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Ranger les ego face aux menaces
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Ranger les ego face aux menaces
Pour sortir du gouffre économique causé par les effets dévastateurs du Covid-19, faut-il réunir les meilleures compétences du pays indépendamment de leurs convictions politiques. L’ex-ministre des Finances Rama Sithanen a émis l’idée alors que se profilent de nouvelles menaces pour le secteur financier.
L’ex-ministre des Finances Rama Sithanen a lancé l’idée d’un gouvernement d’unité nationale, voire d’une plateforme pouvant réunir les meilleures compétences du pays en vue de sortir le pays de la pire crise économique, sanitaire et sociale jamais connue depuis la grande dépression de 1929.
Pour le moment, le titulaire Renganaden Padayachy n’a donné aucune réponse face à cette démarche patriotique de Rama Sithanen, loin des considérations politiques partisanes. Certes, il faut s’attendre à ce que le ministre soit insensible à cette proposition car la culture politique des uns et des autres laisse peu de place à des concertations de bon sens même sur un sujet d’intérêt national comme la sortie de crise post-Covid.
Or, trop souvent les mains tendues de l’opposition ou d’un expert pour dégager des pistes de réflexion en vue de régler ensemble un sujet d’intérêt national sont souvent repoussées d’un revers de main. Comme dans le cas de la motion du leader de l’opposition pour identifier un plan national avec le gouvernement sur la crise sanitaire.
Les observateurs diront que c’est une question d’ego et que Rama Sithanen, s’il était aux affaires, se comporterait peutêtre de la même façon, répétant à qui veut l’entendre qu’il a les compétences pour sortir le pays de cette crise économique inédite. Peut-être que oui !
Entre-temps, l’absence d’un leadership économique au plus haut sommet de l’État couplée avec de nouveaux défis qui s’ajoutent à notre secteur financier, déjà lourdement fragilisé avec l’inscription de la juridiction mauricienne sur les listes grise et noire, complexifie la situation.
Ainsi, la proposition de la nouvelle administration Biden annonçant l’imposition d’un impôt minimum mondial de 21 % sur les sociétés internationales risque de nuire à un des avantages comparatifs (ce qui reste encore malheureusement) dont jouit le centre financier de Maurice auprès d’investisseurs internationaux privilégiant la juridiction mauricienne en raison de sa fiscalité légère.
Africa Intelligence, publication quotidienne en ligne en date du 15 avril, souligne comment cet impôt global sur les bénéfices «supprimerait la concurrence fiscale dont Maurice est l’un des principaux bénéficiaires». Tout «en mettant fin à une pratique dont les fiducies de l’île bénéficient largement : l’attribution à des structures mauriciennes de bénéfice». Et rappelle en exemple «le cas de la marque de jeans Levi’s, présente en Afrique du Sud, et qui fait transiter certains de ses revenus par Maurice, Singapour ou encore Hong Kong». L’express analyse plus loin l’impact de cette réforme fiscale américaine, qui générerait plus de USD 150 milliards à son Trésor public, sur les fiducies qui font encore confiance à la juridiction mauricienne pour y transiter leurs revenus réalisés sur des opérations hors de l’île.
Une image de paradis fiscal que Maurice traîne depuis plus de deux décennies auprès d’instances internationales et de certains pays dont l’Inde, relayée abon- damment dans la presse internationale. À l’instar du prestigieux magazine The Economist qui dans son édition du 17 avril à la page 53 sous le titre «India has proved to be a popular – and clever – investor in poor countries» souligne que «multinational companies headquartered in India generally set up local subsidiaries. They route money through tax havens such as Mauritius. And the 18modd overseas Indians (those born in the country or holding Indian citizenship) include entrepreneurs who switch passports and register businesses locally».
De la même manière, on ne comprend pas la pertinence des autorités visant à restreindre l’utilisation des réseaux sociaux, voire d’interdire la liberté d’expression. Et ce par le biais des amendements proposés à l’Information and Communication Technologies Act alors même que la Quarantine Act 2020 exerce déjà de fortes pressions sur les libertés individuelles des Mauriciens. Ce qui est déjà une réalité dans beaucoup de pays en Asie où la tentation est forte pour mettre la démocratie sous cloche.
Malgré les assurances données par les autorités sur le motif réel de cette démarche, le fait d’y avoir pensé et de venir avec ces amendements renforce l’image d’un régime autocrate comme l’agence suédoise V-Dem a qualifié le pays récemment.
Certes, la portée des amendements à l’ICT Act, qu’il s’agisse de l’utilisation de Facebook ou d’autres supports, ne se limite pas seulement à l’image démocratique de Maurice et peut raisonnablement impacter les activités économiques. Les opérateurs cernent dans l’article la corrélation entre réseau social et la liberté individuelle et économique d’entreprendre sans qu’on soit espionné. Pouvoir communiquer librement entre les partenaires économiques, peu importe l’outil utilisé, est un gage de confiance même si on n’occulte pas le fait qu’il existe des dérives de la part de certains facebookers. L’arsenal légal est assez sévère pour sévir des récidivistes de la Toile. Pour autant, la réalité des statistiques reste toujours cruelle sur le front économique.
Pour cause, l’agence américaine Moody’s note dans sa dernière analyse que le tourisme ne retrouvera sa posture d’avant-crise qu’en 2024 et que la contraction économique de 14,7 % en 2020 couplée avec la dépréciation accélérée du taux de change a fait baisser le revenu par tête d’habitant de 23 % l’année dernière. Soit de USD 11 000 en 2019 à USD 8 600 l’année dernière. Résultat : à peine classée dans la catégorie des pays à haut revenu que Maurice doit quitter tristement cette ligue pour se retrouver parmi ceux à revenu moyen. Les économistes parlaient à l’époque d’effet de comptabilité et de dépréciation de la roupie pour justifier le nouveau classement de Maurice. Le passage aura été lamentablement de courte durée.
Si selon Rama Sithanen, le premier confinement a amplifié les problèmes structurels, le second les dégradera davantage. Son analyse clinique des principaux indicateurs macro-économiques l’amène à privilégier les trois r dans la crise actuelle : résilience, réforme et relance. Cependant, sa proposition de détruire les canards boiteux vu qu’on ne peut indéfiniment «throw good money after bad money» suscitera nécessairement de vives critiques même si au bout du compte elle relève du bon sens économique.
Qui a dit que l’après se prépare aujourd’hui…
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