent pas ce qu’ils considèrent comme une atteinte à leur liberté de mouvement sur leur territoire. Outre les Rs 10 300 que coûte la traversée à bord du Mauritius Trochetia pour un passager mauricien, ce dernier devra aussi fournir une garantie bancaire de Rs 403 000. Hormis ceux qui peuvent se permettre un voyage à Agalega à bord d’un bateau de plaisance ou en jet privé, cette garantie bancaire n’est certainement pas à la portée de tous les Mauriciens.

Les autres changements

«Cette décision est illogique. J’ai des enfants à l’étranger et s’ils veulent venir nous rendre visite, ils doivent trouver cette garantie bancaire pour un voyage à Agalega qui pourtant appartient toujours à la République de Maurice», s’insurge un Agaléen. Ce qui a poussé des habitants d’Agalega qui ont participé à la mobilisation de samedi à se demander pourquoi cette décision ne s’applique pas également aux travailleurs indiens d’Afcons Infrastructure affectés aux travaux de construction d’une jetée et de la nouvelle piste d’atterrissage, qui couvre la moitié de la superficie de l’île du Nord et dont les travaux sont complétés à 75 %.

Notre interlocuteur ajoute qu’il ne pense pas que le bureau du Premier ministre (PMO) soit au courant, étant donné «qu’il est en train de donner plein d’avantages aux citoyens comme je vois à la télé». Mais le PMO a le contrôle sur les îles éparses et ne pas être au courant d’une telle décision d’un organisme sous sa tutelle serait le comble. Un autre renchérit que l’exigence d’une telle garantie bancaire pour visiter une île de la République ne fait pas honneur au pays, qui revendique sur la scène internationale la souveraineté sur les Chagos et le droit de retour des Chagossiens dans leur pays natal, à l’exception de Diego Garcia qui abrite la base militaire des Américains.

Avec un accord Maurice-Inde toujours classé confidentiel, ce qui se trame ne fait qu’alimenter le rapprochement entre Diego Garcia et ce qui se passera à Agalega, une fois l’entrée en opération de la nouvelle piste d’atterrissage et de la jetée construites et financées par l’Inde.

Tout voyage vers Maurice pour des besoins médicaux exige un certificat médical du médecin résident. Seul le patient bénéficiera d’un billet gratuit. Pour un patient mineur, un seul parent accompagnateur voyagera gratuitement. Si le patient est un employé de l’OIDC, il sera hébergé au siège de la corporation à Port-Louis, le temps de son traitement médical et jusqu’à son retour à Agalega. Une fois dans l’archipel, il devra reprendre le travail après avoir produit une attestation médicale. S’il ne reprend pas son poste, il sera considéré comme étant à Maurice pour des raisons personnelles. D’ailleurs à ce titre, il devra prendre ses congés pour cette période.

Justement, ceux qui viennent à Maurice pour des raisons personnelles ne comprennent pas les patients, les élèves du secondaire et du vocationnel ainsi que les étudiants à l’université. Le billet pour la traversée à bord du Mauritius Trochetia doit être payé entièrement avant l’embarquement. Le tarif, incluant la couverture assurance, est de Rs 4 300 pour un résident d’Agalega, et de Rs 10 300 pour un passager mauricien. Toutefois, le tarif que paie un passager agaléen ne s’applique pas sur le Mauritius Trochetia quand il est affrété par Afcons.

L’annonce de faire «du jour au lendemain» les résidents d’Agalega employés par l’OIDC payer leur voyage à bord du Mauritius Trochetia alors qu’ils bénéficiaient jusqu’à l’heure de billets gratuits provoque aussi la grogne. «C’est injuste puisque quand des policiers, infirmiers ou même des travailleurs indiens viennent travailler ici, c’est leur département respectif qui paye leur billet. Aujourd’hui, on veut nous priver d’un droit acquis depuis des années», déplore un porte-parole des Agaléens.