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Offshore: quand le secret des uns mine la transparence des autres…
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Offshore: quand le secret des uns mine la transparence des autres…
La juridiction mauricienne été montrée du doigt à l’international, dans l’affaire Tagwirei, milliardaire zimbabwéen sanctionné pour corruption. Mais ce n’est pas la première fois que notre secteur est mis à mal. Rappel.
L’enquête de l’ONG américaine «The Sentry» sur un énorme butin de corruption zimbabwéen soupçonné d’avoir transité à Maurice (voir notre édition d’hier) vient mettre le doigt sur le nerf de la guerre : les «Ultimate Beneficial Owners» (UBOs) des sociétés offshore à Maurice. Maurice est perçu comme une juridiction qui peut accueillir ceux qui ont de l’argent sale à garer. Une critique sévère et simpliste certes, mais parfois alimentée par les actions des opérateurs eux-mêmes. Au point où c’est une des raisons officielles pour lesquelles on se retrouve dans cette liste grise du Groupe d’action financière. À la question «Kot nou’nn foté?» des opérateurs du secteur, voici un petit rappel des enquêtes qui ont émaillé l’offshore mauricien.
Affaire Tagwirei («The Sentry», juillet 2021)
Kudakwashe Tagwirei, un milliardaire zimbabwéen et conseiller du président sanction- né par l’Office of Foreign Assets Control du trésor américain pour corruption, a fait l’objet d’une enquête d’une ONG américaine, The Sentry. Celle-ci révèle que Tagwirei (avant sa sanction américaine) tirait les ficelles de compagnies incorporées dans l’offshore à Maurice via une management company mauricienne (Capital Horizon).
Or, officiellement, son nom n’apparaît dans aucune des compagnies citées alors qu’une fuite de ses e-mails révèlent que c’est lui qui donnait les ordres. Même s’il aurait été tout à fait légal, Capital Horizon accepte Tagwirei comme actionnaire (avant sa sanction américaine), The Sentry note la volonté et la capacité du zimbabwéen à toujours se cacher, de Maurice aux îles Caïman, derrière d’autres individus.
Luanda Leaks (ICIJ, janvier 2020)
C’est une des affaires les plus retentissantes. Isabel dos Santos, femme la plus riche d’Afrique selon Forbes, également la fille de l’ex président angolais José Eduardo dos Santos, a caché une fortune de $ 2,2 milliards dans le monde, dont Maurice. Pour que son nom n’apparaisse pas dans les registres mauriciens, elle a eu recours à des «nominee shareholders», soit des prête-noms. Avec son nom bien caché, une des sociétés mauriciennes d’Isabel dos Santos a pu obtenir un emprunt de $ 150 millions du gouvernement angolais que dirigeait son père.
Mais toute la documentation a fuité et l’International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ) et l’express ont révélé qu’elle était bien derrière les compagnies mauriciennes.
Mauritius Leaks (ICIJ & «l’express», juillet 2019)
Dans cette enquête menée de concert avec 40 journalistes de 18 pays à partir d’une fuite de documents d’une management company mauricienne (Conyers Dill & Pearman), nos voisins africains nous accusent de leur voler leur taxe à travers une combine aussi légale qu’efficace. Par exemple, un milliardaire du nom de Craig Cogut, propriétaire de véritables palaces où une nuit coûte $ 15 000, crée une compagnie dans l’offshore mauricien. Cette entité mauricienne va lourdement facturer son propre hôtel aux Seychelles pour des services administratifs ou de comptabilité (des activités qui n’ont jamais eu lieu ici). Résultat: les profits aux Seychelles chutent, c’est la compagnie mauricienne (taxée uniquement à 3 %) qui déclare les profits pour des activités menées aux Seychelles et partout en Afrique. Les autorités fiscales d’une quinzaine de pays africains ont ouvert des enquêtes pour récupérer leur «taxe légalement volée» à la suite des Mauritius Leaks.
Fishrot Files («Al Jazeera» et «Wikileaks», décembre 2019)
L’histoire et le procédé ressemblent à celle des Mauritius Leaks. Une compagnie islandaise paie des pots-de-vin pour obtenir des quotas de pêche en Namibie. Et pour éviter de payer la lourde taxe en Namibie, Samherji crée une compagnie à Maurice qui facture sa filiale namibienne pour des «consultancy» qui se tiennent soi-disant à Maurice. Or, la filiale mauricienne n’était qu’une boîte aux lettres. L’affaire a fait beaucoup de bruit en Namibie puisqu’Al Jazeera a piégé les ministres de la Pêche et de la Justice de la Namibie, et ils ont payé des pots-de-vin en caméra cachée. Depuis décembre 2019, ces ministres sont toujours derrière les barreaux.
«Kot nou pa’nn foté»
<p>Vu comme ça, l’offshore peut être perçu comme un secteur où sévit la mafia et le grand banditisme. Pourtant, Maurice n’est pas un si mauvais élève que ça. Nous avons été, par exemple, les premiers à signer la <em>«Foreign Account Tax Compliance Act»</em> et les conventions permettant l’échange d’informations entre les autorités de divers pays. Le hic, c’est que certaines <em>management companies</em> jouent toujours avec le feu en se frottant avec des richissimes clients qui ne sont pas très nets, et quand ils se brûlent les doigts, c’est tout le secteur qui prend feu. La preuve, malgré toutes ces signatures et ces <em>«bonnes pratiques» </em>le Groupe d’action financière nous a mis sur sa liste grise en invoquant, entre autres, des manigances pour <em>«cacher l’identité des véritables Ultimate Beneficial Owners»</em>. L’autre faiblesse de notre système, c’est notre faible capacité à mener des enquêtes complexes avec des protagonistes internationaux.</p>
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