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Éclairage: quand Padayachy fait fi des directives du FMI

26 mai 2021, 22:30

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Éclairage: quand Padayachy fait fi des directives du FMI

À trois semaines de la présentation du Budget national 2021-22, tout laisse croire que le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, fera fi des directives du Fonds monétaire international (FMI). Et ne comptera pas changer d’un iota les structures et le fonctionnement de la Mauritius Investment Corporation (MIC). Tout au moins dans la présente échéance budgétaire. 

Au ministère des Finances, avec la conclusion du dernier round des consultations pré-budgétaires la semaine dernière avec ses ministres collègues (voir plus bas), le locataire du Trésor public a déjà défini les paramètres du prochain exercice budgétaire et communiqué à ses techniciens sa marge de manoeuvre. «Nous avons pris note des recommandations du FMI. Nous sommes d’accord avec certaines, d’autres non. Il n’est pas question de les appliquer in toto au risque de détruire plusieurs milliards de roupies de notre richesse nationale», laisse entendre son entourage. 

La démarche du FMI est certes salutaire. Elle a eu le mérite de tirer la sonnette d’alarme sur des recours de financement du Trésor public l’année dernière auprès de la Banque de Maurice. Et recadrer dans la foulée le rôle de celle-ci en mettant fin… probablement aux relations souvent décriées entre les deux institutions quant aux transferts de fonds pour rembourser les dettes de l’Etat ou encore équilibrer le Budget national. Comme c’était le cas l’année dernière. 

Si Renganaden Padayachy se propose d’outrepasser les directives du FMI, doiton comprendre qu’il pourrait une nouvelle fois avoir recours au robinet de la BoM pour soutenir son prochain Budget ? Pour le moment, il n’a pas dévoilé ses options budgétaires, laissant planer le flou même si les spécialistes s’accordent toujours à affirmer qu’il ne marche pas totalement sur la corde raide vu qu’il dispose de quelques milliards pour manoeuvrer. 

Toujours est-il que la direction de la Banque de Maurice a tenté ces derniers jours de justifier sa démarche visant à venir financièrement à la rescousse du Trésor public. Cela en se livrant discrètement à une habile stratégie de com, voire de propagande gouvernementale. Pour cause, la décision de dresser un parallèle avec la Reserve Bank of India (RBI), soit la Banque centrale indienne, qui a transféré au gouvernement, sous forme de dividende, son plus gros montant sous cet item, quelque USD 13,6 milliards et ce lors de sa dernière réunion le 21 mai dernier. 

D’ailleurs, le communiqué émis à cet effet souligne que lors de l’année financière 2018/19, la RBI a déposé au Trésor public indien USD24, 7 milliards, dont une contribution one-off provenant des réserves supplémentaires. Une intervention qui ressemble étrangement à celle de la BoM Tower avec les Rs 60 milliards transférés l’année à la trésorerie publique pour l’année fiscale 2020-21. 

Cette politique d’ingérence permanente dans la cuisine interne de la RBI du gouverment Modi, depuis son accession au pouvoir en 2014, a été plus d’une fois contestée par l’opposition en Inde et les experts indépendants. Ce qui a d’ailleurs forcé le non-renouvellement du contrat du gouverneur d’alors Raghuram Rajan et la démission de son successeur, Urjit Patel. Dans la foulée, le Deputy Governor de 2017 et 2018, Viral Acharya a accusé ouvertement le Premier ministre indien d’imposer une «fiscal dominance» sur la RBI et «interfering with banking supervision». 

Zone de confort 

Loin de nous d’emprunter les mêmes termes pour qualifier les relations entre le gouvernement central et la BoM. Cependant, il est clair que les recommandations du FMI visent à éviter à ce que l’Etat y voie dans cette manne financière de la BoM une zone de confort et se livre perpétuellement à cette pratique, loin des normes internationales. 

Du reste, l’annonce du FMI portant sur un toilettage de la Bank of Mauritius Act s’inscrit dans cette logique de même que le désengagement de la Banque centrale de l’actionnariat de la MIC. Pour autant, le ministère des Finances ne se propose pas de souscrire aux directives de l’institution de Bretton Woods, notamment la prise en charge des opérations de la filiale de la Banque de Maurice. Ne serait-ce pas avant l’échéance budgétaire. Ce qui implique que la même structure sera maintenue pour cette agence de financements qui a déjà décaissé Rs 2,2 milliards et pris des engagements fermes pour un montant de Rs 14 milliards auprès des sociétés financièrement en détresse engagées principalement dans l’hôtellerie et le textile. 

A cet effet, nombreuses sont ces sociétés holding sur la liste d’attente et opérant des filiales financièrement à genoux qui broient du noir alors que leurs responsables s’interrogent sur les conséquences économiques et sociales si MIC serait appelée à disparaître. «La MIC est un élément essentiel à la sauvegarde des entreprises et notamment celles durement affectées par la crise du Covid qui perdure encore. Sans le soutien de la MIC, nous pouvons dire que des pans entiers de l’économie disparaîtraient et avec eux des milliers d’emplois et par ricochet les banques commerciales ayant soutenu ces entreprises depuis des décennies», lâche le CEO d’un conglomérat. 

Existe-t-il d’autres sources de financements dont ces groupes peuvent prendre avantage ? Certainement oui, explique Sameer Sharma, spécialiste financier et consultant à la Bank of America, estimant que les sociétés peuvent étudier d’autres options. Dont la possibilité pour qu’elles renégocient les termes et conditions de leurs prêts avec les banques. «Ces entreprises peuvent céder une partie de leurs actifs pour se recapitaliser comme elles doivent revoir leur business model car celui-ci est dépassé. Toutefois, j’ai de sérieux doutes si ces conglomérats ont la volonté de se livrer à de tels exercices. Ils préfèrent opter pour la MIC en proposant des obligations qui sont mal structurées», soutient-il. Et d’ajouter qu’à terme, le ministère des Finances peut éventuellement lancer un Special Purpose Vehicle (SPV) au sein duquel il injectera quelques milliards sous forme d’actions tout en reprenant le capital de la MIC qui s’élève actuellement à Rs 79 milliards. 

A l’approche du jour J, tous les regards seront braqués sur Renganaden Padayachy qui visiblement marche aujourd’hui sur un terrain miné. Il doit savoir que l’opposition ne lui fera pas de cadeau alors que son leader l’accuse déjà de manipuler des chiffres avec sa politique baptisée Pandanomics. Lui qui veut ouvrir un gros chantier de réformes et relancer la machinerie économique, n’a pas droit à l’erreur. Surtout s’il veut rattraper cinq ans de richesse économique perdue en 2020 au plus fort de la crise.