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Décès de patients positifs: Le Covid et les larmes

4 avril 2021, 17:00

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Décès de patients positifs: Le Covid et les larmes

Les chiffres et les explications – pas toujours claires – s’enchaînent chaque jour, que ce soit du ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, ou encore du Dr Catherine Gaud. Décès liés au Covid-19, pas de lien primaire, ou encore liés à d’autres pathologies, il y a de quoi perdre le nord. Mais derrière tout cela, il y a des drames humains, des familles déchirées.

Ainsi, depuis le 5 mars, cinq personnes testées positives au Covid-19 ont rendu l’âme. Même si, rappelons-le, officiellement, selon les chiffres fournis par les autorités, pour cette deuxième vague de 2021, deux décès seulement seraient liés directement au nouveau coronavirus.

Chundunnee Jokhonah de Canot a été testée positive alors qu’elle était admise à la clinique Muller.

Chundunnee Jokhonah avait 53 ans. Elle a succombé à des complications le lundi 29 mars. Elle avait été testée positive au Covid-19 alors qu’elle était admise à la clinique Muller (ex-Lorette), à Curepipe, où elle travaillait comme attendant. Ses funérailles ont eu lieu dans la journée du mercredi 31 mars. Selon sa fille, Lovna Jokhonah-Faikoo, atterrée par la perte de cet être cher, sa mère, employée comme femme de ménage à la clinique, souffrait de problèmes gastriques et de colite (NdlR, correspond à une inflammation de la muqueuse du gros intestin – le côlon - et se traduit par différents troubles intestinaux. Elle se manifeste, entre autres, par une diarrhée et des douleurs abdominales). Elle a été admise à la clinique le dimanche 21 mars. Un test PCR effectué le 23 mars s’était révélé dans un premier temps négatif…

Toutefois, sa maman avait été transférée à l’unité des soins intensifs quelques jours plus tard. Et un jour plus tard après cette admission aux urgences, la nouvelle est tombée : elle était positive au Covid-19. Les membres de la famille, tous issus du Sud de l’île, ont été conduits en quarantaine, par la suite. Personne n’a pu assister aux funérailles de Chudunnee Jokhonah, malgré leurs incessantes demandes aux autorités et le déchirant cri du cœur de Lovna sur les réseaux sociaux et dans la presse...

Autre famille : même déchirement. Le deuxième décès lié directement au virus est celui d’une dame de 70 ans, dont l’état inspirait des vives inquiétudes, selon les membres du National Communication Committee, qui en ont fait mention dans leur conférence de presse, plusieurs jours d’affilée. La septuagénaire, testée positive, était sous respiration artificielle et elle est aussi décédée le mercredi 31 mars. Habitante de Canot, elle était reliée au cluster du Curepipe College, où sa petite fille exerce comme enseignante. Les larmes de cette dernière, à la radio, ont touché les Mauriciens en plein cœur.

Un de ses proches, également positif au Covid-19, et qui a parlé à l’express récemment, avait souligné que 11 autres membres de sa famille, lui inclus – qui ha- bitent différentes maisons –, étaient asymptomatiques au départ. Mais «la septuagénaire, qui avait des problèmes au niveau des bronches, a vu son cas s’aggraver par la suite». La défunte laisse derrière elle deux fils. Inconsolables. Perdus.

Vinay Ramjit, un entrepreneur de 46 ans rapatrié de Madagascar, est décédé de complications cardiaques le 26 mars.

Et puis, il y a eu ce premier cas, ce premier décès – ‘importé’ dirons-nous – pour reprendre une formule consacrée. Vinay Ramjit, entrepreneur mauricien rentré récemment de Madagascar, est mort des suites de problèmes cardiaques selon les autorités, le 26 mars. Toutefois, il ne faut pas oublier qu’il était également positif au Covid-19. Mais la cause primaire du décès n’est pas liée au Covid-19, ont affirmé les autorités. Si sa femme et ses trois enfants sont en France, sa sœur, qui est au pays, n’a pas voulu commenter le départ soudain de son frère dans des circonstances tragiques.

Sheila Virahsawmy était l’amie de Vinay Ramjit, ayant vécu elle aussi pendant un moment dans la Grande île. «C’était une personne extraordinaire, joviale. Il avait aidé beaucoup d’enfants dans la région.» D’ajouter non sans émotion : «Nous n’avions pas de famille sur place, et nous avions intégré un groupe, on se rencontrait les dimanches. C’est là que nous nous sommes liés d’amitié. Il était quelqu’un de formidable, vraiment…» De Vinay, désormais, il ne reste que de bons souvenirs, impérissables.

Sheila précise en outre qu’elle ne savait pas que l’état de santé de son ami s’était détérioré. «Cela a été un choc. Nous sommes tous très tristes de son départ. Rien ne laissait présager qu’il allait quitter ce monde aussi tôt. Il faisait tout pour aider son entourage.» Vinay est parti sans dire au revoir, sans dire adieu.

L’ex-caporal Sanjay Beedassy de Chemin-Grenier avait dû partir à la retraite pour raison de santé, après 30 ans dans la force policière.

Le drame a frappé aussi aux portes des proches de l’ex-caporal Beedassy, 56 ans. Il était sous dialyse et avait été positif au Covid-19. Il s’en est allé, lundi dernier. Un décès lié à des complications de santé selon les autorités et non directement au virus. L’épouse et les enfants de Sanjay Beedassy ont été placés en quarantaine jeudi après-midi et ont été soumis à un test PCR. Ils n’ont pu voir leur époux et papa une dernière fois... Sanjay Beedassy habitait Chemin-Grenier, il était passionné par son travail mais avait dû partir à la retraite en raison d’ennuis de santé, justement. Il comptait 30 années de service au sein de la force policière.

Pour terminer ce macabre et triste décompte, il y a eu le décès d’un autre patient sous dialyse à l’hôpital de Souillac, mercredi. Il s’agit d’un habitant de Chamouny, âgé de 72 ans. Encore une fois, la cause principale ne serait pas le Covid mais d’autres pathologies... Les larmes des familles, elles, sont bien dues au chagrin.

Mortels caillots

Quand les membres du National Communication Committee (NCC) affirment que le décès des patients testés positifs sont «associés au Covid-19 mais que le fait d’avoir contracter le virus n’en est pas la cause principale», ils laissent planer un doute dans l’esprit du public et même de certains médecins, surtout que les pathologies, identifiées comme la ou les causes du décès, sont des complications associées au nouveau coronavirus…

La Dr. Catherine Gaud, conseillère au ministère de la Santé, avait d’ailleurs elle-même affirmé dans nos colonnes le mois dernier : «Le virus est une maladie qui peut entraîner la formation de caillots sanguins, ce qui peut être mortel. À ceux qui ont des symptômes, on prescrit des anticoagulants et pour une dizaine de jours de la dexamethasone, un glucocorticoïde, puis une cure d’antibiotiques par la suite pour éviter les infections.» N’empêche que dans certains cas, la Dr Gaud vient dire que les personnes ne sont pas directement décédées du Covid-19. Which is which ?

Un éminent cardiologue, qui souhaite garder l’anonymat, dit lui aussi ne pas comprendre cette posture. Il explique que l’on ne peut pas dire que ces personnes sont décédées principalement d’un infarctus ou d’une crise cardiaque car ces incidents surviennent «lorsqu’il y a une obstruction artérielle par un caillot sanguin. Et le Covid-19 cause ces caillots sanguins. Le malade peut être un patient cardiaque mais c’est le Covid-19 en tant que virus pro-inflammatoire qui cause la mort précipitée par des caillots de sang».

D’ailleurs, on le dit déjà au niveau international. Selon le journal en ligne français, Libération, cela fait des mois déjà que l’on a découvert à travers de nombreuses observations réalisées, que l’une des complications possibles et qui font partie des formes sévères de la maladie, était la CIVD (coagulation intravasculaire disséminée). «Autrement dit : la formation de petits caillots sanguins qui entravent la circulation sanguine et perturbent la coagulation, provoquant des hémorragies. Ces caillots se formeraient notamment dans les vaisseaux pulmonaires. Dès février, une étude menée à Wuhan par le chercheur Tang Ning rapportait que sur 21 patients décédés, 15 présentaient vraisemblablement une CIVD.»

A titre d’exemple, Vinay Ramjit, décédé le vendredi 26 mars, avait fait un premier infarctus le mercredi 24 et un blocage de la circulation sanguine au niveau de la jambe le jeudi 25 avant de rendre l’âme, selon les informations du NCC. En effet, selon les informations obtenues du NCC, ce patient avait fait un premier infarctus le mercredi 24 et un blocage de la circulation sanguine au niveau de la jambe le jeudi 25 avant de mourir le jour suivant son infarctus du myocarde. «Associer le Covid-19 à ces décès et ne pas le considérer comme la cause de la mort, c’est comme si une personne fait un accident et meurt. Parce qu’il est cardiaque, on dit qu’il est mort de ce problème et non de l’accident. Pourquoi dire que les personnes cardiaques sont à risque avec le Covid-19 et ensuite dire que leur mort ne survient pas à cause du virus ?» déclare le cardiologue.

Un médecin généraliste fait également part de ses doutes sur les causes de la mort des patients positifs aux Covid-19. Ce dernier se penche plus sur le cas de la personne décédée d’une septicémie – selon la version officielle. «Tout le monde dans le mi- lieu médical sait que la septicémie est une grave infection causée par un virus, des bactéries ou encore des mycoses. Et le Covid-19 est un organisme viral qui attaque plusieurs organes du corps. Ce qui est un des facteurs d’une septicémie.» Il ajoute aussi que les caillots sanguins sont aussi une cause de septicémie car en attaquant le corps, le Covid-19 attaque également le foie, ce qui peut provoquer des caillots sanguins.

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que deux des trois patients dont les décès n’ont pas été attribués au Covid-19, sont des personnes qui étaient sous dialyse. Selon un néphrologue, il faut savoir qu’une personne sous dialyse a déjà le cœur fatigué. Et il soutient que le virus a bel et bien rendu ses patients plus vulnérables. «Mis à part le fait qu’ils sont des patients sous dialyse, ces personnes avaient d’autres complications comme le diabète, l’hypertension, des problèmes cardiaques, entre autres. Tout cela, ajouté au Covid-19, les a affaiblis.»

D’autre part, le néphrologue souligne un fait important. Il explique que les personnes sous dialyse prennent de l’héparine, un anticoagulant crucial pour eux car, en tant que dialysés ils en ont besoin pour éviter des caillots sanguins. Donc cela voudrait bien dire que les caillots sanguins sont nocifs pour ces patients souffrant d’insuffisance rénale ? Le néphrologue affirme que ces patients ont besoin d’un sang fluidifié pour faire la dialyse, d’où la raison du recours à l’héparine.

Nous avons sollicité le ministère de la Santé pour leur faire part de ces observations, mais n’avons reçu aucune réponse.

Un premier décès en janvier ?

Concernant le patient décédé en janvier dernier à l’hôpital de Souillac, il faut savoir qu’il revenait de l’Inde où il devait subir une intervention chirurgicale. Officiellement, la cause de son décès avait été attribuée à une pathologie grave. Toutefois, il était aussi positif au Covid-19, au moment de sa mort. Selon les autorités, son état de santé s’était aggravé dans la Grande péninsule et les médecins avaient refusé d’aller de l’avant avec son opération. C’est à son retour à Maurice que les tests s’étaient relevés positifs.

10 morts lors de la première vague en 2020

Parmi les 10 morts recensés en 2020, il y avait le patient zéro, un habitant de Vacoas, souvenez-vous. Puis Sonia Dip, 20 ans, décédée le 1er avril 2020, ou encore le Dr Bruno Cheong, qui avait, au début de mars, ausculté le patient zéro. Ce dernier rentrait de voyage, mais avait omis de le dire au Dr Bruno Cheong. Le médecin avait rendu l’âme le 27 avril 2020. L’Executive Chairman du groupe Gamma Civic, Carl Ah Teck, est lui aussi décédé du Covid-19. Il était admis à l’hôpital ENT et attendait d’être évacué vers l’Australie pour des soins médicaux. Mais n’avait pas survécu.

Causes : que dit l’OMS?

S’agissant des causes de décès, un document de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) stipule que que «le Covid-19 doit être inscrit sur le certificat médical de décès pour toutes les personnes décédées lorsque cette maladie a causé ou contribué au décès, ou est soupçonnée de l’avoir fait». Ainsi, il est aussi important de préciser, dans la partie 1 de l’acte de décès, l’enchaînement des événements ayant conduit au décès. «Par exemple, dans les cas où le Covid-19 provoque une pneumonie et une détresse respiratoire, la pneumonie et la détresse respiratoire doivent être toutes les deux mentionnées, de même que le Covid-19, dans la partie 1.»

En 2020, le décompte du nombre de morts faisait également débat. Et une source autorisée du ministère de la Santé avait déclaré que l’attribution de la cause du décès se ferait ainsi : si le patient infecté ne souffrait d’aucune autre maladie et était en bonne santé et s’il mourait, la cause de sa mort serait le Covid-19. Ce serait le seul élément mentionné sur son certificat de décès.

Mais s’il était atteint d’une autre maladie qui s’est aggravée avec le virus, le certificat ferait mention de la maladie «principale» avant et du Covid comme cause secondaire. «Par exemple, si le patient avait une maladie chronique respiratoire ou le diabète qui s’est aggravé avec le coronavirus, il serait comptabilisé parmi ceux qui ont perdu la vie à cause du virus, mais ce ne sera pas la raison principale mentionnée quant à son décès».

Panadol…

Le traitement par plasmaphérèse, tout comme celui à l’hydrochloroquine, ne sont plus d’actualité. La plupart des patients positifs au Covid, selon les autorités, n’ont droit qu’à du Panadol et sont sous surveillance, car ils guérissent seuls...

Toutefois, comme l’a mentionné la Dr. Catherine Gaud, certains ont besoin d’anti- coagulants. Pour les symptômes plus sévères comme les problèmes respiratoires, l’oxygénothérapie à haute concentration est privilégiée pour éviter l’intubation, c’est-à-dire la respiration artificielle, qui devient indispensable quand les poumons sont atteints.