Publicité

Agalega: base non, militaires oui

19 mai 2021, 22:30

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Agalega: base non, militaires oui

C’est ce qu’a affirmé le Premier ministre lors de la PNQ au Parlement, hier. Pravind Jugnauth a une fois de plus démenti les informations selon lesquelles Agalega abritera une base militaire indienne. Par contre, il a une nouvelle fois affirmé que l’archipel de 250 habitants au nord de Maurice sera ouvert aux militaires indiens et autres sur autorisation des autorités mauriciennes.

«Maurice n’a aucun accord avec l’Inde pour mettre en place une base militaire à Agalega.» Le Premier ministre (PM) ne capitule pas et l’a réitéré «sans équivoque» lors de la Private Notice Question (PNQ), hier. Cela, malgré les images satellitaires de Google montrant l’ampleur des travaux portuaires et aéroportuaires dans cet archipel de 250 habitants et les nombreux articles de presse sur la nouvelle base indienne dans l’océan Indien qui ne cessent de pulluler dans des médias respectés à Maurice, en Inde, en Europe, entre autres.

Soulignons que ce n’est pas la première fois que Pravind Jugnauth dément les informations exposées sur les intentions réelles de la Grande péninsule à Agalega, y compris par la presse indienne. Le 16 juin 2017, toujours en réponse à une PNQ de Xavier-Luc Duval sur Agalega, le chef du gouvernement avait affirmé ceci : «Ce gouvernement (NdlR, celui qu’il dirigeait avant les élections de 2019) n’a jamais eu et n’aura jamais l’intention de céder Agalega à un pays étranger. Les îles Agalega feront toujours partie intégrante de notre territoire.»

Hier, il a assuré que les installations réalisées «placeront Agalega sur la voie du développement et du progrès et amélioreront la vie des Agaléens avec l’aide de l’Inde». En ajoutant que «notre peuple est au cœur de nos objectifs».

Mais surtout, Pravind Jugnauth, réalisant que la surexposition médiatique du véritable objectif de l’Inde avec un pied à terre à Agalega ne peut être sans conséquence sur le combat de Maurice pour la souveraineté des Chagos, en a profité pour glisser que le développement des îles de l’archipel des Chagos est aussi à l’agenda. Ce, une fois que Maurice aura toutes les cartes en main.

Pour revenir à Agalega, le Leader of the House, comme pour répondre à ceux qui redoutent que les 250 habitants ne subissent le même sort que les Chagossiens avant l’Indépendance, a évoqué les autres projets non-indiens prévus à l’île du Nord et du celle du Sud. À savoir l’aménagement d’un débarcadère, d’une bibliothèque, d’un gymnase et d’un centre de refuge par l’Outer Islands Development Corporation. Mais, en particulier, il a remis sur le tapis un projet maintes fois annoncé dans le passé mais jamais concrétisé, soit la construction de 50 maisons, non par la National Housing Development Company comme initialement mentionné, mais par le ministère du Logement.

En tout cas, de cette PNQ, l’on retiendra que le PM ne nie pas le fait que les avions et bateaux militaires se poseront et jetteront l’ancre à Agalega. Comme il l’a déjà dit à l’Assemblée nationale le 16 juin 2017, il réitère qu’il ne voit aucun problème qu’Agalega accueille ces transports militaires et non seulement ceux des Indiens, comme le fait déjà Maurice. «La piste d’atterrissage et la jetée sont sous notre contrôle. À nous de donner l’autorisation. Nous recevons beaucoup de requêtes d’avions militaires et de bateaux de la marine. Je ne vois pas pourquoi ce qu’on fait ici, on ne le fera pas à Agalega», a fait valoir le chef du gouvernement.

Toutefois, à Xavier-Luc Duval qui lui a demandé de donner l’assurance que ceux transportant des armes nucléaires ne seront pas autorisés, Pravind Jugnauth a rappelé que le pays est signataire d’une convention pour la démilitarisation de l’océan Indien (voir «Il a dit»). À noter qu’en première partie de sa réponse à la PNQ, le chef du gouvernement a repris le même historique de l’accord entre les deux pays, fourni à la précédente PNQ sur Agalega le 16 juin 2017.

Le fait qu’il s’étalait en longueur a irrité Xavier-Luc Duval, qui l’a fait savoir au président de la Chambre. Ce à quoi la réplique «I have no control over the executive» de Sooroojdev Phokeer a fait froncer bien des sourcils dans l’Hémicycle. Détaillant enfin la nature des autres infrastructures aménagées par Afcons sous la supervision de Rites engineering consultancy (les deux firmes indiennes qui ont décroché le contrat du gouvernement indien) en sus de la nouvelle piste de trois kilomètres de long et la jetée, le PM a parlé d’une tour de contrôle, d’un terminal passagers, d’un hangar, d’éclairage de piste permettant des atterrissages de nuit, entre autres. Le port sera, lui, doté d’eau potable, de services à incendie et de grues, pour ne citer que cela.

Plus important, le chef du gouvernement a déclaré qu’il n’y aura aucun entrepôt pour le stockage d’armes et de munitions. Mais le stockage de carburant et des logements pour les membres du personnel de la National Coast Guard sont bien au programme. Pravind Jugnauth a aussi indiqué que la piste et la jetée seront prêtes fin décembre de cette année alors que les autres constructions seront retardées à cause des contraintes provoquées par le Covid-19 pour y acheminer la main-d’œuvre indienne. Cependant, il est à noter que cette fois-ci, il n’a pas précisé le coût total du projet. Il a uniquement dit que «le projet est financé entièrement par l’Inde».

Pourtant, le PM avait été plus précis dans une réponse écrite fournie au Financial Times dans un article intitulé «India’s plans on archipelago in Mauritius cause unease», en date du 25 octobre 2018. Il avait affirmé ceci : «Afcons, une société indienne, a remporté le contrat de Rs 3 milliards (87 millions de dollars) pour les travaux qui seront entièrement financés par le gouvernement indien sur la base d’une subvention et comprennent une jetée et une piste d’atterrissage avec les installations associées.»

À souligner que l’ancien ministre des Affaires étrangères Nando Bodha, qui a fait partie des Cabinets successifs depuis décembre 2014, avait une question sur les travaux, le coût, la date de finalisation et l’utilisation future des installations à Agalega, inscrite à l’ordre de la séance d’hier. 16e sur les 18 questions adressées au PM, la question n’avait aucune chance d’être répondue.

Le PM «not aware» des doléances des habitants

Pravind Jugnauth a beau être le ministre des Îles éparses mais il est loin d’être au courant des doléances des Agaléens. C’est ce qu’a fait ressortir Xavier-Luc Duval durant les questions parlementaires. Le leader de l’opposition lui a parlé du refus essuyé par des Agaléens qui ont essayé d’acheminer du ciment de Maurice vers Agalega pour améliorer leur logement. Il a aussi évoqué le cas d’Arnaud Poulay, artiste engagé et président de l’association La Voix des Agaléens, qui a vu sa requête d’élevage de bétail être rejetée par les autorités mauriciennes concernées. Deux cas où Pravind Jugnauth a rétorqué d’un «I am not aware» mais qu’il vérifierait. D’autre part, à la question de savoir pourquoi il n’y a pas un seul travailleur agaléen sur les sites des installations alors que des douzaines d’entre eux sont au chômage, le PM a affirmé que les Agaléens sont de la partie uniquement pour le chargement et déchargement du Mauritius Trochetia. Avant d’ajouter que d’autres emplois ont été offerts aux habitants selon leur savoir-faire mais que personne ne s’est manifesté.

«Pas de pollution»

Xavier-Luc Duval a rappelé que dans le passé, la ministre Fazila Jeewa-Daureeawoo a pris l’engagement devant la Chambre pour la rédaction d’un rapport sur l’impact environnemental des installations indiennes. Il a donc demandé à Pravind Jugnauth s’il va déposer une copie du rapport. Le chef du gouvernement a répliqué qu’un rapport environmental a bien été préparé par le consultant et a précisé que les travaux à Agalega n’ont pas été exemptés mais qu’ils ont été «delisted» de l’Environmental Impact Assessment, selon la loi. Si d’aucuns diront que c’est du pareil au même, Pravind Jugnauth a lui souligné que c’est différent.

Par ailleurs, toujours à l’heure des questions supplémentaires, le PM a révélé avoir, lui aussi, vu les photos de ce qui s’apparente à un massacre écologique durant les constructions et partagées par l’activiste Bruneau Laurette le 17 février. Concernant la photo qui montre une étendue d’eau polluée par ce qui ressemble à de l’huile lourde ou du bitume, Pravind Jugnauth affirme qu’il a été informé que l’eau était devenue brunâtre car des pluies ininterrompues avaient charrié de la boue provenant du chantier. «La question a été soulevée par son (Xavier Luc Duval) bon ami Bruneau Laurette et la haute commissaire de l’Inde, qui a aussi enquêté, a conclu qu’il n’y avait pas de pollution», a affirmé Pravind Jugnauth.