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Rebecca Espitalier-Noël: «FoodWise travaille sur un projet pour répondre aux problèmes de formation des ONG»
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Rebecca Espitalier-Noël: «FoodWise travaille sur un projet pour répondre aux problèmes de formation des ONG»
Ils sont pauvres et ils ignorent combien de temps encore ils devront demeurer dans la précarité. Eux, ce sont les marginalisés de notre société à qui Foodwise Mauritius tente de donner de quoi manger. Avec la résurgence de la pandémie, le sort de ces infortunés ne risque-t-il pas d’empirer ? Rebecca Espitalier-Noël, qui a choisi d’être aux côtés des défavorisés, donne son point de vue sur la question.
Quels sont les risques découlant de la pandémie qui sont susceptibles d’enfoncer davantage les pauvres dans leur situation de précarité ?
Le plus grand risque est certainement celui des inégalités au niveau scolaire. En effet, les cours sont très difficiles à suivre pour les enfants venant des milieux défavorisés et le décrochage est malheureusement très présent.
Le deuxième risque ce sont tous les fléaux que nous connaissons. Malheureusement le confinement dans les quartiers défavorisés a du mal à être respecté et par manque d’occupation, par stress, etc. beaucoup de jeunes tombent dans ces fléaux.
Le troisième risque est l’endettement. Impossibilité de payer leurs charges, impossibilité de se nourrir, les familles doivent emprunter pour survivre. Cela amène énormément de stress.
Enfin, la hausse du chômage chez les jeunes. Les entreprises licencient souvent ceux qui sont dans l’entreprise depuis moins d’un an. Malheureusement, il s’agit souvent des jeunes dont le chômage a augmenté à 31 % en juillet 2020, ce qui fait que de plus en plus de jeunes se lancent dans le secteur informel.
Quel est cet aspect de la pauvreté qui a incité les responsables de FoodWise à en faire sa raison d’être ?
FoodWise a un double objectif. Lutter contre le gaspillage et l’insécurité alimentaire. Nous avons constaté un paradoxe énorme avec 279kg de nourriture qui vont à la poubelle chaque minute alors qu’avant le Covid-19 à la fin de 2019, plus de 17 % des Mauriciens disaient souffrir d’insécurité alimentaire. Nous avons donc souhaité résoudre ce paradoxe en redistribuant les surplus des entreprises à des associations qui aident des personnes vulnérables.
La nourriture que nous donnons aux ONG leur permet d’atteindre un double objectif : d’abord des économies d’argent et de temps qu’elles peuvent réinvestir dans d’autres ressources (par exemple employer un psychologue car le goûter des enfants est couvert), puis gagner la confiance des bénéficiaires et améliorer la relation avec eux surtout quand il s’agit de personnes fragiles où la prévention est cruciale.
Notre but est que la nourriture serve de moyen tant pour les ONG que pour les bénéficiaires. Nous les aidons à se servir de l’aide alimentaire comme un tremplin tant financier, que moral ou physique afin d’atteindre de plus grands objectifs. Par exemple, grâce au soutien donné à travers l’ONG Kinouété, qui soutient d’ex-prisonniers, la récidive a baissé car ils ont eu la paix d’esprit et les ressources financières nécessaires pour ne pas voler pour manger ; certains ont pu se remettre debout et même retrouver un emploi.
À quelle tranche d’âge appartiennent les bénéficiaires de votre programme d’aide ?
FoodWise aide les bénéficiaires à travers des ONG. Les publics que nous aidons sont très différents : il peut s’agir d’enfants dans des écoles, de jeunes hommes ou femmes souffrant d’addictions, de SDF âgés, de mères célibataires avec plusieurs enfants, etc.
En quoi consiste ce programme d’aide ?
Le programme de FoodWise consiste à structurer, professionnaliser et organiser la lutte contre le gaspillage alimentaire à Maurice. Une des premières solutions que FoodWise a mises en place est la redistribution alimentaire. Nous avons développé un système qui consiste à former et accompagner aussi bien les entreprises que les ONG par rap- port au don et à la distribution des surplus et invendus alimentaires.
Notre rôle est de convaincre, guider, accompagner les entreprises afin que leurs dons se passent de manière la plus simple et sécurisée possible. Nous accompagnons aussi les ONG afin que les aliments donnés soient un moyen pour elles mais aussi pour leurs bénéficiaires de faire des économies et de déployer leur potentiel au mieux.
Lors de votre présence sur le terrain, quels sont les autres besoins des bénéficiaires de votre programme d’aide qui ne peuvent pas passer inaperçus ?
Nos bénéficiaires directs sont nos ONG. Nos bénéficiaires indirects sont les publics vulnérables touchés par les ONG. Si votre question est sûrement adressée à nos bénéficiaires indirects, j’aimerais dire un mot sur les besoins des ONG. Nous avons constaté trois besoins principaux du côté des ONG.
Le premier est un besoin de professionnalisation des critères du choix des bénéficiaires et les outils pour leur suivi. Bien que beaucoup d’ONG fassent un travail remarquable, malheureusement certaines manquent de formation et de leadership nécessaire pour accompagner leurs bénéficiaires. Par exemple, quelques-unes d’entre elles ne savent pas ce qu’est le Social Register of Mauritius, ce qui rend difficile un accompagnement efficace.
Le deuxième besoin que nous constatons chez les ONG se situe au niveau financier. Nous voyons que beaucoup d’entre elles ont des difficultés à réaliser un budget alimentaire ou encore à calculer les économies faites grâce aux dons.
Le troisième est la difficulté des ONG à définir des objectifs et à les mesurer. Par exemple, quand on demande à des ONG l’impact qu’elles souhaitent avoir si nous les assistons avec des dons alimentaires réguliers pendant une période de six mois, elles ont du mal à arriver avec des réponses.
FoodWise est donc là aujourd’hui pour guider au mieux les ONG sur ces différents points. Il est important de savoir qu’il y a plusieurs critères pour être accepté dans le réseau FoodWise et que les 120 ONG qui en font partie sont sérieuses et de confiance bien que le degré de professionnalisme varie entre elles. Une fois qu’elles sont admises dans le réseau, un système de notation basé sur nos visites, appels, déroulement des dons, etc. permet à FoodWise de distinguer celles qui ont le plus d’impact et qui utilisent de manière la plus efficace les dons.
Cette situation pourra-t-elle amener de FoodWise à réviser son plan d’action ?
Oui, FoodWise travaille sur un projet pour répondre aux problèmes de formation des ONG, de choix et d’accompagnement des bénéficiaires, mais aussi de la durabilité et la viabilité de notre modèle à long terme.
Qui sont ceux qui sont à la base des activités de FoodWise ?
FoodWise a été créé par sept amis qui sont aussi nos membres. Aujourd’hui, FoodWise est composée en plus de nos sept membres, d’une équipe de six jeunes passionnés qui on fait leur travail à plein-temps.
Maintenant que vous êtes familière d’une des nombreuses facettes de la pauvreté, pour vous la pauvreté, c’est quoi ?
Personne n’est jamais familier de la pauvreté. Tout le monde est pauvre d’une certaine façon. Je pense que je la définirais comme une situation à laquelle quelqu’un veut échapper. La pauvreté est un appel à l’action.
Y a-t-il un moyen pour l’éliminer ou faut-il vivre avec ?
La pauvreté évolue avec le temps, avec le lieu, avec les normes sociales. Elle existera toujours. La seule chose que nous pouvons faire est de ne jamais perdre la force, la solidarité, l’espoir de s’aider mutuellement à grandir et à se donner les mêmes chances de s’épanouir.
Quelle est l’image la plus forte de la pauvreté que vous avez croisée depuis que vous œuvrez dans cette organisation et que vous avez du mal à supporter ?
Celle d’un enfant qui dort en classe car il a le ventre vide.
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