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Covid-19: vaccination, variant, des Mauriciens à l’étranger racontent

19 janvier 2021, 20:00

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Covid-19: vaccination, variant, des Mauriciens à l’étranger racontent

Les lits commencent à manquer au Royaume Uni. En Europe, c’est également le branle-bas de combat. L’Espagne, l’Allemagne, la France, tous s’inquiètent de la montée du nouveau variant. Les Mauriciens qui y exercent dans le milieu de la santé appréhendent la suite. À Maurice, on assure que le protocole «strict» continuera à être appliqué.

Depuis décembre, le monde découvre le «B117», aussi appelé le nouveau variant anglais. Quelque temps après, c’est l’Afrique du Sud, qui évoque un autre type de variant. Et récemment, le Brésil parle également d’une nouvelle souche du Covid-19, appelée le variant brésilien. Selon les scientifiques de l’institut Pasteur en France, ces trois différentes souches ne sont pas apparues en même temps, mais du fait qu’elles reçoivent une attention médiatique, tout le monde en parle. Sont-elles plus dangereuses ? Selon un article publié par le Centre for Mathematical Modelling of Infectious Diseases de la London School of Hygiene and Tropical Medicine, le variant anglais serait 56 % plus transmissible que les souches précédentes.

De quoi inquiéter ceux vivant en Grande-Bretagne, comme Sarah Panchoo Woozeer, qui exerce justement dans le milieu hospitalier. «La situation est chaotique. Il n’y a plus de place pour les admissions. Les files d’attente continuent à s’allonger car les gens viennent pour être soignés. Les ambulances attendent des heures avant de pouvoir déposer les patients. Les professionnels de santé travaillent d’arrache-pied. Mais il n’y a pas assez de lits dans les salles de soins intensifs.» Elle a la gorge nouée rien qu’à l’idée de voir toutes ces personnes mourir. «Jour après jour, le nombre de patients ne cesse d’augmenter. On enregistre au moins 1 000 décès chaque jour, uniquement au sein des hôpitaux.»

Pas voir leurs proches

Ce nouveau variant se révèle plus dangereux car il se propage plus rapidement que le virus initial, soutient notre interlocutrice. «On demande aux personnes de respecter les gestes barrières comme de porter des masques ou encore de garder une distance entre elles, mais beaucoup ne les suivent pas.» Ce qu’elle déplore également, c’est que les jeunes soient touchés par le «B117» et en décèdent. «Les proches ne peuvent malheureusement pas voir les membres de leur famille, qui sont morts des suites de la maladie. Le protocole reste le même. Plusieurs de ces personnes décédées ont aussi eu des complications de santé avec le nouveau variant.»

La crainte d’apporter ce virus chez elle en fin de journée la fait frémir. «Malgré l’utilisation des Personal Protective Equipment (PPE), la peur est présente. On prend plusieurs bains, on se protège mais la famille même émet quelques fois des doutes par crainte que la maladie n’intègre notre cercle.»

Peur de rentrer

C’est également le ressenti d’autres membres hospitaliers qui partagent le quotidien de Sarah Panchoo Woozeer. Prakash Dookhy éprouve la même chose. Basé en Irlande, il travaille dans les salles de l’Intensive Care Unit (ICU) de The Mater Hospital. Les cas de variant ont aussi atteint son pays d’adoption. «On retrouve entre dix à 12 cas à l’hôpital Limerick. Par contre, grâce au confinement imposé, les cas de Covid-19 ont diminué. Les gens ne peuvent dépasser les cinq kilomètres de leur résidence sinon ils risquent une amende de 100 euros (Rs 5 700). Mais il est vrai que quelques fois, on a peur de rentrer à la maison avec le Covid-19. Il faut redoubler de précautions.»

Par contre, en Chine, la situation est sous contrôle, avance le docteur Sumayyah Hosany. La chirurgienne, qui est basée à Wenzhou, confie que plusieurs cas du nouveau variant ont été détectés, émanant principalement de l’Angleterre. «Ce sont des étudiants, qui sont rentrés chez eux après avoir étudié en Grande-Bretagne. Mais jusqu’à preuve du contraire, tout est sous contrôle.» Elle relate que les régions à risque ont déjà débuté leur campagne de vaccination, alors que les autres régions peuvent s’inscrire pour être vaccinées. «Nous utilisons le CoronaVac, appelé précédemment PiCoVacc. Il émane du Sinovac Biotech et du New Crown Covid-19 de Sinopharm.»

Rapport sur des cas suspects

À Maurice, la situation est suivie avec beaucoup d’attention. Si les frontières restent fermées avec le Royaume-Uni et l’Afrique du Sud jusqu’au 31 janvier, le National Communication Committee (NCC) attend le rapport concernant certains cas «suspects» envoyés à l’étranger pour ana- lyse. On craint que parmi des cas recensés à Maurice, certains patients soient porteurs du nouveau variant. D’où les prélèvements effectués et expédiés en GrandeBretagne et en Afrique du Sud. «Nous n’avons rien reçu à ce stade. Il y a la crainte certes mais les dispositions sont prises pour la quarantaine», soutient le porte-parole du NCC, le Dr Zouberr Joomaye.

Interrogé sur le fait que plusieurs passagers ont transité par l’Afrique récemment, et si le gouvernement envisage des mesures plus strictes concernant ces derniers, Zouberr Joomaye répond que le risque est toujours là. «Notre protocole est déjà très strict. Il fait déjà provision pour ce genre de développement. Mais il n’y a pas de mesures additionnelles à cause du nouveau variant.»

Des compatriotes témoignent de la campagne de vaccination

Teeshma Gobardhun a été vaccinée au Canada.

Teeshma Gobardhun vit à Toronto, au Canada, depuis presque trois ans. Cette jeune femme, qui exerce comme analyste financière dans un organisme de soins de santé, est l’une des premières personnes au Canada à avoir reçu les deux doses du vaccin Pfizer au cours des premières semaines de 2021, en raison de sa profession parmi des personnes les plus vulnérables et les plus à risque. «La deuxième dose a été un peu inconfortable car j’ai ressenti de légers effets secondaires tels que des frissons et un gonflement», nous confie-t-elle. Se faire vacciner a été une priorité pour Teeshma Gobardhun en raison de la situation au Canada. Ce pays d’Amérique du Nord est maintenant au pic de la crise du Covid-19 et l’État de Toronto est en état d’urgence, n’autorisant que les voyages essentiels. «Je me sens bien et je recommande à tout le monde de se faire vacciner sans hésitation», conseille la jeune femme. «J’espère même que les gens s’abstiendront de faire de mauvais commentaires sur le vaccin.»

Dhinesh Dillum, accompagné de son épouse Yuneeshma Gobardhun Dillum, et de leur fils, Reyansh.

Dhinesh Dillum, qui vit au nord-ouest de Londres, en Angleterre, ne s’est pas encore fait vacciner. Cela dit, notre interlocuteur qui travaille comme Senior consultant en informatique confie que le Royaume-Uni a déjà commencé à déployer son programme de vaccination dans tout le pays, en donnant la priorité aux personnes âgées, aux personnes ayant des problèmes de santé sous-jacents et aux travailleurs en première ligne.

«Le Chief Medical Officer, Chris Whitty, a annoncé que les prochaines semaines seraient les plus difficiles», confie Dhinesh Dillum. «Mais il n’y a pas que de mauvaises nouvelles car les autorités réglementaires britanniques ont déjà approuvé deux vaccins, dont Pfizer et Oxford-AstraZeneca, et doivent maintenant accélérer leur administration.» Dhinesh Dillum espère que les vaccins seront administrés dès que possible à la population mauricienne.

Maurice à l’affût de quatre vaccins

Alors que les gouvernements à travers le monde s’activent pour accélérer leur campagne de vaccination, le gouvernement mauricien reste toujours en mode observateur. Aucune date n’a encore été fixée quant à un début éventuel de la campagne de vaccination au niveau local. Le Dr Zouberr Joomaye explique que les autorités mauriciennes ont déjà lancé des expressions d’intérêt pour quatre vaccins, soit celui de Pfizer-BioNTech, le Moderna d’origine américaine, le Spoutnik V, développé par l’institut de recherche Gamaleya de la Russie, et l’Oxford-AstraZeneca fabriqué en Angleterre.

Le Dr Zouberr Joomaye confirme, dans la foulée, que le controversé Covaxin, développé en Inde, ne figure pas encore dans le plan immédiat du gouvernement. «La controverse que vous mentionnez est uniquement dans la presse indienne et reprise au niveau local. Nous allons attendre d’avoir un premier rapport d’analyse avant de décider si une cinquième expression d’intérêt sera envoyée pour le Covaxin.»

En effet, la campagne de vaccination en Inde a débuté le samedi 16 janvier et repose notamment sur le Covaxin et le Covishield, tous deux produits par le Serum Institute of India. D’ici juillet, le gouvernement indien vise à inoculer l’un des deux vaccins à quelque 300 millions de personnes. Ce qui inquiète les observateurs indiens, c’est la rapidité avec laquelle les deux vaccins ont obtenu une «approbation d’urgence» au début de janvier. L’approbation de Covaxin, développé par Bharat Biotech et le Conseil indien de la recherche médicale, a été accordée avant même la conclusion de ses essais de phase 3.

Depuis l’année dernière, le pays a entamé des négociations avec l’Inde pour l’acquisition d’un million de doses de vaccins anticovidiens. Le 8 janvier, la Haut-commissaire de l’Inde à Maurice, Nandini Singla, avait souligné le fait que Maurice figure en priorité sur la liste des bénéficiaires des vaccins indiens. Mais le Dr Zouberr Joomaye explique que tant que l’efficacité de ces vaccins ne sera pas prouvée, ils ne seront pas administrés à Maurice.