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Houriiyah Tegally: «Le variant du Covid davantage transmissible mais pas plus virulent»

15 janvier 2021, 11:00

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Houriiyah Tegally: «Le variant du Covid davantage transmissible mais pas plus virulent»

Depuis des semaines, un nouveau virus fait de l’ombre au coronavirus. Ce sont ses frères mutants, dont trois inquiètent la communauté scientifique : le 501Y.V2 de l’Afrique du Sud, le B.1.1.7 du Royaume-Uni et le P.1 au Brésil. Depuis qu’ils ont été découverts, les nouveaux virus ont déjà gagné du terrain dans plusieurs pays sur plusieurs continents. Sont-ils plus dangereux ? En quoi ces mutations sont différentes de la version «originale» ? Faut-il avoir peur ? Est-ce que Maurice est protégé ? Houriiyah Tegally, doctorante mauricienne en Bioinformatique et Virologie à l’université du KwaZulu-Natal et qui fait partie de l’équipe de recherche KwaZulu-Natal Research Innovation and Sequencing Platform (KRISP) qui a découvert la nouvelle souche en Afrique-du-Sud, donne plus de précisions.

Commençons par le commencement. En quoi le nouveau virus est différent de l’ancien ? 
Comme nous le voyons sur les illustrations, les virus ont des peplomères, qui sont des protein spikes. Ce sont ces structures qui permettent aux virus de s’attacher aux cellules du corps. Dans la nouvelle mutation, ce sont ces peplomères qui ont muté, ce qui permet au virus de s’attacher plus facilement.

Ce qui les rend plus dangereux ? 
La question se pose en deux parties. Le variant est plus transmissible que le premier car il est de nature différente. Donc, mathématiquement, plus de personnes seront infectées et il y aura plus de morts. Mais il n’est pas plus virulent que le premier. La seule différence est la facilité de transmission. 

Cependant, il ne faut pas le prendre à la légère. En laboratoire, nous avons constaté que ce virus peut échapper au système immunitaire. Ce qui veut dire que nos anticorps ne pourront pas le combattre. Le virus réagit moins bien aux anticorps naturels. Ce qui mène au problème de réinfection. C’était déjà le cas avec le premier virus, mais avec l’apparition du nouveau, les cas grimpent. Rien qu’au Brésil, deux cas de réinfection ont été recensés dû à un variant similaire. Quant à l’efficacité des vaccins, les analyses sont toujours en cours. Le vaccin couvre un plus large spectre, donc on a toujours de l’espoir.

Et Maurice ? Sommes-nous protégés ? 
Tant que tous les protocoles sont respectés, il n’y aura aucun risque…

…mais s’il est plus transmissible, il y a donc plus de risques de transmission dans les centres de quarantaine par exemple ? 
Oui, le risque est certes plus élevé, mais comme les frontières avec l’Afrique du Sud et l’Angleterre sont totalement fermées, le risque que le variant arrive ici est moindre. Mais le risque zéro n’existe pas, puisque ceux qui sont dans ces pays peuvent bouger vers d’autres pays et de là, atterrir à Maurice. (Voir hors-texte) Mais comme je vous le dis, si tous les protocoles sont respectés, il n’y aura pas de risque. Prenez l’exemple de l’Australie. Le nouveau virus a été détecté en Australie, et il y a eu un total lockdown de trois jours. Il suffit de prendre les bonnes décisions.

Est-ce que Maurice est équipée pour détecter la nouvelle souche ? 
Le test PCR détectera la présence du virus, mais ne dira pas s’il s’agit du virus d’origine ou d’un variant. Il faut absolument passer par le séquençage pour le détecter. (Voir hors-texte)

Revenons à votre travail. Comment est-ce que vous avez découvert le nouveau virus ? 
Notre équipe travaille sur le séquençage. Chaque semaine, nous décortiquons le code génétique du virus pour surveiller sa mutation et savoir s’il est grave ou pas. En octobre dernier, les cas à Eastern Cape en Afrique-du-Sud ont soudainement commencé à grimper alors que partout ailleurs, la situation était stable. En regardant de plus près, nous avons constaté que le virus a muté de manière grave. Nous avons alors alerté l’Organisation mondiale de la Santé qui a alerté tous les groupes travaillant sur le séquençage. 

C’est à ce moment que le Royaume-Uni, qui a des montagnes de données, s’est rendu compte que les choses ont pris une tournure similaire sur le territoire. Les cas augmentaient alors que le pays était en confinement. Ils ont commencé à analyser les mutations et ont découvert une nouvelle souche chez aux aussi.

Donc, l’Afrique-du-Sud et le Royaume-Uni ont chacun leur propre variant ? 
La mutation d’un virus n’est pas quelque chose d’extraordinaire. C’est naturel. À chaque fois qu’un virus se multiplie, il mute de manière aléatoire. Dans le cas de la deuxième souche, la théorie la plus probable est que les mutations sont survenues chez des gens qui étaient déjà immuno-déficients, donc il s’est dupliqué plus vite. Puis vous savez, par rapport à d’autres virus, le Covid-19 s’est répandu de manière incontrôlée dès le début, d’où les mutations très rapides.

 

 

 

Le ministère de la santé a déjà commandé le séquenceur

<p>Est-ce que Maurice est équipé pour détecter la nouvelle souche ? Nous avons posé la question à un préposé du ministère de la Santé. Pour l&rsquo;instant, non. Depuis l&rsquo;apparition du nouveau variant, des voyageurs venus d&rsquo;Europe et d&rsquo;Afrique ont été testés positifs en quarantaine à Maurice. <em>&laquo;Plusieurs échantillons ont été envoyés en Grande-Bretagne pour le séquençage. Nous attendons les résultats pour savoir de quelle souche il s&rsquo;agit&raquo;</em>, explique notre interlocuteur. De plus, le ministère a déjà octroyé le contrat pour l&rsquo;acquisition du séquenceur. Il devrait être à Maurice d&rsquo;ici quelques semaines.</p>