Publicité

Réactivation: ce que vous devez savoir

2 mai 2021, 19:30

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Réactivation: ce que vous devez savoir

Réactivation. C’est le nouveau variant lexical du Covid-19. Du moins, à Maurice. Cela, depuis mercredi, lorsqu’un patient dialysé qui avait été testé positif, qui avait été traité puis autorisé à rentrer chez lui, a été testé positif à nouveau. Selon le communiqué du Government Infomation Service émis ce jour-là, il s’agit d’une réactivation du virus. Qu’est-ce que cela veut dire ? Est-ce qu’il existe d’autres explications pour expliquer le phénomène ?

Pour comprendre le principe de réactivation du virus, la Dr Catherine Gaud, conseillère au bureau du Premier ministre, sort de la science, puise dans le vocabulaire militaire. «Imaginez un corps qui est attaqué par le virus. Le virus se multiplie. Le corps réagit en envoyant une armée le combattre, cette armée, c’est le système immunitaire.» Après la bataille, chez un individu en bonne santé, l’armée gagne et le virus est détruit.

Il existe des cas où les défenses du corps neutralisent le virus totalement et dans d’autres cas, il reste tellement peu de virus que la personne est considérée comme étant guérie. Le test PCR est négatif. La personne n’est pas infectieuse et son système immunitaire arrive à bout des résidus. Cependant, dans le cas des patients immunodéprimés – comme les dialysés – il arrive que le peu de virus qui reste arrive encore à se développer et lance une deuxième attaque sur le corps. Dans ces cas, la personne est testée positive une nouvelle fois.

Ces pathogènes connus pour se réactiver

La réactivation n’est pas nouvelle. Il existe plusieurs maladies qui se manifestent après des années. Les exemples les plus connus sont l’herpès, la tuberculose ou encore la varicelle. Même après le traitement et la guérison, les microbes responsables ne quittent pas complètement le corps. Ils deviennent inactifs et se tapissent tranquillement dans le corps à des endroits bien spécifiques. Par exemple, la bactérie de la tuberculose se cache dans les poumons et le virus de la varicelle, lui, préfère le confort de la colonne vertébrale.

Lorsque le corps est fatigué ou infecté par un autre parasite, le système immunitaire faiblit. C’est à ce moment que ces virus se réactivent, se multiplient et attaquent de nouveau. Dans le cas du Covid-19, la situation est différente car le virus ne devient pas inactif. Il est toujours actif car le corps n’a pas réussi à l’éliminer totalement, mais il est longtemps présent en si petite quantité que les examens biologiques ne peuvent le dépister et chez les personnes immunodéprimées. Et puis, après quelques jours, il réussit à se multiplier en plus grande quantité et reprend, temporairement, son caractère infectant. Mais le terme utilisé est le même dans les publications.

Le PCR

Revenons au Covid-19 et aux tests PCR. La question qui se pose est pourquoi le test PCR est négatif si le patient a toujours le Sars-CoV2 dans le corps ? Il faut tout d’abord savoir comment un test PCR est réalisé. Un échantillon des sécrétions pharyngées est prélevé en passant par le nez ou la gorge. Le matériel génétique de l’échantillon est amplifié pour pouvoir être testé. L’amplification se fait par cycle. Plus il faut de cycles d’amplification, moins le virus est présent. Selon l’Organisation mondiale de la santé, la limite de cycle pour un test est de 40 cycles. «Si le PCR est négatif, cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus de virus du tout. Au bout de 35 cycles, on peut dire que le patient a tellement peu de virus qu’il est considéré comme non- transmissible. À 40 cycles, le patient est négatif car l’amplification est trop importante. La charge virale est négligeable», explique, pour sa part, Houriiyah Tegally, doctorante en bio-informatique.

Donc, chez un patient qui a très peu de virus, le cycle d’amplification dépasse le seuil imposé pour décider de la positivité, d’où le diagnostic négatif. Dans ce cas, le patient est renvoyé chez lui. Lors de la conférence de presse du National Communication Committee du 29 mars, la Dr Catherine Gaud avait expliqué que des fois, il se peut aussi que des squelettes de virus soient retrouvés dans la gorge des patients même après trois mois. «On ne va pas garder des gens sous hospitalisation pour des virus morts.»

En ce qui concerne la transmissibilité, l’immunologiste fait valoir que le cas du Covid-19 est semblable à d’autres maladies. «Par exemple, un patient séropositif qui suit son traitement et a une charge virale très faible ne transmet pas le VIH, même s’il l’a dans le corps. Le concept de charge virale est très important.»

Cependant, précise la conseillère du PMO, le test PCR n’est pas le seul critère qui est pris en considération pour la décharge des patients. «Comme dans toutes les maladies il y a des cas particuliers. Le test PCR est un des critères, les autres sont, tout comme l’âge, la gravité clinique du Covid, les antécédents de la personne, la durée d’hospitalisation, l’existence d’anticorps, entre autres.» La décision, précise-t-elle, est prise par un panel de spécialistes.

Qu’en est-il de la réactivation ? En théorie, cela peut se produire, renchérit Houriiyah Tegally. Elle cite une étude sur un échantillon de 100 patients immunodépressifs menée en Angleterre. Les sujets étaient positifs, ont été traités et renvoyés chez eux après deux tests négatifs consécutifs. Une réactivation a été notée chez 27 % du groupe après 17 jours en moyenne.

Les autres cas qui font sourciller

Le cas de ce patient dialysé n’est pas sans rappeler d’autres cas qui sont en apparence similaire. En novembre dernier, il y avait le cas atypique d’un homme qui rentrait de l’Australie. À son retour, il avait été testé positif, traité et autorisé à rentrer chez lui. Par la suite, il avait été testé positif une nouvelle fois. Le 12 avril, même scénario. Un patient, qui avait été traité, a été testé positif à nouveau à l’hôpital Victoria et toute une salle avait été placée en isolement. S’agit-il de réactivation à chaque fois ?

En ce qui concerne l’homme d’affaires revenu d’Australie, l’explication est toujours recherchée. «La personne n’est pas immunodéprimée. Nous cherchons toujours une explication», avance la Dr Catherine Gaud. Quant au deuxième cas, elle affirme que «c’est un peu la même chose, avec une situation clinique différente, chaque cas est différent».

Pistes probables

Pour d’autres experts, plus sceptiques, les explications ne convainquent pas. Il se murmure qu’il y a trop de cas atypiques pour un petit comme Maurice et que l’erreur doit venir d’ailleurs. Oui, mais d’où ?

Tout d’abord, dans le test lui-même. Il a souvent été question, surtout durant la première vague, de faux positifs et négatifs. Au-delà de l’erreur humaine, les tests PCR, dépendant de la qualité et de la fabrication, viennent avec une marge d’erreur intrinsèque, d’où le fait qu’il faut effectuer deux tests pour assurer une négativité. En ce qu’il s’agit de faux positifs, cette marge a été évaluée entre 0,8 % à 4 %. Mais ce cas est moins grave car en cas de résultat positif, la personne est quand même isolée. En ce qui concerne les faux négatifs, la situation se complique car la marge est plus élevée. Elle se situe entre 2 % et 9 % en moyenne.

Deuxièmement, il y a aussi l’erreur humaine. Cette situation est évoquée car il est très peu probable que deux tests PCR consécutifs soient de faux positifs. Par exemple, un échantillon mal prélevé ou les étapes de conservation pas respectées avant de procéder au test peuvent fausser les résultats. Il y a aussi la question de nouvelle contamination après la période de traitement car lors de la seconde vague, les informations disponibles ont démontré qu’il est fort probable que des patients aient été infectés en centre de quarantaine. Dans le cas des patients dialysés, l’infection dans le centre de traitement a été prouvée.

Entorse au protocole ?

Pour qu’un patient soit considéré comme étant guéri, il faut deux tests négatifs consécutifs à 24 heures d’intervalle, au moins 10 jours après son admission. Selon le Dr Vasantrao Gujadhur, le protocole n’a pas été respecté pour le patient dialysé testé positif à nouveau. L’ancien directeur des services de Santé publique affirme que le patient a été admis le 9 avril et il a été autorisé à rentrer chez lui le 22 avril. «Mais j’ai appris qu’il n’y a pas eu de test PCR de sortie ni le 20 ni le 21 avril», affirme-t-il. Donc, si c’est avéré, il ne s’agit pas d’un cas de réactivation mais bien d’un cas de patient non-traité qui a eu sa décharge.

Interrogée sur les tests de sortie, la Dr Catherine Gaud parle du protocole et précise qu’en général, il comprend une période d’auto-isolement de sept jours après la décharge suite à deux tests négatifs. Un autre test PCR est réalisé après cette période. «Mais chez les patients dialysés, nous avons décidé de le faire tous les trois jours, et c’est là que nous avons découvert ce test positif. Nous lui avons proposé d’aller sept jours à l’hôtel pour être bien auto-isolé avec l’assistance d’un seul de ses proches, mais il a refusé en disant qu’il respecterait très bien l’auto-isolement. Mais malheureusement, la promesse n’a pas été respectée.»

De plus, le patient a été testé positif à nouveau le 28 avril. Le Dr Vasantrao Gujadhur se demande si ce patient s’est rendu dans les centres de dialyse entre le 22 et le 28 avril et comment il s’y est rendu. Car si les protocoles et gestes barrières ne sont pas respectés, il se peut que d’autres patients dialysés aient été contaminés.

Ici, il faut noter que dans la plupart des cas où les patients ont été testés positifs à nouveau après un très court laps de temps, il s’agit de réactivation. La réinfection est évoquée lorsqu’un patient positif est testé positif à nouveau après une longue période. Cependant, selon les informations du Dr Gujadhur, ce nouveau patient dialysé ne tombe dans ni l’une ni l’autre catégorie car si les tests de sortie n’ont pas été réalisés, il est impossible de définir si le patient était guéri ou pas…