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Extension du confinement: face aux enjeux économiques et sociaux, l'urgence de la relance
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Extension du confinement: face aux enjeux économiques et sociaux, l'urgence de la relance
Avec la levée du second confinement national repoussée au 31 mars, les appréhensions de la communauté des affaires couplées aux inquiétudes de la population sont visiblement réelles. Une démarche sans doute justifiée dans le contexte économique actuel alors même que le nombre de cas positifs du Covid-19 a déjà franchi la barre des 200 et que la campagne de vaccination, qui n’était pas encore une réalité l’année dernière, est passée à sa deuxième phase avec l’entrée en scène de la population en général.
Entre-temps, les spécialistes multiplient le chiffrage de la quasiinactivité économique du pays durant ces trois semaines du confinement national. Alors que l’économiste Swadicq Nuthay a déjà estimé le coût à moins de Rs 5 milliards pour les deux semaines en s’appuyant sur la note de Rs 35 milliards pour la durée du premier lockdown de 10 semaines, il devra revoir son calcul sur la base d’une extension d’une semaine. Idem pour Eric Ng, qui a poussé le bouchon plus loin, estimant les deux semaines à Rs 12 milliards, considérant le fait que dans une année normale (sans Covid-19), le produit intérieur brut (PIB) national augmente généralement d’environ Rs 18 milliards et que les 10 semaines de confinement en 2020 ont coûté, selon lui, Rs 60 milliards.
Entre ces deux estimations, Bhavik Desai est venu en rajouter une couche. L’analyste d’Axys Research relève dans son rapport publié lundi que l’impact financier d’une économie opérant à seulement 15 % de ses activités se situerait entre une fourchette de Rs 300 millions à Rs 350 millions par jour à l’opposé de Rs 550 millions à Rs 600 millions par jour chiffrées lors du premier confinement. Une estimation qui se rapproche de celle de Swadicq Nuthay. À chacun son calcul, on est tenté de le dire.
Pour le moment, l’État n’a pas le choix. Beaucoup plus que l’urgence sanitaire, c’est l’urgence économique qui dicte au gouvernement une ouverture graduelle de l’économie. Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, l’a fait comprendre dans sa déclaration télévisée mardi soir, insistant sur le fait qu’un plus grand nombre de Work Access Permit (WAP) sera alloué pour permettre une relance de l’activité économique.
En même temps, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, est conscient que l’intervention financière de l’État pour apaiser l’effet économique de la pandémie sur les salariés et les entreprises a une limite, même si cela a permis, comme il l’a souligné au Parlement mardi, d’éviter le spectre des 100 000 chômeurs. D’ailleurs, on relèvera que de mars 2020 à ce jour, un montant de Rs 18 milliards a été déboursé.
Quoi qu’il en soit, les opérateurs qui craignaient cette éventualité après l’effet économique traumatisant du premier lockdown sur leurs activités, avec notamment de bilan financier des principaux groupes sombrant dans le rouge l’année dernière, s’y voient déjà. Hector Espitalier-Noël du groupe ENL, qui se dit confiant que la gestion de la pandémie sur le territoire mauricien est bonne, a «de bonnes raisons d’espérer que la durée du confinement sera courte».
Ampleur mitigée
Une opinion qui rejoint celle d’un autre capitaine de l’industrie, JeanPierre Dalais, patron du groupe CIEL, qui souhaite «pouvoir rapidement sortir du confinement une fois la propagation du virus maîtrisée, car si les choses perdurent, cela aura un impact significatif sur notre reprise déjà bien engagée depuis le mois de juillet sur l’ensemble de nos opérations, à l’exception du tourisme».
Les analyses des experts sont loin d’être rassurantes mais certains tentent de nuancer leur projection. Eric Ng constate à cet effet que si avant le second confinement l’économie mauricienne ne s’était pas encore relevée du premier, il sera encore plus difficile pour le pays de remonter, cette fois-ci, la pente économique. «Le pays fait face aux effets combinés de ces deux confinements. Du coup, il est certain que les prévisions de la croissance économique pour 2021 seront nettement révisées à la baisse. Les 7,9 % prévus par la Banque de Maurice seront loin d’être réalisés.»
Face à ce tableau somme toute noir de l’économie dressé par l’économiste Eric Ng, d’autres spécialistes tentent de relativiser. Imritt Ramtohul, consultant en investissements chez Aon Hewitt, note que même si les effets d’une extension du confinement sont forcément défavorables sur l’économie, avec la profitabilité des banques et autres conglomérats largement affectée, l’ampleur des dégâts ne sera pas du même ordre que celle du premier lockdown. «Beaucoup de secteurs sont opérationnels contrairement à l’année dernière.La présence des vaccins contre la pandémie couplée à la campagne vaccinale en cours sont venues atténuer l’effet de ce second confinement. Le plus vite l’objectif d’immunité collective est atteint avec la vaccination de 60 % de la population, le mieux ce sera pour la relance de l’activité économique avec la réouverture des frontières.»
Kevin Teeroovengadum, expert financier, est du même avis. Il s’appuie sur les expériences de confinement en Europe, notamment dans des pays comme la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne, pour soutenir que l’impact du deuxième ou troisième lockdown aura été moins sévère que le premier avec l’avènement du télétravail. «Avec l’extension d’une semaine du confinement national et la réouverture graduelle de l’économie à partir du 1er avril, en se basant sur les activités qui vont reprendre, on peut s’attendre à une croissance de 2 % en 2021 après une contraction de 15 % du PIB l’année dernière.»
Sans surprise, la gestion de la crise sanitaire et économique est dans le radar des techniciens des agences financières internationales, plus particulièrement celles de notation. Moody’s, qui vient d’abaisser la note de Maurice de Baa1 à Baa2, en raison notamment de sa capacité à rembourser ses dettes, apporte un nouvel éclairage dans une récente analyse, complémentaire à celle publiée le 4 mars.
Avec le prolongement du second confinement, le déficit budgétaire du pays, souligne l’agence de notation, tournerait autour de 2,2 % du PIB à l’issue de l’année fiscale se terminant au 30 juin 2021. On sait que le ministre des Finances a réussi l’exploit de pré- senter un Budget national équilibré le 5 juin 2020, avec un déficit budgétaire zéro grâce à la manne financière de la Banque de Maurice avec un montant de Rs 60 milliards. Mais Moody’s, qui projette une croissance de 6,5 % cette année, estime que l’effet de ce second lockdown reporterait à 2024 une situation économique comparable à celle d’avant la pandémie.
Spirale d’endettement
Certes, le second lockdown, étendu pour le moment à trois semaines, n’entraîne pas que des implications économiques. Il y a des risques réels que certains ménages s’enfoncent dans la spirale d’endettement et d’appauvrissement. «L’impact du Covid-19 a fait que le nombre de personnes s’enlisant dans l’extrême pauvreté a augmenté d’une manière significative à l’échelle mondiale, passant de 650 millions à 750 millions l’année dernière et de 800 millions probablement en 2021. Nous ressentons le même phénomène à Maurice», note Kevin Teeroovengadum. Pour preuve, le PIB par tête d’habitant du pays est passé d’USD 11 054 (NdlR, Rs 456 397) en 2019 à USD 8 666 (Rs 357 801) l’année dernière, éliminant du coup une décennie de progrès. Ce qui place les ménages, dit-il, dans une précarité économique.
Or, la santé financière des ménages est directement liée à celle du pays. Avec l’extension du confinement, le pays doit s’attendre au pire avec plusieurs secteurs clés de l’économie enregistrant une contraction ou au mieux une croissance nulle. «Face à cela, le financement des ménages devrait donc également être négativement affecté. Le pire scénario pour un ménage est la perte d’emploi. Dans une telle situation, comme dans des situations moins extrêmes, il est probable que les ménages aient du mal à joindre les deux bouts et encore plus à contracter d’autres prêts bancaires, à condition que les banques veuillent même les financer», explique pour sa part l’économiste Rajeev Hasnah.
Des défis auxquels le secteur bancaire est appelé à faire face. À cet effet, la Mauritius Bankers Association précise que le crédit aux particuliers et aux ménages représente environ 36 % de l’activité bancaire à Maurice. Toutefois, la vigilance est de mise pour éviter des situations de surendettement mais aussi des cas d’insolvabilité des clients.
Avec une reprise économique qui semble fortement compromise en 2021, le Premier ministre est aujourd’hui condamné à enclencher la machinerie pour ouvrir graduellement les frontières car il a enfin compris qu’il faudra maintenant vivre avec le virus…
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