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ICTA : «Nous sommes ouverts aux propositions alternatives qui répondent à nos objectifs» dit Trilok Dabeesing

20 mai 2021, 20:02

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ICTA : «Nous sommes ouverts aux propositions alternatives qui répondent à nos objectifs» dit Trilok Dabeesing

L’envoi des commentaires pour la consultation publique sur les réseaux sociaux prend fin aujourd’hui à minuit. Après des semaines de polémique, Trilok Dabeesing nous a accordé un entretien afin «d’apaiser les craintes» des Mauriciens.

Quel est l’objectif de cette consultation publique sur les réseaux sociaux ?

Depuis 2001, l’ICTA est le régulateur des services de communications à Maurice. L’une des fonctions de l’organisme, soit l’article 18 (1) (m), est «to take steps to regulate or curtail the harmful and illegal content on the Internet and other information and communication services». C’est sous cet artcile de la loi que nous avons le mandat de régir les réseaux sociaux. En 2012, nous avons introduit le filtre contre les sites pédopornographiques. Or, avec la hausse des délits et le délai de suppression des contenus indésirables sur les réseaux sociaux, nous ne pouvons rester les bras croisés. Des instances judiciaires et parajudiciaires ont questionné plusieurs fois ce qu’on fait pour la réglementation.

 L’ICTA ne s’est-elle pas précipitée pour proposer des changements dans nos lois sur les réseaux sociaux ?

Actuellement, c’est la police qui fait des enquêtes. Toutes les plaintes ou requêtes que nous recevons sont transmises à la police et aussi au bureau de Facebook en Afrique du Sud, car c’est la plateforme la plus utilisée à Maurice. Il y a des plaintes pour des délits en ligne récurrents et des propos racistes, communaux entre autres. Cela peut menacer le tissu social à Maurice.

 Facebook n’a-t-elle pas des outils pour combattre les publications indésirables ?

Le bureau de l’Afrique du Sud de Facebook ne fait que transmettre nos requêtes à son bureau en Californie. Souvent les demandes pour supprimer des contenus se heurtent à des obstacles, par exemple que les contenus n’enfreignent pas les standards de Facebook ou le temps de supprimer ces publications, le mal est déjà fait. Ce qui est difficile, c’est la barrière de langue. Il faut expliquer le contexte mauricien et aussi la signification de ces mots en créole ou des termes utilisés couramment à Maurice. Nous n’avons aucun pouvoir de pression sur ces plateformes. D’ailleurs, en attendant sa réponse sur le consultation paper, Facebook vient de publier une offre d’emploi pour un modérateur pour la langue créole mauricien sur sa plateforme. J’ose espérer que c’est une répercussion concrète et positive de cet exercice de consultation (voir texte plus bas).

 L’ICTA propose un outil qui va filtrer les réseaux sociaux. Comment cela va-t-il fonctionner ?

Nous nous sommes inspirés des systèmes de régulation appliqués dans de nombreux pays avec le «take down notice». Ce système contraint les plateformes incriminées des publications en 24 heures, voire plus. Dans certains pays, ces plateformes peuvent être sanctionnées financièrement. Le «technical toolset» va filtrer, soit bloquer une publication incriminée à la suite d’une plainte. Personne n’aura accès à cette publication le temps que la police enquête et que les cours tranchent sur cette affaire.

 Vous êtes conscient que cet outil tel que proposé est perçu comme de la surveillance, voire comme une censure…

C’est le fondement même de notre consultation paper. Nous demandons au public de répondre à nos questions et de proposer une alternative viable. Nous sommes conscients que le serveur proxy qui va filtrer les réseaux sociaux est puissant. Mais tant qu’il y aura des lignes directrices techniques et légales bien définies, tout le monde saura dans quel cadre le filtre va agir. Je rappelle que ce sera appliqué lorsqu’il y aura des plaintes uniquement. Les craintes du public sont légitimes, mais tant que nous avons des lignes directrices, le National Digital Ethics Committee (NDEC) pourra opérer dans ces paramètres.

 Bien que des lignes directrices soient énoncées, rien n’empêchera d’intercepter des données personnelles…

Beaucoup de personnes parlent de la technique «Man In The Middle». Nous l’avons incluse pour expliquer ce qui sera utilisé pour intercepter les connexions. Beaucoup d’organisations ont ce type d’infrastructure pouvant autoriser ou limiter l’accès à des contenus. Dans les lignes directrices, nous pourrons créer des exceptions pour que des types de connexions soient «whitelisted». Comme le Child Sexual Abuse (CSA) Filtering, toutes les connexions passeront par ce filtre et seules les publications incriminées faisant l’objet d’enquête seront bloquées. Seul le trafic des réseaux sociaux transitera par le filtre et seules les publications incriminées faisant l’objet d’enquête seront bloquées et archivées.

 Google et Mozilla ont pris position contre votre consultation paper pour dénoncer le système de filtre in- cluant le certificat autosigné. Votre réaction ?

Cela nous conforte dans notre consultation paper, vu que nous voulons provoquer un débat sur la question de régulation des réseaux sociaux. Nous avons contacté le signataire de cette lettre au Kenya pour qu’il puisse nous offrir la solution pour filtrer ces contenus indésirables. Nous sommes ouverts aux propositions alternatives qui répondent à notre objectif. Cet objectif est d’avoir un outil capable de supprimer des publications incriminées à la suite d’une plainte. Si les géants de l’informatique nous offrent une solution qui est dans l’intérêt de tous, pourquoi pas ? 

Les deux géants de l’Internet soulignent que les certificats autosignés vont réduire la sécurité… Le self-signed certificate est une composante intégrante du fonctionnement du serveur proxy. Cela est couramment utilisé dans les entreprises sans qu’il y ait des problèmes de sécurité pour ces dernières. Cet outil est couramment utilisé pour sécuriser les réseaux informatiques des entreprises. Ce qu’on a proposé est la même chose, mais extrapolée au niveau national. Maintenant si Google/ Mozilla en tant qu’opérateur au niveau mondial perçoit des problèmes dans cette extrapolation, on est preneur pour d’autres solutions de leur part. En fait, on s’est servi de cet argument précis pour qu’il puisse proposer une meilleure solution alternative. Cette proposition alternative est attendue en fin de semaine de par la correspondance qu’on a reçue de Google le 17 mai.

De nombreux Mauriciens ont pris position contre le filtre des réseaux sociaux…

Nous avons reçu plus de 1 600 réponses à notre consultation. Il y a aussi ceux qui ont envoyé des propositions et des commentaires outre le questionnaire. Nous allons compiler tout cela pour envoyer au ministère de tutelle (NdlR : Prime Minister’s Office) pour décider de la marche à suivre. Mais jusqu’ici, les commentaires que j’ai pu lire ne donnent pas d’alternative au système que nous proposons. C’est le gouvernement qui décidera si ces propositions d’amendements iront de l’avant. Au cas contraire, il vaut mieux modifier l’article 18 (1) (m) pour enlever ce mandat de l’ICTA de réguler les réseaux sociaux.