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Pension - CSG-NPF: Trop, c’est trop !
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Pension - CSG-NPF: Trop, c’est trop !
L’introduction de la Contribution sociale généralisée (CSG) fait peur. Dans un document déposé en Cour suprême le 4 juin, Business Mauritius affirme que la CSG va démarrer avec un déficit annuel de Rs 6 milliards à partir de 2023 et que ce chiffre s’aggravera sauf si les contributions doublent ou triplent ou pire. De plus, ayant sevré le National Pension Fund (NPF) de contributions depuis septembre dernier, on estime qu’un trou existant de Rs 50 milliards va passer à Rs 90 milliards. En deux mots, la pension universelle à Rs 13 500 est insoutenable, sans réformes majeures.
Dans son cas légal instruit contre la CSG, Business Mauritius déposait, le 4 juin, en Cour suprême un «Answer to Particulars» (ATP) de 30 pages, tant révélateur que musclé et qui venait, pour l’essentiel, expliquer au gouvernement les risques effrayants pris pour le pays avec l’initiative de la CSG et, en passant, suggérer quelques pistes possibles pour avancer positivement.
Il faut souligner que le secteur privé n’a pas l’habitude de poursuivre les autorités gouvernementales et qu’elle préfère largement collaborer et convaincre. Une telle mesure est probablement révélatrice tant d’une situation extrêmement inquiétante, que d’un dialogue de sourds.
La thèse de Business Mauritius est déjà connue, mais l’ATP la détaille de manière systématique. Faisant référence au rapport récent d’avril 2021 de la Banque mondiale (BM), intitulé «Mauritius through the eye of a perfect storm», l’ATP rappelle que la Basic Retirement Pension (BRP) de Rs 9 000 est un des plus élevés du monde en tant que pourcentage des salaires moyens et qu’en conséquence plus de 50 % du budget de protection sociale est déjà absorbé par la BRP. L’ajout de la CSG va probablement établir Maurice comme le champion de la générosité en termes de pension universelle. Il est ainsi estimé que la BRP et la CSG coûteront 10 % du PIB en 2024. À l’hypothèse que les revenus courants budgétaires soient toujours à 27 % du PIB à ce moment-là, les pensions émargeront alors pour jusqu’à 37 % des revenus courants, ce qui laissera évidemment moins de place pour le reste.
«L’ajout de la CSG va probablement établir Maurice comme le champion de la générosité en termes de pension universelle. Il est ainsi estimé que la BRP et la CSG coûteront 10 % du PIB en 2024»
La BM signale aussi que la CSG va créer des inégalités de traitement entre employés des secteurs privés et du public ainsi que des inégalités entre employés du privé eux-mêmes. De plus, pour être soutenable, c.-à-d. trouver un équilibre entre les encaissements au taux préconisé et le paiement promis de la CSG, il faudrait que ce paiement soit de Rs 2 500 et non plus Rs 4 500, ce qui donne une idée du «trou» de finance- ment à envisager, d’autant qu’il y aura par ailleurs, à l’avenir, de plus en plus de retraités, soutenus par de moins en moins de travailleurs.
Pour trouver un système universel soutenable, la BM et ses actuaires recommandent au pays d’étendre l’âge de la retraite de la BRP graduellement à 65 ans (comme pour le NPF et la CSG d’ailleurs), de continuer avec un système contributif, de favoriser les plus pauvres en introduisant du «targeting» et d’encourager ceux qui peuvent se le permettre de pourvoir à leur propre retraite plutôt que de dépendre de l’État, dont la priorité doit rester les plus vulnérables.
La BM rappelle que les systèmes contributifs, en gérant leurs fonds séparément et en générant des retours sur leurs investissements, sont plus à même de couvrir leurs frais et de les ajuster en cours de route comparé à un système sans actifs, noyé dans l’anonymat du Consolidated Fund du budget gouvernemental. Le point est aussi rappelé qu’une natalité qui baisse, associée à une espérance de vie qui s’allonge, aggravera la situation dramatiquement dans les années qui vont suivre.
Pour commencer, en 2023, il faudra, à Rs 4 500 de CSG par mois, payer entre 10 et 12 milliards à ceux ayant plus de 65 ans. Or les contributions CSG n’atteindront qu’entre Rs 4 et 6 milliards. La CSG commence donc en ajoutant Rs 6 milliards de «trou» à financer par an au budget de l’État. Pour couvrir les frais, les calculs de la société des actuaires indiquent qu’il faudra doubler, sinon tripler les contributions de 4,5 % aujourd’hui prévues par le ministre des finances pour ceux touchant Rs 50 000 et moins. Si, en plus, l’on prend en compte le vieillissement de la population, les taux de contribution devraient tripler encore avant 2070. Pour ceux qui touchent plus de Rs 50 000 les chiffres sont encore pires et menacent d’être très démotivants et même punitifs tant pour l’employé que l’employeur et risquent donc de fortement pénaliser la création d’emplois. L’ATP, ayant aligné force arguments, parvient ainsi à la conclusion que, contrairement à ce qu’affirmait le ministre en annonçant la CSG en 2020, ce n’est pas le NPF qui est «unsustainable, unfair and regressive», mais plutôt l’abolition de celui-ci, doublée de la création de la CSG.
L’ATP se concentre alors sur le NPF et signale que le rapport d’évaluation des actuaires au 30 juin 2016 n’avait toujours pas été déposé à ce jour et que le board du NPF, pourtant en charge d’un portefeuille d’actifs de plus de Rs 130 milliards, n’était pas en selle, ce qui mène à la conclusion que «Government has failed its fiduciary duties towards the NPF to the extent that it should have, in order to address any deficits that have been built up in the NPF» (A9 (a)(vi)). Il est fortement souligné que les membres bénéficiaires du NPF ont le droit légitime d’exiger du gouvernement d’agir selon les recommandations d’actuaires et après des consultations raisonnables et que ceux-ci auraient, en toute logique, recommandé des ajustements au NPF plutôt que sa dissolution. À la page 17, section(viii) , l’ATP confronte «the elephant in the room» en soulignant que «abolishing the NPF does not form part of a pension reform but rather a fiscal one in order to finance a pre-electoral promise by Government which at the time when it was made was not properly costed for, if at all».
Le fait est que les Rs 130 milliards du NPF ne pouvaient soutenir que 70 % des bénéfices engagés au 30 juin 2016 et qu’il y avait déjà donc Rs 50 milliards de «déficit» potentiel. Les contributions au NPF ayant été discontinuées, il est suggéré qu’un déficit de Rs 40 milliards de plus est possible. Ajoutée aux déficits qu’engendrera la CSG, il n’y a, de toute manière, qu’une seule source possible pour couvrir ces générosités insoutenables : le contribuable du futur !
L’ATP de rappeler, pour toutes ces raisons, que la CSG fait fi des principes d’équité et de proportionna- lité et qu’elle enfreint l’article 8 de notre droit constitutionnel. Sans compter les conséquences du retrait du NPF du marché des capitaux où il n’achètera plus et devra tout vendre.
L’ATP ayant finalement critiqué l’absolu manque de dialogue et de consultations en amont de décisions d’une telle envergure, ce qui impacte gravement les intérêts des intervenants et du contribuable, rappelle que plusieurs gouvernements ont fait appel à un Regulatory Impact Assessment avant d’introduire de nouvelles législations de cette envergure et de cette complexité. Cette idée se retrouve au paragraphe 79 du discours du Budget de cette année-ci. Par contre, au paragraphe 300, faisant fi des avis d’experts en la matière, le ministre insiste pour maintenir le BRP à 60 ans, malgré les implications de coût qui ne sont d’ailleurs pas détaillés. On prête au gouvernement l’intention de chercher un compromis dans les semaines qui suivent, plutôt que de risquer de perdre en Cour suprême ou de finir au Privy Council.
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