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Pouvoir d’achat: une inflation qui nous accompagnera pendant longtemps encore ?

11 juin 2021, 14:00

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Pouvoir d’achat: une inflation qui nous accompagnera pendant longtemps encore ?

Jayen Chellum, secrétaire général de l’Association des consommateurs de l’île Maurice (ACIM) nous confirme une hausse générale des prix de 42 produits de base. Selon lui, cela est dû à l’augmentation du coût du fret, du prix des matières premières et surtout à la dépréciation de la roupie. Il souligne cependant qu’à Maurice, «certaines marques dominantes par leur situation de quasimonopole ont augmenté leur prix d’une façon exagérée prétextant le Covid.» Il a identifié une douzaine de ces marques et les a déjà signalées aux autorités pour qu’il y ait un contrôle sur le prix de leurs produits. Que fait le National Price Consultative Council ? On ne le sait pas trop. L’économiste Eric Ng confirme : la dépréciation de la roupie est en grande partie responsable de l’inflation actuelle. Il pense cependant que le taux officiel de 2,2 % ne reflète pas la réalité et il pencherait pour un taux de plus de 4 %. Mais pourquoi Statistics Mauritius aurait-elle sous-estimé un des indicateurs les plus importants de l’économie ? «Je pense que les officiers de ce département se sont basés sur les prix les moins chers y compris les prix promotionnels.» Mais ce n’est pas fini, nous dit Eric Ng. «L’inflation continuera au gré de la baisse de la valeur de la roupie.» Pourquoi cela ? «Comme environ 75 % des biens et services compris dans le panier des ménages utilisés pour calculer l’inflation, provient de l’importation, plus la roupie dévisse, plus chers seront nos achats.»

Que faire ? «Il y a les mesures à court terme dont raffole le gouvernement et qui consiste à faire la banque de Maurice mettre des dollars sur le marché, ce qui tendrait à réduire le prix du dollar et par conséquent le coût des importations dont la majorité est payée en dollars.» Mais cela, nous dit-il, ne résoudra le problème que temporairement et les prix reprendront l’ascenseur peu après.

Un banquier que nous avons contacté souligne que les dollars vendus par la banque centrale proviennent eux-mêmes d’emprunts du gouvernement. «Il faudra rembourser ces dollars plus des intérêts, ce qui mettra la pression sur la roupie.» Faire baisser le prix des importations en augmentant artificiellement la valeur de la roupie ou alors subir l’inflation avec une roupie faible. Un choix entre la peste et le choléra ?

Non, et c’est pour cela, nous dit Eric Ng, qu’il faut penser au long terme. «Il faut diminuer notre dépendance de produits importés en en produisant nous-mêmes une partie. Cela aura en outre l’avantage de créer de l’emploi. Et pourquoi ne pas commencer par les produits alimentaires ? Avec le Covid, je croyais que le gouvernement avait bien appris les leçons d’une fermeture des frontières.» Il y a bien eu, nous dit-il, le projet de Landscope d’établir une Land Bank qui mettrait à la disposition de la population des terres pour l’agriculture et l’élevage. «Mais depuis, nous n’avons plus entendu parler de ce projet.»

«Nous avons, en fait, un problème structurel en ce moment», nous dit le banquier. «Nous importons trop et exportons de moins en moins. C’est sans parler de la baisse des arrivées touristiques. Et je ne vois pas le gouvernement envisager d’autres alternatives. On pense qu’avec la vaccination, les touristes reviendront. J’espère de tout cœur que le gouvernement a raison.»

Un budget de relance de quoi ?

Serait-ce encore une fois la construction d’infrastructures publiques ? Ou d’immeubles de plus de 50 étages ? L’économiste Eric Ng ne comprend pas l’entêtement des autorités dans cette direction. «Il y a à présent un surplus de bâtiments, et les bureaux sont vides.» Concernant les grands bâtiments publics, Eric Ng pense que ce n’est pas la priorité. L’argent aurait dû être investi dans des projets productifs. Pourquoi donc le gouvernement revient-il chaque année avec la même rengaine ? Peut-être qu’un tour au tribunal de Moka renseignerait notre économiste sur les véritables motivations des travaux de construction du gouvernement ?