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Jour J - Renganaden Padayachy: se départir de l’optimisme de son premier Budget
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Jour J - Renganaden Padayachy: se départir de l’optimisme de son premier Budget
À quelques heures de la lecture du Budget 2021-22, le pari est lancé sur les principales annonces de Renganaden Padayachy. Mercredi, il s’est livré à une opération de com en ouvrant son bureau et ceux de ses techniciens aux photographes pour expliquer le présent exercice budgétaire «in the making» qu’il veut d’ailleurs axer sur le développement humain. Mais aussi pour enclencher la relance économique afin de rattraper les Rs 70 milliards de richesses volatilisées sous l’effet du Covid-19.
Alors qu’il présente son second Budget, le ministre des Finances garde en tête cette citation : «La confiance est une institution invisible qui régit le développement économique.» Elle est de Kenneth Arrow, économiste américaine, dont les travaux ont une influence en science politique, en mathématiques, en recherche opérationnelle et en philosophie morale.
Pour l’économie, Arrow apporte des contributions essentielles sur le choix social, l’équilibre général, la théorie de la décision individuelle, le traitement de l’incertitude (en particulier dans les modèles d’équilibre) et la théorie économique de l’information. Une preuve, s’il en fallait, de l’importance de l’apport d’Arrow au style, c’est peut-être la volonté du ministre de contrôler l’opinion en la poussant dans une direction. Hier, c’était les fonds de la Banque centrale pour masquer le déficit budgétaire et aujourd’hui, il prépare le terrain pour faire fi des recommandations du Fonds monétaire international (FMI) en évoquant la souffrance des Mauriciens causée par le Covid-19.
Disciple d’Arrow et de Piketty, Renganaden Padayachy a intérêt, selon nous, à se départir de l’optimisme de son discours précédent, qui n’est pas de mise. Au lieu de jeter de la poudre aux yeux, il devrait factuellement décrire le contexte difficile sans chercher à le maquiller. Il ne peut notamment continuer à prétendre qu’un Budget comme celui de l’année dernière est équilibré.
S’il veut marcher sur les pas de sir Anerood Jugnauth (SAJ) quant à sa discipline économique dont il a toujours fait preuve et les sacrifices au travail, le ministre sait pertinemment bien que le Budget Day de cet après-midi n’aura pas le même éclat que celui des années précédentes. Avec notamment l’ombre de SAJ qui justement planera sur son Grand oral.
Ciblage des plus aisés
Exercice d’équilibriste de haute voltige pour chaque ministre des Finances à pareille époque, le locataire du Trésor public marche-t-il sur la corde raide pour son équilibrage budgétaire ? Plus particulièrement quand la porte de la BoM Tower sera probablement fermée après les critiques du FMI dans le dernier Article IV à paraître prochainement. Or, cette institution indépendante est de- venue ces dernières années une vache à lait pour le ministère des Finances. Avec notamment le fameux transfert de Rs 60 milliards qui lui a donné l’année dernière une marge de manœuvre confortable. Compte-t-il faire fi de l’institution de Bretton Woods et décide, en revanche, d’avoir recours au Special Reserves Fund (SRF) de la Banque de Maurice (BoM) ?
Renganaden Padayachy, qui s’est montré très serein cette semaine en compagnie de ses techniciens, tente actuellement de gérer l’opinion publique. Il fait croire au pire, s’étalant à l’infini sur la plus sévère crise que le monde ait connue depuis 1929 et rappelant qu’à Maurice les conséquences économiques de la pandémie ont entraîné une récession avec une contraction de 15% du produit intérieur brut (PIB) l’année dernière. Et dont les dommages collatéraux seront vivement ressentis par les entreprises à tous les niveaux et la population, dont celle économiquement vulnérable, qui s’est visiblement appauvrie depuis le premier confinement national en mars 2020.
Du reste, c’est la raison qui a peut-être motivé le ministre Padayachy à insister ces derniers jours qu’il ne touchera pas à la raison d’être de la Basic Retirement Pension. Son argument : 90 % des salariés entre 60 et 65 ans sont rémunérés à moins de Rs 25 000. Or, si on enlève la pension de Rs 9 000, ils s’enliseront inéluctablement dans la pauvreté, incapables financièrement de joindre les deux bouts. C’est une analyse, certes, qui tient la route mais les institutions internationales comme certains spécialistes n’ont jamais proposé de cibler cette catégorie de bénéficiaires mais ont au contraire plaidé en faveur d’une réforme de la pension universelle pour y introduire une dose de ciblage afin que les financièrement aisés soient exclus de la liste du ministère de la Sécurité sociale. Manifestement, cette mesure ne figurera pas dans le discours du ministre des Finances. En revanche, on parle avec insistance d’une taxe sur la grande fortune et sur les transactions financières. Une démarche qui pourrait avoir une valeur hautement symbolique dans le contexte actuel.
L’urgence économique du moment exige de la prudence. D’autant plus que l’effet de deux «lockdown» du pays totalisant 127 jours de quasiinactivité économique a mis l’économie à genoux, plaçant sous respiration artificielle des secteurs économiques porteurs de croissance et générateurs d’emplois, dont le tourisme et la manufacture. Et entraînant dans la foulée la prise en charge partielle des salaires de plus de 275 000 travailleurs depuis mars 2020 dont plus de 200 000 de self-employed. Ce qui a coûté à l’État plus de Rs 20 milliards et dont une partie comptabilisée dans l’exercice budgétaire de l’année dernière. Sans compter dans la foulée les risques que des travailleurs, victimes de la pandémie, soient jetés sur le pavé si le plan d’aide n’est pas étendu. C’est dire que le ministre doit faire preuve d’imagination et de créativité pour absorber le choc économique et éviter que le pays s’enfonce dans une nouvelle récession.
Renganaden Padayachy, après son premier Budget largement critiqué pour les relations incestueuses initiées entre la BoM et le Trésor public, est conscient des responsabilités qui pèsent sur ses épaules. La population comme les opérateurs et les salariés l’attendent au tournant cet après-midi. Et avec raison. Car chacun cherchera dans le Budget des réponses à ses inquiétudes. D’abord, les opérateurs qui sont confrontés aux menaces de faillites financières ; ensuite, les salariés qui ne savent pas si les lendemains vont continuer à chanter, et enfin la population face aux risques d’appauvrissement dans cette période de crise.
Décroissance de 5 % du PIB
Cependant, la réalité des chiffres ne plaide pas en sa faveur. Les principaux indicateurs sont visiblement plongés dans le rouge, en grande partie, il est vrai, à cause de l’effet Covid-19.
À commencer par la croissance économique, qui, malgré un rebond technique estimé à 5 % pour 2021, après une contraction à deux chiffres l’année dernière, demeure foncièrement fragile car statistiquement, le pays sera toujours avec une décroissance de 5 % du PIB au 30 juin 2021. Mais il y a aussi le chômage qui a atteint 9,2 % en 2020 avec 52 200 chômeurs officiellement enregistrés alors que 42 000 autres sont à la recherche d’un premier emploi, amenant potentiellement le nombre de sans-emploi à 94 200. Et l’inflation qui pourrait emprunter une courbe ascendante pour atteindre, selon les spécialistes, 4 %. D’autres indicateurs ne sont guère plus réjouissants : un déficit du compte courant de la balance de paiements qui creusera en 2021 pour passer à 14 % du PIB ou encore un déficit fiscal estimé par le FMI à 11,5 % du PIB en 2020- 21, excluant le transfert de Rs 60 milliards de la BoM.
Renganaden Padayanchy avait présenté, l’année dernière, une clean sheet sans aucun déficit budgétaire. Ses explications sur le traitement comptable de cet indicateur économique sont vivement attendues.
C’est face à ce décor économique que le Grand argentier présentera son Budget tout en sachant qu’il devra naviguer toujours entre deux exigences : économiques et sanitaires. En même temps, il aura à imprimer son style et transcender à la faveur de son premier exercice budgétaire pour s’imposer comme une pièce maîtresse au sein de ce gouvernement.
Fuite du discours du budget 2020-2021 : l’enquête fait chou blanc
Le 4 juin 2020, avant que le ministre des Finances ne termine son discours du Budget au Parlement, de nombreuses personnes avaient reçu via «WhatsApp» l’intégralité du Budget 2020-2021. Parmi ceux qui suivaient le discours sur le Budget, certains se demandaient même si c’était en direct ou en différé. Une situation qui avait mis plus d’un, à commencer par le ministre des Finances, dans l’embarras. Il y avait bien quelqu’un parmi ceux responsables de la distribution du discours qui avait fauté.
Lorsque les journaux ont parlé de cette fuite, une enquête a été ouverte au ministère des Finances pour retracer les fautifs. Mais un an après, personne, du moins ceux en dehors du ministère des Finances, ne connaît les conclusions de cette enquête. Probablement, il y aurait eu un «cover-up». Toutes nos tentatives pour connaître les conclusions de cette enquête se sont révélées vaines. Même des personnes qui travaillent au sein de ce ministère disent ne pas se souvenir de cette fuite.
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