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Éclairage: le réalisme économique de SAJ planera sur le populisme du tandem Jugnauth-Padayachy

9 juin 2021, 18:09

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Éclairage: le réalisme économique de SAJ planera sur le populisme du tandem Jugnauth-Padayachy

L’ombre de sir Anerood Jugnauth planera sans nul doute sur le deuxième grand oral du ministre Renganaden Padayachy vendredi. Faute d’un deuxième miracle, le gouvernement de Pravind Jugnauth devra faire preuve de réalisme économique dans la conjoncture actuelle.

Après l’émotion et la tristesse populaire du week-end marquant la disparition de SAJ, le pays entre cette semaine dans la dernière ligne droite, avec une population retenant son souffle et suspendue au grand oral de Renganaden Padayachy du 11 juin quand il ouvrira sa boîte de Pandore. 

Si dans d’autres Etats à l’échelle mondiale, cet exercice est loin de mobiliser l’attention de toute une population, à Maurice, la lecture du Budget demeure un événement national hyper médiatisé, un happening où commentateurs économiques et spécialistes financiers croisent le fer sur les plateaux de radios depuis plus d’une semaine, chacun cherchant à analyser la situation avec sa grille de lecture en mettant en perspective la marge de manœuvre du ministre des Finances. 

Le premier exercice budgétaire, présenté en pleine crise du Covid-19 avec un plan de relance de Rs 100 milliards, n’aura pas visiblement tenu toutes ses promesses, si ce ne sont les critiques suscitées des spécialistes et d’institutions internationales quant au transfert de Rs 60 milliards de la Banque de Maurice au Trésor public pour l’équilibrer et présenter une ardoise propre. Le second risque malheureusement d’être compliqué pour le ministre tant les défis sont grands et des intérêts divergents à réconcilier. 

A trois jours de sa présentation, le terrain économique a certes été balisé, les grands axes du Budget déjà définis et les grandes priorités établies. A première vue, Renganaden Padayachy ne dispose pas d’une grande marge de manœuvre et les économistes l’ont clairement fait ressortir la semaine dernière dans ces mêmes colonnes du supplément Eco. 

Toutefois, il n’aura pas droit à l’erreur et de tout mettre sur le compte des conséquences économiques de la pandémie. S’il ne compte pas se plier aux exigences du FMI vu que le gouvernement n’a pas de Standby Arrangement, comme c’était le cas en 1982, le ministre des Finances doit en revanche tracer les contours de sa stratégie permettant au pays de sortir de la crise. Ce qu’implique à terme l’ouverture des frontières pour raviver l’industrie touristique et des secteurs d’exportation afin de relancer l’activité économique. Mais aussi pour éviter que le pays s’enlise dans une spirale d’endettement et que le déficit budgétaire, sans le jeu d’écriture de la dernière année fiscale, soit dans les normes avec un ratio au PIB financièrement raisonnable. 

Dans l’interview parue hier, l’ex-gouverneur de la Banque de Maurice, Ramesh Basant Roi interpelle cyniquement le ministre, balançant ses quatre vérités. A savoir que malgré tous les efforts auxquels le ministre se livrera dans son prochain Budget, la dure réalité est qu’il ne sera pas en mesure de sortir le pays de la crise. Cela aussi longtemps qu’il n’arrivera pas à rétablir les préconditions pour que le pays retrouve la voie de la croissance. Car «quick-fix solutions will further deepen rather than set our debtridden economy on a sustainable development path». Et d’ajouter dans foulée que le déficit budgétaire de 3 % du PIB, vanté par Renganaden Padayachy, relève du cosmétique avec sa taille réelle appelée à choquer plus d’un quand elle sera connue. 

Ces dernières semaines, le ministre a écouté sans broncher les décideurs économiques du privé, chacun défendant des intérêts corporatistes de leurs membres face aux dégâts économiques occasionnés par le Covid-19. Comme c’était le cas d’ailleurs pour des représentants d’institutions publiques et de la société civile. Cela pour mieux comprendre la détresse économique et humaine auxquelles chacun fait face actuellement à des degrés divers. Sa réponse et les solutions apportées à la crise seront-elles à la hauteur des défis du moment ? Compte-t-il s’enfermer dans des logiques lobbyistes de certains groupes privés dont certaines filiales veulent être financièrement sauvées par l’Etat à travers la Mauritius Investment Corporation (MIC) sans pour autant accepter en contrepartie d’être restructurés et changer de Business Model ? Or, craignant une crise sociale, avec des risques de licenciements en masse, la tentation serait forte pour le ministre de Pravind Jugnauth de cacher la poussière sous le tapis en repoussant des mesures économiquement difficiles à d’autres échéances. 

Une démarche qui aurait démarqué SAJ de son fils qui malgré la crise économique privilégie toujours le populisme en maintenant des mesures fortement électoralistes comme la pension de vieillesse à Rs 13 500 en 2023, le maintien du rapport PRB aux fonctionnaires et d’autres mesures hautement symboliques comme la baisse du prix du gaz l’année dernière qui bénéficient à l’ensemble de familles mauriciennes qu’elles soient à Camp Levieux ou à Pointe d’Esny. 

Il va de soi que le réalisme économique de SAJ n’aurait pas cautionné de telles mesures en joignant l’acte à la parole et se souciant peu des retombées politiques de ses décisions contrairement à Pravind Jugnauth. D’ailleurs, les historiens n’ont pas manqué de souligner ces derniers temps que le miracle économique a été possible grâce au choix de l’équipe qui avait entouré SAJ en 1983, soit Vishnu Lutchmeenaraidoo, Kadress Pillay, sir Gaëtan Duval et sir Satcam Boolell, les deux derniers n’appartenant pas à sa formation politique mais qui avaient en revanche la confiance de SAJ. 

On doute sérieusement si on peut dire la même chose aujourd’hui pour Pravind Jugnauth qui visiblement laisse peu de marge de manœuvre à ses ministres et qui se réclame légitiment d’être l’héritier politique de son père. 

Pour autant, Renganaden Padayachy doit envoyer des signaux forts à la communauté des affaires et aux institutions internationales, dont le FMI et l’agence de notation Moody’s et démontrer qu’il «means business» et que les mesures annoncées ne soient pas des effets d’annonce. Sans doute, il est conscient qu’un nouveau downgrading de Maurice par Moody’s nuira à l’image du pays et repoussera les agences de financement qui seront peu enclines demain à le sauver d’une économie en ruine. 

Qui a dit que l’après se prépare aujourd’hui…