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Dhanjay Jhurry: «L’UoM fournit plus de 80 % de la recherche du pays»
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Dhanjay Jhurry: «L’UoM fournit plus de 80 % de la recherche du pays»
Votre mandat vient d’être renouvelé après quatre années. Êtes-vous satisfait de ce que vous avez accompli jusqu’ici comme vice-chancelier (VC) et quels sont vos objectifs désormais ? Ne fallait-il pas encourager de nouvelles idées ?
Pour vous dire si je suis satisfait ou non, je jaugerai mon bilan de ces quatre années par rapport à la vision émise au début du mandat, en mars 2017, à savoir placer l’innovation au cœur de nos activités, à travers un développement accru de la recherche et des activités entrepreneuriales, en partenariat étroit avec les secteurs public et privé ainsi qu’avec la société civile. Les «performance indicators» démontrent un progrès certain dans la réalisation de cette vision : le nombre de publications dans des revues internationales, le nombre de doctorants, le nombre de projets de recherche, le nombre de projets entrepreneuriaux, le nombre de partenariats avec l’industrie et le secteur public, le budget de la recherche, pour ne citer que quelques uns, sont tous en hausse constante depuis 2017.
Cela a été possible parce que nous avons mis en place l’écosystème – financement, mesures incitatives, partenariat – pour transformer la vision en actions concrètes. Côté entrepreneuriat, nous avons mis en place l’Agri-Tech Park, qui développe des projets innovants dans le domaine agricole et agro-industriel, dont deux bénéficient d’un soutien financier conséquent de l’Union européenne. Sur le plan international, nous avons établi des partenariats stratégiques avec des universités de renom. À titre d’exemple, nous avons lancé l’an dernier un premier programme à double diplôme – Bachelor en Data Science – avec l’université Paris Cergy.
Vous évoquez de nouvelles idées. Bien évidemment, nous ne nous sommes pas cantonnés à ne promouvoir que la recherche et les activités entrepreneuriales. Nous avons mis en place, dès la rentrée de 2019-20, le Learner Centred Credit System, calqué sur l’European Credit Transfer System. Ce système vise à améliorer la qualité de l’enseignement en rendant possible l’utilisation des outils informatiques et permet in fine à l’étudiant de développer plus d’indépendance et d’esprit critique. Grâce à la mise en place de ce système, nous avons pu basculer rapidement vers l’enseignement en ligne en mars 2020 et cette année-ci, dès le confinement. La digitalisation de notre bibliothèque en 2018 a été aussi très bénéfique aux étudiants et au personnel académique.
Le re-engineering de notre Knowledge Transfer Office avec la création de l’University-Industry Liaison Office, d’un incubateur et d’une unité de propriété intellectuelle et de transfert technologique nous a permis de nous rapprocher davantage de l’industrie.
Les objectifs futurs sont : la transformation digitale de l’université axée sur la technologie, les procédés et le personnel ; la consolidation de l’innovation et de l’entrepreneuriat et l’impact de la recherche ; et davantage d’effort pour le développement durable et les Objectifs de développement durable, à travers des partenariats locaux, régionaux et internationaux.
«Travailler de concert avec le gouvernement comme un partenaire (…) ne rime pas avec perte de notre indépendance.»
Quelle est la situation financière de l’université de Maurice (UoM) ?
L’État finance approximativement 65 % de notre budget d’environ Rs 1,1 milliard. En 2017, l’université de Maurice a terminé l’année financière avec un déficit de Rs 30 millions. Il a fallu mettre en place une meilleure gestion des dépenses et faire des choix stratégiques, à la demande du ministère des Finances. Ainsi, grâce à l’effort et la compréhension de tout le personnel, nous avons pu engendrer, trois années de suite, des budgets avec zéro déficit, non seulement en contrôlant les dépenses mais en augmentant les revenus à travers les programmes d’enseignement avec l’industrie et le gouvernement, et ce, malgré une coupe substantielle de 10 % du budget récurrent liée aux effets de la pandémie sur notre économie. Je puis vous assurer que nous avons une gestion financière très saine, comme le soulignent les rapports de l’Audit chaque année. Nous nous efforçons d’augmenter nos revenus par le biais de projets innovants.
Comment se porte l’UoM par rapport au recrutement international d’étudiants, comparé à Médine par exemple, qui a un pourcentage relativement plus élevé d’étudiants étrangers ?
L’UoM a le devoir de répondre en premier lieu à la demande locale. Nous recevons environ 4 500 demandes chaque année mais ne pouvons en retenir qu’environ 3 000 pour des raisons logistiques et d’espace. Dans certains domaines très prisés comme l’informatique, nous avons eu à tripler nos recrutements pour répondre à la demande.
Mais l’internationalisation demeure un de nos objectifs principaux. Nous avons mis en place, en 2018, l’«International Affairs Office» et nous avons pris moult mesures pour accroître le nombre d’étudiants internationaux. Alors que ce nombre était en hausse constante, la pandémie a freiné le recrutement l’an dernier.
Nous redoublons d’effort cette année-ci avec plusieurs programmes très attractifs notamment avec des universités étrangères – Paris Cergy, Arizona, Prince Edward Island – pour attirer davantage d’étudiants internationaux. Ces programmes peuvent être suivis en ligne, du moins pour les cours théoriques et les travaux dirigés. L’UoM a cette vocation sociale que les universités privées n’ont pas forcément.
Pourquoi les cours à Core, Ébène, ont été supprimés ; n’était-ce pas destiné aux étudiants moins nantis ? Avez-vous subi des pressions politiques ?
Les cours offerts à Ébène pour une majorité étaient des tuition-fee paying. Ce modèle avait été mis en place pour avoir une source de revenus supplémentaire. Avec le Free Tertiary Education Scheme, il n’était plus possible de réclamer des tuition fees aux étudiants et le modèle n’était plus rentable. En revanche, comme ces cours étaient offerts sur le campus de Réduit, nous avons fait l’effort d’augmenter, voire doubler, notre recrutement pour permettre à un plus grand nombre d’étudiants d’y avoir accès. La politique n’intervient absolument pas dans ces choses-là, soyez en convaincu.
Avez-vous encouragé vos scientifiques à trouver des solutions pratiques et concrètes concernant le Covid-19, comme cela se fait par des universités au Ghana, au Kenya, au Maroc, en Afrique du Sud ? Comment voyez-vous l’université d’aujourd’hui et de demain ?
L’an dernier, les enseignantschercheurs ont soumis pas moins de 28 propositions au Mauritius Research and Innovation Council (MRIC) sous le Covid-19 Scheme, en avril 2020, et, à nouveau, un bon nombre cette année-ci. Pas tous ont réussi à dénicher un financement et, parmi ceux qui ont réussi, un arrive bientôt à terme, où il a été question de fabriquer des masques antiviraux au moyen des nanomembranes, une technologie indigène. Ce projet a été conduit par le Centre for Biomedical and Biomaterials Research et la société RT Knits.
Des projets ont aussi été financés par l’Agence Universitaire de la Francophonie, où les chercheurs se sont penchés sur les effets de la pandémie sur les étudiants. À titre personnel, j’ai proposé un essai clinique phase II pour tester une nouvelle option thérapeutique – artésunate injectable et la vitamine C injectable à forte dose – essai qui a été conduit à Madagascar en juillet-août dernier.
Nous avons aussi partagé avec d’autres universités, à travers des webinars, notre expérience sur la continuité de nos programmes d’enseignement. Un groupe d’étudiants de la faculté d’ingénierie a proposé un respirateur artificiel l’an dernier. Sachez aussi que nous avons prêté en avril dernier deux de nos biosafety cabinets flambant neufs au laboratoire de l’hôpital Victoria pour permettre les tests PCR.
Quant à l’université de demain, elle doit embrasser la digitalisation et la durabilité, répondre aux besoins de la société, s’assurer de l’employabilité de ces diplômés, travailler de concert avec tous les acteurs du développement, travailler en cluster.
L’UoM consacre beaucoup de temps à la recherche, surtout depuis votre arrivée, mais apparemment sans grand impact réel sur la société...
Nous sommes conscients de cet impératif que la recherche impacte plus sur la société. Outre la bottom-up approach pour développer la recherche, souvent une approche individuelle, nous avons mis en place la top-down approach qui privilégie la recherche de groupes pluridisciplinaires et d’intérêt national.
D’autre part, nous travaillons de concert avec l’industrie à travers notre «University-Industry Consultative Committee» pour établir des clusters de recherche dans des domaines comme l’agriculture/l’agro-industrie, la santé, les technologies manufacturières high-tech, la finance et le tourisme. Les mécanismes ont été déployés, à la recherche maintenant de faire ses preuves.
Par rapport à l’université de Technologie de Maurice (UTM) et l’université des Mascareignes, l’UoM nous semble être à la traîne en ce qui concerne l’alliance avec l’industrie, non ?
Nous ne sommes pas dans la perception, comme vous l’entendez, mais bien dans la réalité. Nous offrons des programmes au niveau master conjointement avec l’industrie (par exemple avec Accenture ou Allianz), nous avons signé plusieurs accords de coopération avec l’industrie (Eclosia, Livestock Feed Ltd, Harel Mallac Technologies, RT Knits, ABC Health, Cybernaptics etc. La liste est longue, sans oublier le secteur bancaire et financier, l’industrie sucrière). Plus récemment, Ceridian (Mauritius) Ltd a investi dans un laboratoire d’innovation technologique à l’UoM. Pour nous, cette collaboration UoM-industrie se porte bien et nous nous efforçons de la consolider, puisqu’elle est essentielle au développement de l’université, au placement de nos étudiants et à notre économie.
Est-ce que l’UoM a pu préserver son indépendance vis-à-vis du gouvernement, comme l’ont fait d’autres VC dans le passé, comme Jagadish Manrakhan, Goolam Mohamedbhai, etc. ?
Je n’ai pas de souvenir pour ma part de l’interférence du gouvernement dans la gestion de l’université, encore moins dans la définition de ses axes prioritaires au cours de ces quatre dernières années. Travailler de concert avec le gouvernement comme un partenaire au même titre que le privé ne rime pas avec perte de notre indépendance. Peut-être est-ce une autre perception de votre part ?
Pourquoi les salaires des professeurs sontils toujours parmi les plus bas parmi les pays qui favorisent l’éducation supérieure ?
Qu’avez-vous fait pour changer la situation ? Les salaires des enseignants-chercheurs (Lecturers, Senior Lecturers, Associate Professors, Professors) sont régulés par le Pay Research Bureau (PRB). Nous avons fait une demande au PRB pour démarquer l’UoM des autres institutions d’enseignement supérieur eu égard à sa contribution à la recherche. L’UoM fournit plus de 80 % de la recherche de notre pays.
Comment un établissement enseignant l’éthique et la gouvernance peut-il, à en croire l’University of Mauritius Academic Staff Union (UMASU), ne pas respecter de tels principes lorsqu’il s’agit de renouveler les contrats du top management ?
Beaucoup a été dit sur le sujet pour manipuler l’opinion publique. Il est important de rétablir la vérité. Le recrutement du vice-chancelier passe par une sélection rigoureuse d’un comité constitué de 11 membres, incluant le président du conseil. Le VC est nommé pour une période initiale de trois ans, renouvelable pour un maximum de trois ans suivant une performance excellente. C’est une clause très claire dans nos statuts. L’examen du dossier du VC et des Pro-VC ainsi que leur renouvellement selon les statuts revient au Council de l’UoM. L’an dernier et cette année, les dossiers dont le mien ont été examinés par un sous-comité du conseil et le conseil a décidé du renouvellement sur la base des rapports transmis par le sous-comité. Il n’y a aucune faille dans la procédure comme veulent faire croire certains.
Qu’est-ce qui expliquerait le déclassement de la notation de l’UoM au niveau régional sous votre direction ?
Ce classement auquel vous faites allusion, l’UniRank, voit le classement de l’UoM tantôt en hausse, tantôt en baisse. Le dernier classement de Webometric classe l’UoM au rang 2 276, ce qui est en nette hausse. Faut-il s’en réjouir ou se désespérer ? Il faut à mon avis prendre du recul par rapport à ces classements et poursuivre nos efforts dans la formation de qualité et la recherche à impact. On y croit et le résultat sera là, il faut du temps.
En analysant vos cursus en sciences et en ingénierie, certaines personnes affirment que l’université des Mascareignes ou d’autres sont plus innovantes…
Nous offrons 225 programmes au total. Est-ce que nos programmes en ingénierie ou en informatique ne sont pas innovants ? Je ne le pense pas, compte tenu du nombre d’étudiants que nous attirons et de leur réussite à trouver de l’emploi. Nous offrons, comme je l’ai dit déjà, un Bachelor avec Paris Cergy en Data Science, un autre bientôt avec l’université de Prince Edward Island en Climate Change and Adaptation ou encore un en Electrical and Computer Engineering avec l’université d’Arizona, sans compter tous ceux en étroite collaboration avec l’industrie. De quelle innovation parlent ces personnes dont vous faites mention ? Je me réjouis que d’autres universités du public innovent aussi, notre survie à toutes en dépend.
Faites-vous des études de faisabilité avant de vous lancer dans vos projets ? Le pays doit couper ses dépenses ; comment serrer la ceinture sur le campus ?
Je puis vous assurer que les dépenses à l’université sont scrutées à la loupe. Toute dépense doit avoir l’approbation du Council. Nous sommes conscients des coupes budgétaires auxquelles nous devrions faire face. En même temps, l’on s’attend à ce que l’université augmente ses revenus. L’investissement dans certains projets innovants entraîne forcément des risques mais comme toute entreprise, nous évaluons ce risque et agissons en conséquence. La solution facile serait de n’en prendre aucun et ne rien faire mais, dans l’esprit de progrès et de modernité comme toute université innovante et entrepreneuriale, nous devons trouver les moyens pour faire avancer nos projets.
Sur le plan personnel, vous n’avez pas aimé que j’évoque «l’université de Dhanjay Jhurry» dans l’un des derniers éditoriaux de «l’express». Peut-on savoir pourquoi ?
Je vous l’ai clairement dit car cela était ou ressemblait à une attaque personnelle. Je vous ai proposé d’en débattre et je réponds à vos questions sans langue de bois et sans rechercher la polémique. Je ne pense absolument pas que l’université de Maurice soit l’université de Dhanjay Jhurry, car mes réponses à vos questions reflètent l’effort de tout le personnel à faire progresser l’UoM. Tout est fait de manière collégiale, renseignez-vous auprès du personnel, l’authentique et pas ceux qui parcourent les médias.
Vous aviez émis cette remarque laconique dans votre édito à propos de la recherche et des vaccins et je me suis permis de vous rappeler que le pays de Pasteur (NdlR, la France) n’a pu développer un vaccin à ce jour, malgré tous les moyens de recherche dont il dispose. Je n’ai rien entendu non plus du pays le plus avancé en Afrique en recherche, soit l’Afrique du Sud. Votre critique vis-à-vis de l’UoM reflétait un manque d’information de votre part et une analyse simpliste.
J’ai la chance de diriger cette université et les défis sont nombreux. Je ne me perdrai pas dans les futilités ou les critiques infondées. Je préfère plutôt me concentrer avec l’équipe à faire avancer les idées et les projets. N’en déplaise à tous ceux recherchant le sensationnalisme !
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