Publicité

Emploi: quand se réinventer devient une obligation

24 février 2021, 17:30

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Emploi: quand se réinventer devient une obligation

Cela fait quelques mois depuis que Rody Pierre-Louis a troqué sa tenue décontractée pour une tenue plus stricte. Il est passé de marchand de plage à maçon. Il travaillait dans un cinq-étoiles à Trou-d’Eau-Douce. «Depuis le confinement, l’hôtel n’a été ouvert que pour ceux qui aiment s’adonner à des parties de golf. Par la suite, certains Mauriciens ont également pu y séjourner ; par contre, à nous, les travailleurs de plage, l’accès est toujours interdit.» Il avance qu’il aurait dû toucher une prime après le drame du MV Wakashio. «J’ai quitté tous les documents requis à la Mauritius Revenue Authority, et, à ce jour, pas le moindre sou ne m’a été versé. Alors que les marchands de plage qui opèrent sur la plage de l’île-aux-Cerfs ont été rémunérés.»

Si, l’ancien marchand de plage a pu trouver un métier «pou bat-baté», il avoue que ses autres compagnons sont moins fortunés que lui. «Certains sont toujours au chômage forcé.» Il faut savoir que cela fait 15 ans qu’il a débuté dans ce domaine et jamais il n’aurait pensé vivre une telle situation. «Il me faut subvenir aux besoins de ma famille. Mes deux enfants âgés de sept et dix ans ne comprennent pas la crise que nous traversons.» Mais ce qu’il ne comprend pas, c’est pourquoi les autorités touristiques ont exigé qu’il paie pour son permis. «Depuis le 30 juin dernier, on nous a demandé de payer le permis. Et dire que l’on ne travaille toujours pas. Les autorités auraient pu attendre que le travail reprenne.»

Comme lui, Ramparsad Kasseean s’est aussi reconverti après sa mise à la retraite anticipée. Pendant 37 ans, il a occupé plusieurs postes dans un grand hôtel, à Pointe-de-Flacq. Aujourd’hui, c’est grâce au travail de la terre qu’il fait tourner sa cuisine. «Mon père était un grand planteur.» Si la joie que lui procure la terre lui fait oublier ses soucis au quotidien, il ne peut s’empêcher de penser à toutes ces années où il a servi son hôtel. «Ce n’est pas facile. Surtout que j’ai deux enfants qui étudient à l’étranger. J’aurais aimé être à leurs côtés pour encore quelque temps et les aider financièrement.» Toutefois, il avoue que, ces derniers temps avant qu’il ne prenne sa retraite, le travail était devenu stressant.

Ses clients sont aujourd’hui ceux qui lui mettent un peu de baume au cœur. «Ils viennent de loin pour me voir et acheter mes légumes et fruits. Ils savent qu’ils auront toujours de bons produits.» Ces petites attentions lui permettent de rebondir face à la situation. Il sait aussi qu’il peut compter sur le sou- tien de son épouse, Luilette, également ancienne employée d’hôtel. À eux deux, ils ont également une petite entreprise où leur satini coco ou encore leur mazavaroo de bombli, écrasés sur la roche à cari, continue à aiguiser les papilles.

«Je survis», déclare Marie-Luce Faron. Cette artiste s’est transformée en coach vocal. Même si les adhérents ne se bousculent pas. «Il n’y a pas beaucoup de personnes. De temps en temps, on me propose un petit spectacle, mais ce n’est pas souvent.» Pour cette performeuse, qui opérait depuis 25 ans, c’est la galère depuis le confinement. «Je recommanderais à ceux qui voudraient embrasser une carrière dans ce domaine, d’avoir un plan B à côté. Il est devenu très difficile de vivre de cette passion.»

Cette chanteuse d’un des plus prestigieux hôtels du Nord du pays aurait aimé s’exercer à sa nouvelle passion : la décoration intérieure. «J’essaie de voir comment je peux vivre.» En tout cas, dans le milieu des artistes, ils se retrouvent tous dans le même bateau. «Ceux qui ne vivaient que de la musique se retrouvent dans la même galère. C’est difficile de trouver du travail, surtout avec l’âge. On n’a plus 20 ans et cela devient encore plus dur.»

En tout cas, comme ces personnes interrogées, ils sont plusieurs à s’être réinventés depuis plus d’un an, d’autant que la réouverture des frontières n’est pas prévue de sitôt.

Eco-Sud «Livelihood» : Une satisfaction non dissimulée

Les différents cours dispensés par les six institutions présentes dans le concept «Livelihood» ont vu l’inscription de 257 participants. Une initiative d’Eco-Sud en collaboration avec Small and Medium Enterprise, Food and Agricultural Research and Extension Institute, le Mauritius Institute of Training and Development (MITD), La Ferm Coco et JAM. Pour Sébastien Sauvage, d’Eco-Sud, ceux inscrits ont surtout pris le temps pour réfléchir à leur avenir. Le Covid-19 et l’épisode du «MV Wakashio» ont chamboulé le quotidien des habitants du Sud-Est du pays. Plusieurs se retrouvent sans emploi et face à ce problème, ils remettent à jour leur vision de l’avenir. «On a été étonnés du nombre de personnes qui sont venues assister aux différents cours. Cela démontre que ces gens sont dans une réflexion sur ce qu’ils feront demain, pour essayer de sortir de cette crise sanitaire, ou encore environnementale», soutient notre interlocuteur. Selon lui, le peuple mauricien veut se réinventer et trouver des solutions. «Beaucoup de personnes ont démontré un intérêt pour l’agro-industrie et l’agriculture. Revenir à la terre.» En effet, les chiffres parlent d’eux-mêmes. La Ferm Coco a enregistré 17 adhérents alors que FAREI en a accueilli 32. L’on constate également que plusieurs personnes s’intéressent aux travaux manuels. Les cours dispensés par le MITD ont obtenu 47 aspirants pâtissiers, 33 pour la coiffure ou encore six pour la mécanique. La réflexion face à ces chiffres laisse également entendre que Maurice se doit d’être beaucoup plus autonome. «On a bien vu que le Covid-19 a amené une prise de conscience de l’urgence de l’autonomie alimentaire. Les Mauriciens se doivent de produire plus, car nous sommes à 80 % dépendants des importations.»