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Tommy Ah Teck: «Carl nous a aussi laissé en héritage un groupe ‘built to last’»

26 mai 2021, 17:20

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Tommy Ah Teck: «Carl nous a aussi laissé en héritage un groupe ‘built to last’»

Un peu plus d’un an après le décès de Carl Ah Teck, Gamma poursuit sur sa lancée. Son successeur, nouvellement nommé, explique l’engagement communautaire du groupe et comment celui-ci a pu se montrer résilient face à la crise sanitaire et économique. Tommy Ah Teck invite au partenariat publicprivé et à une réflexion raisonnée avec l’ensemble des partenaires concernés pour une réouverture de nos frontières et à croire en l’Afrique.

Comment le groupe Gamma a géré la disparition soudaine de Carl Ah Teck ? 
La disparition de Carl a provoqué une onde de choc dans notre famille. Elle a traumatisé l’ensemble de nos collaborateurs. Carl était l’aîné de notre famille et il était un entrepreneur visionnaire. Son ambition était d’utiliser le potentiel de son pays natal pour créer de la valeur pour ses compatriotes et pour les prochaines générations de Mauriciens. 

Ensemble, nous avons co-fondé en 1981 l’entreprise Gamma, qui était à l’origine une start-up. Nous avons démarré avec des moyens modestes mais, sous son leadership, nous avons bâti un véritable groupe qui compte aujourd’hui plusieurs filiales en son sein. Si notre coeur d’activités reste la construction, nous avons réussi à nous diversifier avec succès, nous lançant, par exemple, dans le secteur de l’immobilier ou encore celui de l’hôtellerie avec le lancement du Hilton sans oublier la création de la Loterie Nationale et le développement de services financiers en Afrique. 

Carl a laissé un grand vide autour de lui mais il reste aussi une source d’inspiration : l’un de ses traits de caractère était de constamment encourager ses équipes à viser l’excellence. Carl nous a aussi laissé en héritage, un groupe «built to last», solidement bâti sur notre respect des principes de bonne gouvernance d’entreprise.

Quelles sont les valeurs qu’il vous a léguées et sur lesquelles le groupe va poursuivre son développement ? 
Carl a été l’architecte des principes de notre code d’éthique. Il a défini l’approche qui guide chacune de nos orientations. Je pourrai vous citer notamment le respect de nos partenaires en affaires, la nécessité d’être constant et cohérent dans ce que nous entreprenons ou encore la persévérance dans notre travail au quotidien. L’application et le renforcement des principes de bonne gouvernance de l’entreprise a été le cheval de bataille de Carl. Grâce à ces valeurs, il a développé le groupe à travers de solides partenariats avec des multinationales, leaders dans leurs secteurs respectifs tels que Colas, Holcim ou Le Hilton.

La preuve du succès du groupe Gamma réside non seulement dans notre capacité à maintenir notre position d’entreprise rentable cotée en Bourse, malgré la pandémie actuelle, mais aussi dans le fait qu’au long de l’histoire de Gamma, il n’y a jamais eu une seule enquête ou une contestation de son comportement dans les diverses filiales du groupe ou sur sa direction générale. 

L’autre valeur constante qui définit notre culture d’entreprise repose sur l’importance que nous accordons aux ressources humaines : notre objectif est de donner à nos collaborateurs la chance d’évoluer dans leur carrière au sein de l’entreprise. 

C’est aussi en nous basant sur ces mêmes principes que nous avons pu envisager une expansion au-delà des frontières de l’île Maurice, nous intéressant notamment aux opportunités en Asie et en Afrique. Carl a développé notre groupe sur le slogan Dare to Dream, et nous comptons garder cet esprit pionnier dans nos engagements futurs.

Quelles sont les actions dans lesquelles vous êtes engagés afin de soutenir la communauté ? 
Au-delà de la nécessité de réinventer la continuité de notre business, le groupe Gamma a poursuivi son engagement en tant qu’entreprise citoyenne. Plus que jamais, pendant cette crise, nous avons été présents et actifs au sein de la communauté. Nous avons soutenu nos employés en difficulté, nous avons aussi débloqué des fonds pour soutenir l’organisation de quatre éditions d’une opération baptisée noutousolider, avec la distribution de plusieurs centaines de colis alimentaires auprès des populations les plus vulnérables. 

Notre engagement ne date pas d’hier : la Gamma Foundation, créée il y a dix ans, a développé son programme d’intervention principalement autour de l’éducation, notamment l’Early Childhood Education, en soutenant les projets d’ONG reconnues. Nos actions Corporate Social Responsibility (CSR) constituent l’un des piliers dans notre stratégie en tant que groupe : créer de la valeur repose sur un accompagnement de l’individu au sein de sa communauté. C’est aider les personnes dans le besoin afin de leur ouvrir des champs de possibilités pour réussir. C’est la mission que nous nous sommes fixée à travers la Gamma Foundation mais aussi à travers les programmes de CSR mis en place par chacune de nos filiales.

La première vague de la Covid-19 a provoqué une contraction de l’économie à hauteur de 15 % et la seconde vague est venue compliquer la donne. Comment votre groupe va traverser cette crise sanitaire ?
Personne n’était préparé à affronter une telle pandémie. On parle désormais d’une décennie Covid. Il faudra donc apprendre à vivre avec cette infection. Dans cette situation sans précédent, notre groupe a engagé des actions autour de trois axes : se réinventer, garder le cap sur la résilience et être réactif. Cela passe par une analyse des données actuelles, même si elles sont très changeantes. 

Nous avons d’abord porté notre attention sur la préservation du capital humain : nous avons immédiatement pris des mesures afin de protéger la santé et le bien-être de l’ensemble de notre personnel et trouver des solutions pour préserver l’emploi au sein de nos différentes structures. En mettant l’accent sur «people first», nous avons réussi à mobiliser nos équipes et à assurer la continuité du business en misant sur la force du collectif et la nécessité de garder le moral. 

L’autre priorité a été la gestion administrative par une constante communication avec nos partenaires et fournisseurs. Nous avons rigoureusement géré notre cash-flow et mis en place des mesures difficiles afin de mitiger les impacts de la pandémie sur nos résultats. Ils ont été quand même affectés, en particulier le Hilton Mauritius Resort & Spa et Gamma Construction Ltd. Nous saluons l’effort du gouvernement avec le Wage Assistance Scheme, sans lequel nous n’aurions pas pu tenir jusqu’ici. 

En revanche, grâce à la signature de projets pour la réalisation d’infrastructures, sécurisée avant la Covid, nos filiales tels que Kolos Cement Ltd ou encore Gamma Materials Ltd sont parvenues à se maintenir malgré la crise. Notre diversification dans le secteur des services financiers en Afrique avant le début de la pandémie a aussi joué en notre faveur, nous permettant d’avoir des résultats positifs. Nous avons également redéfini nos orientations stratégiques en établissant plusieurs scénarios de reprise. Notre expérience, notre esprit d’équipe, nos bonnes relations avec nos partenaires et notre capacité à rebondir ont été nos meilleurs atouts dans cette crise.

Quel est votre regard sur les secteurs de la construction et de l’immobilier en général ? 
L’immobilier va subir des changements profonds causés par le bouleversement de la vie du consommateur : ainsi, la crise sanitaire a accentué des nouvelles tendances tels que le travail à domicile pour les salariés et le boom des achats en ligne. Ce qui va occasionner une baisse de la demande d’espaces de bureaux et commerciaux. Il y aura donc un effet domino et cela va impacter le secteur de la construction. 

Nous comptons beaucoup sur les mesures annoncées par le gouvernement, notamment l’ambitieux programme de construction de logements sociaux. La pandémie a sérieusement ralenti les projets privés, tels que les résidences de luxe et des hôtels. Il y a donc moins de projets et, dans ce contexte, les entreprises de construction locales devront faire face à une concurrence encore plus accrue avec la présence d’entreprises de construction étrangères. 

Cependant, grâce à la solidité de nos relations établies avec nos partenaires depuis de nombreuses années et à notre réputation irréprochable en tant qu’entreprise citoyenne respectueuse des lois, nous sommes confiants de poursuivre notre croissance. Le groupe Gamma a connu de nombreux changements et relevé divers défis au cours de son histoire. Nous sommes fiers que le groupe soit parvenu à garder d’excellentes performances sans jamais compromettre notre code éthique et notre respect en matière de bonne gouvernance de l’entreprise.

Pensez-vous que le Budget pourrait aider le pays à sortir de l’impasse ? Si oui, quels devraient être les principaux chantiers ? 
Je place beaucoup d’espoir dans la capacité des Mauriciens à rebondir : nous sommes un peuple doué et créatif. Nous devons tout faire pour remettre l’île Maurice sur la carte mondiale. Du point de vue économique, le secteur touristique doit impérativement redémarrer car sa contribution à notre économie est essentielle. Ce qui inclut une réflexion raisonnée avec l’ensemble des partenaires concernés pour une réouverture de nos frontières. Le Budget devra aider l’industrie touristique à se repositionner afin de pouvoir faire face à la concurrence, je pense notamment aux Seychelles et aux Maldives. La soif de voyage est telle que les compagnies aériennes et les destinations touristiques qui se placeront les premières sur le marché auront un avantage décisif. Nous pourrions faire la différence en mettant en valeur notre diversité culturelle et notre savoir-faire dans les services. Il faudra également jouer la carte de la protection de l’environnement. Dans le monde post-Covid, c’est un argument déterminant. D’un point de vue sanitaire, la grande priorité à mes yeux est d’accélérer la campagne de vaccination. 

L’autre objectif important pour la reprise d’une économie saine et résiliente, c’est de sortir de la «liste noire» pour les services financiers. Nous devons mettre en place rapidement des systèmes efficaces et transparents afin de redonner confiance aux investisseurs et aux institutions de financement. Il faut combattre toute suspicion de fraude ou de blanchiment d’argent. Autre réflexion nécessaire dans cette période de crise est la cashless economy, qui représente une alternative sérieuse et fiable pour mener des transactions financières en toute transparence et sécurité. 

Je suis également en faveur d’une collaboration plus étroite entre les secteurs public et privé dans le cadre d’accords PPP (Public-Private Partnerships) rationalisés comme moyen alternatif pour financer des projets publics, tout particulièrement dans le contexte actuel. Notre histoire a montré qu’une étroite collaboration entre les secteurs public et privé pendant les périodes difficiles a toujours été fructueuse. 

Enfin, je crois fermement que l’île Maurice a un avenir brillant en Afrique. De par notre position géographique et nos compétences, nous avons tous les atouts pour asseoir un rôle stratégique en tant que facilitateur pour des investissements sur le continent. Mais il faudra faire preuve de grande diplomatie et soigner notre image auprès des institutions africaines. Déjà le Rwanda se pose en concurrent. Je suis favorable à l’élaboration d’une feuille de route entre le secteur privé et le gouvernement afin de garantir le succès des initiatives prises dans ce sens. En 2011, déjà, un article paru dans The Economist évoquait l’Afrique comme le «Rising continent» qui a toutes les chances de devenir aussi compétitive et performante que l’Asie. Même si la pandémie est toujours là, notre groupe est prêt à investir dans l’avenir africain. C’est aussi l’avenir de Maurice.