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Les architectes s'opposent à l’ouverture totale des frontières à leurs confrères étrangers

6 avril 2021, 11:00

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Les architectes s'opposent à l’ouverture totale des frontières à leurs confrères étrangers

Un amendement "antipatriotique". C'est ainsi que le Professional Architects Council et la Mauritius Association of Architects qualifie le projet des autorités de permettre la libre circulation des cabinets étrangers sans passer par des joint venture avec les locaux. La mobilisation s'organise alors que le Construction Industry Development Board (Amendment) Bill passera en première lecture au Parlement dans l'après-midi de ce mardi 6 avril.

Architectes et Quantity surveyors ont vivement réagi aux amendements proposés, en envoyant, durant le weekend écoulé et hier, des courriers de protestation à Bobby Hureeraram, ministre des Infrastructures publiques ainsi qu’au Premier ministre, Pravind Jugnauth. Hier, en début d’après-midi, une nouvelle rencontre entre les parties concernées et le ministre de tutelle était prévue.

Qu’est-ce qui fait bondir les architectes dans les amendements proposés ? Pourquoi sont-ils contre l’ouverture totale des frontières aux architectes étrangers ? Alors que jusqu’à présent, tout architecte ou consultant étranger souhaitant travailler sur un projet local, doit obligatoirement être en joint-venture avec un partenaire basé ici.

Jay Sooreedoo, président du Professional Architects Council (PAC) – le conseil de l’ordre des architectes – explique que l’Union internationale des architectes (UIA) a des règles concernant les architectes opérant dans un pays étranger. La logique du joint-venture avec un architecte local, c’est pour empêcher qu’une fois le projet terminé «et que l’architecte étranger disparaît, il n’y ait plus personne qui soit responsable, en cas de problèmes». Il ajoute que l’architecte local connaît le contexte du pays dans lequel il est basé, ce qui fait qu’il est plus à même de guider son confrère venu d’ailleurs dans la conception d’un projet.

Le président du PAC confie que «la semaine dernière, en plein confinement, nous avons eu un Work Access Permit pour rencontrer le ministre alors que cette situation dure depuis des années. Je ne comprends pas pourquoi, d’un coup, il y a eu une urgence». Il précise que la raison donnée par les autorités pour cette libéralisation, c’est pour attirer le Foreign Direct Investment (FDI).

Si Jay Sooreedoo dit «comprendre tout à fait» le besoin d'investissements directs étrangers, dans la conjoncture actuelle, une contreproposition a été présentée au ministère des Infrastructures publiques. «Pour tous les projets qui passent par l’Economic Development Board et qui valent plus de Rs 1 milliard, les architectes étrangers pourront travailler à Maurice sans passer par un joint-venture». Le président du PAC affirme qu’il s’agit ainsi de «ne pas mettre des bâtons dans les roues des projets bénéficiant de financements étrangers». En contrepartie, souligne-t-il, il faut protéger les locaux parce qu’il y a des cabinets «qui veulent venir à Maurice non pas pour le FDI mais pour piquer les projets locaux».

Retraçant la chronologie des événements, le président du PAC affirme que, pour la première fois, les autorités ont justifié les amendements en mettant en avant l’harmonisation des lois, entre la CIDB Act et la Professional Architects Council Act. «Par la suite, on a mis en avant le FDI. Nous sommes venus avec une proposition à ce sujet. Maintenant, ce n’est plus le FDI, c’est la globalisation. Ce qui signifie que l’on veut ouvrir les frontières.»

L’architecte étranger ne sera plus responsable après trois ans

Divesh Guttee est le président de la Mauritius Association of Architects (MAA), association qui regroupe «environ 80 membres». La MAA est elle aussi dans les rangs des mécontents face à l’ouverture proposée du marché aux cabinets étrangers. Jusqu’à présent, les architectes venus d’ailleurs doivent obligatoirement être en joint venture avec un confrère local. «Le Mauricien détient 51% des parts.» Si on ouvre la porte pour que les architectes étrangers puissent exercer librement sur le marché mauricien, «qu’est-ce qui arrive non seulement aux architectes mais aussi à tous les consultants de l’industrie de la construction, c’est-à-dire les «Quantity Surveyors» et les ingénieurs ?» se demande Divesh Guttee. S’il dit «comprendre» le besoin en FDI, le président de la MAA souligne que si on laisse «les géants de l’architecture» venir avec leurs propres conditions et leurs équipes au grand complet, quel sera l’avenir des consultants mauriciens ? Il pose une série de questions : «est-ce que l’on pense au contexte local ? Quelles sont les implications légales en termes d’indemnités ?» Divesh Guttee cite en exemple les fuites dans une toiture ou une structure défectueuse. Que se passe-t-il après trois ans, la période durant laquelle le consultant étranger est tenu pour responsable ? «Par contre, si on garde la formule du joint-venture, pour toutes réclamations on peut toujours se tourner vers le partenaire local.»

Protestation énergique des géomètres

La Mauritius Association of Quantity Surveyors (MAQS) monte au créneau. Le dimanche 4 avril, son président, Manish Rajcoomarsing, a expédié une lettre de «strong opposition» au projet de loi, au bureau du Premier ministre, aux divers responsables du CIDB et au Professional Quantity Surveyors Council Mauritius. Elle s’oppose aux amendements au CIDB (Amendement) Bill, qui sera présenté en première lecture aujourd’hui. Avec les amendements proposés, les Quantity Surveyors ne seront plus les seuls à préparer les documents d’appels d’offres dans le bâtiment. Cette lettre déplore notamment le manque de consultations avec toutes les parties prenantes, dans le cadre de l’élaboration du projet de loi. Comme pour les architectes, le projet de loi prévoit que des ingénieurs et firmes étrangères de géomètres pourront participer à la préparation de documents d’appels d’offres à Maurice sans entrer en joint-venture avec un partenaire local. L’association se dit également contre la nomination, par le ministre de tutelle, d’un représentant de l’Association of Consulting Engineers. Vif désaccord parce que «les registered professional engineers sont membres du Council of Registered Professional Engineers. Lequel conseil est déjà représenté au sein du CIDB». L’association demande qu’un membre de la MAQS soit nommé à la place.

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