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Décès de Bertin Andriamiharinosy: le handball mauricien pleure un forgeron d’hommes

7 avril 2021, 12:25

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Décès de Bertin Andriamiharinosy: le handball mauricien pleure un forgeron d’hommes

L’ancien Directeur technique national de handball, Bertin Andriamiharinosy, a quitté ce monde, lundi aux petites heures du matin. Le technicien malgache de 79 ans avait subi un AVC (accident vasculaire cérébral) la semaine dernière et n’a pas pu gagner son dernier combat. 

Combat, voilà un mot qu’il avait enseigné à ses poulains de la sélection nationale qui avait participé aux Jeux des îles de l’océan Indien en 1998. Pour la première fois de l’histoire, le handball était inclus aux Jeux. On ne donnait pas cher de la peau des Mauriciens à cette époque. Mais lui, avait bien planifié son coup à sa nomination en 1998 sous la présidence de Sébastien Jauffret. «Je n’avais pas eu besoin de plus d’un rendez-vous avec lui pour me convaincre que c’était l’homme que le handball mauricien avait besoin à cette époque. Il était dévoué au progrès du handball mauricien», souligne Sebastien Jauffret, alors à la tête de l’Association mauricienne de handball (AMH). 

Le coach rusé avait minutieusement préparé une sélection qui allait surprendre, par sa combativité. La technique n’y était pas forcement, mais il avait transmis ce qu’il pouvait dans le court lapse de temps – trois mois – qui lui était imparti. Le stage de préparation à Madagascar, un mois avant les Jeux, lui permit d’inculquer le patriotisme, la solidarité, le goût de l’effort et l’humilité. 

Lors des matches de préparation contre les clubs malgaches et les périples de plusieurs centaines de kilomètres dans les provinces de la Grande île, il n’hésitait pas à faire sortir tout le monde de leur zone de confort. Au sens propre comme au sens figuré. Des phrases comme «La vie est un combat, jouez comme vous vivez et vivez comme vous jouez» ou «vous n’aimez pas votre pays !», qu’il martelait avaient réveillé la fibre patriotique. 

«Je me rappellerai toujours de son sermon après ce match de préparation à Mada, où nous étions lamentables. Notre attitude après une cuisante défaite n’était pas joli joli. On a eu droit à des paroles dures mais ô combien importantes qui nous a fait comprendre le pourquoi de notre sélection», se souvient Stéphane Virginie, capitaine de l’équipe nationale en 1998. 

En 1998, en tant que DTN, il avait mené la sélection nationale à une médaille de bronze aux
Jeux des îles de l’océan Indien. © JOSE CHENGEN

Traité de «Traitre» 

Son fait d’armes à Maurice a été de ramener la médaille de bronze de ces Jeux. Petite anecdote : il avait même été traité de «traitre» par certains de ses compatriotes lors du match Maurice vs Madagascar à ces Jeux, tellement il avait transformé une sélection de Maurice sans expéri-ence en une équipe qui n’avait peur de rien. «Pour lui, le collectif pouvait tout transformer ! Transformer les individus, transformer le collectif lui-même et aussi transformer leur environnement ! Cet environnement il le voulait handballistique mais surtout humain et dans le partage ! Les témoins de l’époque n’oublieront pas l’effort qu’il a déployé pour que ce dont on a reçu soit au service de ce qui nous entoure. Pas de ville trop grande ! Pas de village trop petit ! Pas d’école sans valeur ! Pas d’école de l’élite ! Là était la mission et là était la vision qu’il avait pour nous : partagez l’amour du handball à tous», résume bien, Mervin Chaumière, le benjamin de la sélection à l’époque et actuellement Head of Product Development au Luxembourg. 

La victoire de Madagascar, non sans peine, leur avait tout de même ouvert la porte de la finale face à la Réunion. Maurice ne se classa que troisième. «Cette médaille ouvrira beaucoup de portes», avait-il lancé à l’époque. Et il savait parfaitement quelles portes, celles de la formation et des décideurs politiques. 

En sus des seniors, il s’était donc attelé à la tâche de former des jeunes. Il avait ouvert plusieurs écoles de handball. Le technicien malgache avait justement encadré des seniors qui, à leur tour, s’adonnaient à l’initiation de la discipline dans les établissements scolaires de l’île. «Grâce à lui j’ai découvert ma passion, pour moi il a été un guide, il a toujours cru en moi et m’a poussé à aller de l’avant dans ma carrière de joueur et dans la vie», souligne Jessie Thérèse, collégien au New Eton à l’époque et ex-élève de Bertin. Il entraîne désormais la JSB à la Réunion. 

Avec l’aide de son fils, Tillo, le mentor malgache sillonnait les quatre coins de Maurice, de même que Rodrigues, afin de transmettre sa passion et détecter les plus talentueux pour les diriger vers les clubs nationaux. L’homme à la besace suivait – des fois en voyageant humblement dans des autobus – chaque échelon de la pyramide pour être sûr que le travail en amont était fait. 

«C’est rare de recevoir de quelqu’un tant de choses dont on aurait jamais demandé. Il avait une mission de nous encadrer pour le handball. Il l’a dépassée en nous montrant à nous battre pour notre pays. Le Malgache nous a inculqué comment survivre. En ces temps de confinement prolongés et les impacts il a définitivement contribué pour que nous ayons aujourd’hui le mental qu’il faut», analyse Jimmy Anthony, gardien de but en 1998 et ex-élève du collège Saint-Esprit. Il fait le parallèle avec le décès il y a un mois, de son autre mentor, Paul Randabel (voir hors-texte). 

Puis,le contrat du DTN n’a pas été renouvelé. Mais il avait laissé un gros héritage, qui, par la suite, a été dilapidé. Le championnat national masculin comptait effectivement jusqu’à deux divisions à l’époque, soit au début des années 2000. Le championnat féminin comptait plusieurs équipes. Même si le travail en féminin était plus laborieux, il avait réussi à rassembler quelques équipes de filles. 

Jeux d’Afrique et CAN 

Melissa Blackburn, née Nadal, se souvient de ses précieux conseils à l’époque où elle avait commencé avec une sélection de jeunes. «Il avait toute l’écoute nécessaire, l’empathie, les mots justes, l’attention, les conseils ajustés et qui arrivent à chaque fois au bon moment. Les séances d’entraînement avec Bertin, (très hardcore) ont boosté ma combativité et m’ont appris à aller au-delà de mes capacités», fait remarquer celle qui évolue toujours avec l’USBBRH, championne de Maurice. 

À son retour à Madagascar, Bertin s’est rap-proché de son club de toujours, l’AS Saint-Michel. Il a, par la suite, revêtu le costume de DTN de Madagascar. Il convient de souligner que le natif de Tana a connu une riche carrière en tant que joueur et entraîneur. En 1965, il était capitaine de l’équipe malgache qui avait participé aux Jeux d’Afrique au Congo Brazzavile. En 1974, il était l’entraîneur de Madagascar à la Coupe d’Afrique des Nations en Tunisie. Quatre ans après, il était toujours à la tête de l’équipe aux Jeux d’Afrique en Algérie. À ses heures perdues, il touchait aussi à la plume. Il a sorti plusieurs ouvrages sur le sport à Madagascar et Maurice. 

Bertin Adriamiharinosy laisse derrière lui deux en-fants et cinq petits-enfants. Son fils, Tillo, faisait partie des pionniers de l’Union Sportive de Beau-Bassin- Rose-Hill, multiple champion de Maurice. «Je remercie Dieu de nous l’avoir donné. C’était un bon vivant et un faiseur de joie», nous a déclaré, lundi, son fils, entraîneur de l’AS Saint-Michel. 

À l’annonce de sa mort, lundi, sur les réseaux sociaux, les hommages ont plu. Des handballeurs, mais aussi des sportifs et des dirigeants d’autres disciplines qu’il a croisées lors de son passage à Maurice n’ont pas manqué de saluer son travail de longue haleine. Son enterrement est prévu aujourd’hui à Madagascar. 

De temps en temps, grâce à la Coupe des clubs de l’océan Indien, il venait à la rencontre de ses anciens poulains. La trace qu’il a laissée dans le handball mauricien est indélébile. La trace humaine qu’il a laissée chez ses élèves sera perpétuée. 

Parole d’élève…



Réactions

Stéphane Virginie (Capitaine de la sélection 1998) : 
«C’est un honneur et un privilège d’avoir eu sur ma route ce Grand Monsieur. Il y a tellement à dire,mais les choses les plus exceptionnelles furent sa simplicité, son charisme et les mots qu’il utilisait. Je me rappellerai toujours de son sermon après un match de préparation à Mada, où nous étions lamentables. Notre attitude après une cuisante défaite n’était pas joli, joli. On a eu droit à des paroles dures mais combien importantes qui nous a fait comprendre le pourquoi de notre sélection, l’importance de la dignité (peut-être beaucoup se rappelleront de cet épisode), et je pense que c’était là que le groupe naissait. Sacré Monsieur Bertin, vraiment un super coach et par-dessus tout un homme d’exception. Merci encore Monsieur Bertin.» 

Mervin Chaumière (arrière en 1998) : 
«Il y a ceux qui viennent, passent et partent ! Et il y ceux qui viennent, donnent, transforment et partent ! Et même partie, ils sont toujours là ! Là dans nos gestes, là dans nos décisions, là dans notre chaîne de valeur, là à nous dire qu’aucun obstacle est infranchissable et qu’aucune contrainte est insupportable ! 

De ‘dégagez Chaumier’ à la médaille de bronze au JIOI, ce fut un parcours où il a su insuffler les valeurs de l’effort, du travail, du respect, de l’abnégation et de la discipline tant individuel que de sa contribution au collectif ! Pour lui, le collectif pouvait tout transformer ! Transformer les individus, transformer le collectif lui-même et aussi transformer leur environnement ! 

Cet environnement, il le voulait handballistique mais surtout humain et dans le partage ! Les témoins de l’époque n’oublieront pas l’effort qu’il a déployé pour que ce dont on a reçu soit au service de ce qui nous entoure. Pas de ville trop grande ! Pas de village trop petit ! Pas d’école sans valeur ! Pas d’école de l’élite ! Là était la mission et là était la vision qu’il avait pour nous : partagez l’amour du handball à tous ! Transformez le paysage ! Transformez les gens ! 

Il y a de ceux qui viennent passent et partent et puis il y a Bertin !» 

Jimmy Anthony (gardien de but en 1998) : 
«En 2021, le 9 mars, Paul Randabel est parti à 85 ans et le 5 avril Bertin s’en va à 79 ans. Deux contemporains qui n’ont rien en commun au départ. Un Mauricien et un Malgache. Je me dis encore ce matin qu’à 10 ans d’intervalle dans ma vie j’ai eu le privilège de côtoyer deux monuments du sport pour forger ce que je suis devenu. Après Paul Randabel, c’est Bertin qui s’en est allé. Cette disparition à un mois de différence n’est pas la seule comparaison tangible. Deux personnes qui ont consacré leur vie au sport sans que l’on ait rien vraiment demandé. On s’attendait à avoir des coaches mais on a croisé des forgerons qui ont été là pour transformer des jeunes que nous étions en hommes de métal prêts à tous les combats de la vie. Des exemples de gens simples grands hommes. De différentes frontières mais avec le même destin.»

Jeannot Dorasawmy (demi-centre en 1998) : 
«On a perdu notre mentor. Ta simplicité, ton humilité, ton grand coeur et j’en passe pour décrire ce monument que tu étais. Ton sens de l’observation, ta patience, ta motivation et tes précieux conseils ont fait de nous des guerriers sur le terrain et des hommes dans la vie de tous les jours. Merci encore pour tout ce que tu m’as appris personnellement. 

REST IN POWER MAESTRO.» 

Sanjay Dabydin (gardien de but en 1998) : 
«Je m’en souviens comme si c’était hier, juste après les Jeux des îles de 98, Bertin m’avait dit : cette médaille de bronze vaut beaucoup plus que vous ne pouvez l’imaginer !! Il venait me voir à la SMF, Vacoas, ou des fois, m’attendait à Quatre-Bornes et sur ma mobylette Peugeot 103, on allait à Triolet, Pamplemousses etc pour monter et entraîner des équipes de hand dans des collèges ! Chapeau bas à ce Grand Homme qui n’hésitait jamais de donner de sa personne, pour l’avancement et le progrès du handball mauricien !! Pa pou ena ene 2e couma li encore ... Fier de l’avoir connu et côtoyé pendant toutes ces années !» 

Sébastien Jauffret (président de l’AMH en 1998) : 
«Bertin était un grand homme avec une passion immense pour ce qu’il faisait et avait entrepris à Maurice. Je n’avais pas eu besoin de plus d’un rendez-vous avec lui pour me convaincre que c’était l’homme que le handball mauricien avait besoin à cette époque. Il était dévoué au progrès du handball mauricien. Adieu Maestro, Adieu mon ami. Tu garderas toujours une place de choix et de respect dans mon coeur.» 

Dario Chowrimootoo (arrière en 1998) : 
«Un grand du handball de l’océan Indien s’en est allé. Notre cher Bertin, ‘le Magicien’ pour certains dans le giron à l’époque, nous a grandement aidé à bâtir des fondations solides et sérieuses pour un épanouissement du handball sur le long terme à Maurice. La seule médaille internationale (NdlR : Chez les seniors) que compte notre équipe nationale porte les griffes de Bertin. Il nous a beaucoup encadré, donné de lui-même pour mener à bien sa tâche quoique très difficile en ces temps car le handball n’avait pratiquement aucune considération sur le plan national. 

Il était comme un bûcheron, qui a élagué, coupé, aplatit, transformé tout autour de lui; tant de jeunes, joueurs, dirigeants, politiques et cadres du privé pour bâtir un handball mauricien unique. Bravo à toi Monsieur Bertin... Merci pour ton dévouement, ta passion, ta flamme et ta sagesse. On te doit beaucoup. Au plaisir de te revoir là-haut, dans le jardin de Dieu. 

Repose en paix mon ami... »

Pascal Azor (joueur de l’USBBRH) : 
«Mo croir personellement ki sans so presans dans nous discipline sportive pas ti pou ena sa eclosion de handballeurs et hommes forts ki nous discipline fine conner. Moi personally I have be-come a “killing man” sans état d’âme avec pour seul but la victoire collective. Seki mone vive humainement indescriptible et inimaginable. Anecdote capav fer best seller mais mo capav mort en me disant que j’ai eu une vie que personne d’autre ne vivra. Merci à twa Bertin, ton fils Tillo et tous les handballeurs kine fer zafer la possible.» 

Jessie Thérèse (jeune issu des écoles de handball) : 
«L’homme fort du handball mauricien est parti. Grâce à lui j’ai découvert ma passion, pour moi il a été un guide, il a toujours cru en moi et m’a poussé à aller de l’avant dans ma carrière de joueur et dans la vie. Dernièrement on a fêté son anniversaire chez moi à Maurice et on a eu l’occasion de faire un gala pour lui remercier de son investissement pour le hand local. Au revoir Maître Bertin.» 

Melissa Blackburn née Nadal (jeune issue des écoles de handball) : 
«Bertin est LE coach ! Sa bienveillance et son optimisme m’ont accompagné tout au long de mon apprentissage au hand, j’en suis sortie grandie de cette aventure sportive et humaine. Il avait toute l’écoute nécessaire, l’empathie, les mots justes, l’attention, les conseils ajustés et qui arrivent à chaque fois au bon moment. 

Les séances d’entraînement avec Bertin, (très hardcore) ont boosté ma combativité et m’ont appris à aller au-delà de mes capacités. Grâce à son fort caractère et à son expertise, il m’a donné de nombreuses clés pour exceller dans mon jeu. 

Paix à ton âme et un énorme MERCI à toi Bertin !»