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Réouverture des frontières: grogne et amertume des chauffeurs de taxi

16 juillet 2021, 10:35

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Réouverture des frontières: grogne et amertume des chauffeurs de taxi

Les chauffeurs de taxi de l’aéroport haussent le ton. Depuis plus d’un an, seules deux compagnies sont autorisées à véhicu- ler des passagers débarquant de l’étranger. «Respectez la loi, respectez la Road Traffic Act», demandent les taximen, regroupés pancartes à la main, hier matin, au rond-point menant vers l’aéroport. Asraf Ali Ramdin, secrétaire de la General Taxi Owners’ Union, estime que le ministre du Tourisme, Steven Obeegadoo, applique une politique de deux poids, deux mesures. «Nous ne demandons aucune faveur. Juste de nous laisser travailler. 72 familles font face à cette injustice. L’on ne peut pas, dans ces moments, favoriser les ‘petits copains’. Nous nous adressons aux autorités pour qu’une solution soit trouvée. Nous ne voulons pas alerter l’opinion internationale, mais s’il faut en arriver là, nous le ferons.»

À l’image d’Asraf Ali Ramdin, les taximen de l’aéroport et des hôtels sont en colère d’avoir été mis à l’écart de cette reouverture partielle des frontières.

De nombreuses questions sur leur situation restent un mystère. «Nous sommes basés à l’aéroport et nous n’avons pas de travail. Sommes-nous des travailleurs illégaux ? Pourquoi nous ne pouvons pas transporter des passagers alors que nous sommes vaccinés ? Autant de questions sans aucune réponse.» Pourtant, mercredi, les opérateurs ont rencontré le ministre Obeegadoo, justement sur cette reprise partielle des activités, qui est un échec au dire des principaux concernés, comme l’avoué Nauzeer Ahmad Samsuddin, président de l’Airport Taxi Owners Association. «On nous a simplement expliqué que nous devrons patienter jusqu’au 1er octobre et en attendant, de continuer de vivre avec une compensation de Rs 5 100.»

Justement, le directeur de la Tourism Authority, Lindsay Morvan, a déclaré qu’un appel d’offres a été lancé en début d’année pour demander aux transporteurs de passagers de se faire connaître. «Trois compagnies ont fait acte de candidature, mais entre-temps, l’une d’elles a fermé ses portes. Donc ce sont Mautourco et Summertimes qui s’occupent des transferts. Leur personnel a été formé à cet effet.» Présent à l’aéroport, pour la réouverture partielle des frontières, Lindsay Morvan a veillé au bon déroulement de l’opération. «Nous veillons à ce que la liste fournie par les opérateurs soit respectée, surtout concernant les clients à récupérer.» Toutefois, les opérateurs de taxis disent n’avoir pas pris connaissance de cet appel d’offres. «Nous avons envoyé plusieurs lettres aux ministres du Transport et du Tourisme et jamais nous n’avons été informés d’un appel d’offres. Aucune négociation, ni même de rencontre pour parler de la réouverture des frontières.»

Rodrigues: Pas de vol commercial à l’horizon 

Les vols commerciaux entre Rodrigues et Maurice ne reprendront pas de sitôt. Du moins, il n’y aucune communication en ce sens alors que la frontière mauricienne est ouverte aux touristes. Un membre du High Level Committee du Covid-19 affirme que les vols commerciaux reprendront entre les deux îles tôt ou tard, mais il insiste qu’il faudra d’abord étudier plusieurs aspects. «Il y aura une communication dès quela liaison interîles reprendra», dit-il.

Pourtant, le gouvernement régional de Rodrigues avait préparé une ébauche en marge de la reprise du 15 juillet, mais elle n’a pas été retenue par le gouvernement central. D’aucuns estiment qu’elle était difficilement applicable pour Rodrigues où les touristes mauriciens ne passent pas plus d’une semaine. Selon cette ébauche, les voyageurs quittant Maurice devait passer 14 jours en quarantaine dans un hôtel mauricien et sept jours à Rodrigues toujours en quarantaine, avant de pouvoir se déplacer dans l’île. Pour ceux ayant fait leur double dose de vaccin, la période de quarantaine devait être de sept jours à Maurice. Les autorités ont jugé que ceux souhaitant se rendre dans l’île ne doivent pas dépenser autant d’argent en quarantaine alors que leur séjour à Rodrigues est court. De plus, elles ont estimé que cette mesure allait pénaliser les Rodriguais voulant rentrer dans leur île.

Alors que les opérateurs mauriciens voient une lueur au bout du tunnel, leurs confrères de Rodrigues sont dans le flou. Aurèle André, président de l’Association du tourisme réunie, affirme que Rodrigues pourra également accueillir des touristes, mais avec ses propres protocoles tout en respectant ceux mis en place au niveau national. «S’il y a des touristes qui arrivent à Maurice en passant par la quarantaine dans un hôtel mauricien, le gouvernement pourra songer à autoriser le vol entre l’île de la Réunion et Rodrigues. Des Réunionnais ou des Français pourront venir faire leur quarantaine à Rodrigues pour ensuite profiter du pays», propose-t-il.

Cette association avait eu une réunion avec le gouvernement régional en juin, mais rien n’a abouti. Elle veut une autre rencontre avec le commissaire du Tourisme. «C’est la confusion totale. Ce secteur est sous la responsabilité de Serge Clair, mais comme il est en congé maladie, personne ne veut s’en charger. Nous ne pouvons pas avoir une réunion avec des fonctionnaires sans un décideur politique», dit-il. Nous avons contacté le chef commissaire par intérim, Nicholson Lisette, concernant la reprise des activités touristiques à Maurice. Il a affirmé qu’il reviendra vers nous aussitôt les informations obtenues.

Du côté des agences de voyages, elles affirment que les Mauriciens se renseignent sur la reprise des vols entre les deux îles sans plus. Parmi eux, beaucoup avaient déjà acheté leur billet avant la suspension des vols en mars. Cependant, chez Atom Travel, ils ont commencé à faire la promotion pour des longs week-ends en octobre, mais ce n’est pas encore la ruée pour l’achat de billets, même si l’intérêt est là. Tout porte à croire que ce n’est qu’en octobre que les activités touristiques reprendront


Non-reconnaissance de nos vaccins à l’étranger et nouveaux variants : faudra-t-il être revacciné ?

Littéralement  obligatoire pour accéder aux services médicaux et éducatifs, la vaccination contre le Covid-19 se heurte à d’innombrables barrières. D’abord en Europe, seuls quatre vaccins sont approuvés par l’Agence européenne du médicament (AEM), soit Pfizer/BioNTech, Moderna, AstraZeneca (d’Oxford) et Johnson and Johnson. Début juillet, 113 000 Québécois vaccinés à l’AstraZeneca Covishield étaient toujours dans le flou sur son approbation pour voyager. Des Britanniques désirant embarquer pour Malte ont dû rebrousser chemin comme ce vaccin, admi- nistré en mars, n’y est pas accepté. D’ailleurs, il a été administré à 5 millions de Britanniques qui pourraient voir leurs espoirs de voyager tomber à l’eau, vu qu’il n’est pas reconnu par le nouveau passeport vaccinal de l’Union européenne (UE). En revanche, des pays comme l’Autriche, l’Estonie, l’Allemagne, la Grèce, l’Islande, l’Irlande, la Slovénie, l’Espagne, entre autres, y sont plus réceptifs, indiquent les médias internationaux.

Les vaccins AstraZeneca Covishield, Covaxin et Sinopharm administrés localement sont problématiques pour les citoyens devant voyager.

Hélas, les vaccins AstraZeneca Covishield, Covaxin et Sinopharm administrés localement sont tout aussi problématiques pour les citoyens devant voyager, n’étant pas acceptés dans plusieurs pays. Le seront-ils prochainement ? L’incertitude plane… Tout comme l’étendue du Delta et de sa dernière mutation Delta Plus. Plus transmissibles et résistants à la vaccination, ces nouveaux variants du Covid-19 suscitent de vives inquiétudes dans le monde comme à Maurice. En effet, le ministère de la Santé a récemment confirmé la présence du variant Delta dans l’île, ce qui décuple les débats sur l’efficacité vaccinale. Par conséquent, les Mauriciens devront-ils se faire revacciner ? Pour la Dr Catherine Gaud, conseillère au ministère de la Santé, il est difficile à ce stade de le déterminer. Cela dépend des promoteurs des vaccins. «Par exemple, ceux de Pfizer pensent qu’il faut faire une troisième dose. Mais d’autres indépendants du magazine Nature, une publication médicale de haut niveau, estiment qu’il existe des cellules mémoires très présentes qui ne nécessitent pas de revaccination pendant des années. C’est un débat qui n’est pas tranché pour lequel il faut bien réfléchir aux avantages et inconvénients.»

Se basant sur l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), en particulier les International Health Regulations auxquels ont adhéré plus de 180 pays, le Dr Vasantrao Gujadhur, ancien directeur des services de santé au ministère de la Santé, indique qu’une preuve vaccinale pour des besoins de voyage n’est pas requise. D’après lui, la position de l’OMS est clairement définie sur des connaissances actuellement limitées sur l’efficacité des vaccins à réduire la transmissibilité du Covid-19. «À Maurice et aux Seychelles, malgré la vaccination, il y a eu des contaminations.» Il évoque l’absence d’études scientifiques à ce sujet et sur la durée de la protection du vaccin. Faut-il faire un booster et quand y procéder ? Doit-on renouveler la vaccination annuellement ? Aucune recherche n’apporte un éclairage jusqu’à maintenant.

Le Dr Farhad Aumeer, qui est aus- si député, s’interroge également sur la vaccination et surtout sur son temps de validité. Est-ce sur un an ou neuf mois ? Comment se revacciner si certains paramètres de la première vaccination elle-même sont flous ? «Avec la panoplie de vaccins et de spécificités à Maurice, nous ne savons lequel produit le plus d’immunité contre le Covid-19. On se fie tous aux rapports scientifiques des producteurs de vaccins et des études. Jusqu’à maintenant, le plus efficace demeure Pfizer BioNtech et le moins, Sinopharm.» D’après lui, l’évaluation des anticorps s’impose pour toute revaccination car si l’on injecte deux doses d’un vaccin ne stimulant pas le système immunitaire selon les études publiées, un booster, soit un nouveau vaccin ou le vaccin initial sera nécessaire.

L’inégalité dans la disponibilité des vaccins pèse aussi dans la balance, poursuit le Dr Gujadhur, car 90 % des pays à revenus élevés y accèdent, contrairement aux pays pauvres qui sont lésés. «Si un passeport vaccinal est instauré mondialement pour pouvoir voyager, les plus riches paieront simplement tandis que les plus vulnérables en pâtiront et n’y accèderont pas.» Aussi, l’OMS prône une considération égale des vaccins homologués et une acceptation univer- selle de leur qualité, comme pour la fièvre jaune. D’ailleurs, à Maurice, certains citoyens rechignent à se faire vacciner, attendant des injections dotées d’un taux d’efficacité supérieure à celles inoculées jusqu’à maintenant.

Mais peut-on effectuer deux vaccins différents ? Selon la Dr Gaud, beaucoup d’études démontrent qu’après deux doses d’un vaccin contre le Covid-19, on peut effectuer une troisième dose d’un autre vaccin. Mais quel vaccin ? Quelle dose et à quel rythme ? «Nous ne le savons pas encore. Si ça se trouve, ce ne sera pas nécessaire. Les études sont très diversifiées et partagées sur la question.» Pour le Dr Gujadhur, la ré-administration de différents vaccins demeure incertaine, faute de preuves scientifiques. Il cite une recherche sur les vaccins de Pfizer et d’AstraZeneca d’Oxford, favorable à la mixité. Y a-t-il des risques liés à ce mixage vaccinal ? Pour le Dr Aumeer, les effets de la cross-vaccination ne doivent pas être minimisés. En effet, mentionne-t-il, une étude publiée il y a trois semaines démontre cette compatibilité pour Pfizer, Johnson and Johnson et Moderna. «Mais en extrapolant ces résultats, nous ne pouvons étendre cette conclusion aux vaccins administrés localement. Hors de question de prendre des Mauriciens pour des cobayes. Il faut des preuves concrètes basées sur des recherches.»

Face à tant d’incertitudes, nos vaccins pourront-ils être reconnus mondialement pour voyager ? D’après la Dr Gaud, l’AstraZeneca et les vaccins étrangers de même type pourraient être acceptés par les autorités françaises, ce qui donne de bonnes chances au Covishield. A priori, pour les voyageurs, l’Europe et les États-Unis reconnaîtraient comme protecteurs tous les vaccins accrédités par l’OMS. À ce jour, Covaxin n’a toujours pas été homologué. Pourquoi ? «À la base, ce vaccin avait été développé par les Indiens et pour les Indiens. Ce n’était pas pour l’exportation. Nous en avons eu en cadeau du fait de notre amitié avec l’Inde. Il faut que les enquêteurs de l’OMS visitent le site de production ainsi qu’une demande des opérateurs des vaccins eux-mêmes.» L’enjeu actuel est de faire reconnaître les vaccins homologués par l’OMS pour l’entrée dans d’autres pays.

Les premières arrivées sous le signe de l’organisation

Du tourisme organisée. C’est l’impression qu’a donné ce premier jour de réouverture à l’aéroport, hier. Entre les tours opérateurs rangés, les codes couleurs pour les 600 passagers prévus, les officiers de la Santé en PPE et la présence policière, il n’y avait pas le droit à l’erreur. Cela devait sans doute donner le ton pour la suite en attendant la grande réouverture du 1er octobre.

Le pays a rouvert son accès aérien aux compagnies de transport international après plusieurs mois de fermeture pour cause de pandémie. Au total, 600 passagers ont foulé le sol mauricien, hier. Dont ceux du premier vol d’Emirates, qui a atterri vers 9 heures. Même si à l’aéroport Sir Seewoosagur Ramgoolam International, la tension était palpable, hier, tout avait été mis en place pour assurer que tout se déroule sans anicroche. Retour sur cette journée qui marque la première étape vers le retour du tourisme.

08 h 30. À l’entrée de l’aéroport, nous sommes accueillis par trois policiers qui nous demandent notre identité. Après vérification de nos cartes de presse, ils nous autorisent l’accès à l’intérieur de l’aéroport. Pourquoi cette vigilance ? Parce qu’aujourd’hui marque l’arrivée des premiers touristes à Maurice après plusieurs mois, mais surtout, pour s’assurer que les chauffeurs de taxi ne puissent pénétrer dans l’aéroport. En effet, ces derniers, révoltés, ont prévu une manifestation pacifique.

À l’intérieur, on peut entendre le chant des oiseaux virevoltant sous un ciel bleu, où dans moins de trente minutes verra apparaître le premier avion tant attendu. Un vol anticipé depuis des mois. Nous nous approchons de la première grande porte de l’aéroport qui sert normalement d’accès vers le couloir où prendre l’avion pour Rodrigues. Devant nous se dressent des barrages de sécurité, des rubans jaunes de la police. Juste derrière, une équipe de la Special Support Unit veille au grain.

Sur l’aire de stationnement, seuls les minibus des compagnies Mautourco et Summertimes défilent. Oui, car ces véhicules ont été autorisés à effectuer le trajet de l’aéroport aux différents hôtels, dont les 14 certifiés Safe Travels. Chacun est affairé à son poste. Au loin, nous pouvons constater des officiers de la Response Team équipés de Personal Protection Equipment qui font le va-et-vient entre les différents tours opérateurs pour s’assurer que chacun possède bien sa liste de passagers, ses masques et «hand sanitizer».

08 h 50. Fini le chant des oiseaux. On entend le bruit du moteur de l’avion d’Emirates qui approche. Tout le monde s’active et nous avons droit à un autre défilé de véhicules qui se dirigent à droite – l’espace réservé aux Mauriciens qui devront eux partir en quarantaine. D’autres prennent la gauche – l’es- pace où ceux qui iront dans les resorts embarqueront – pour stationner. Les ambulances et les véhicules de police ne manquent pas à l’appel.

09 h 00. Nous sommes approchés par Lindsay Morvan, directeur général de la Mauritius Tourism Authority (MTA). Il nous adresse quelques mots. Pour lui, tout est prêt et une équipe de la MTA a été déployée pour vérifier si tout le monde est bien vacciné ou pas, nous précise-t-il. Le directeur dit respecter le protocole établi. Il ne manque pas de réagir à la manifestation des chauffeurs de taxi. Il rappelle les modalités selon lesquelles les opérateurs touristiques ont été choisis pour conduire les passagers à leur hôtel pour leur quarantaine. Il revient aussi sur l’exercice d’appel d’offres lancé à cet effet, en précisant que ces opérateurs ont bénéficié d’une formation spécifique dans cette optique, ajoutant que la vaccination des employés est primordiale. «La majorité des Mauriciens est déjà vaccinée. Nous pourrons avoir une vie plus normale. Les gens pourront voyager sans aucune contrainte. Nous souhaitons que cet exercice se déroule bien», déclare Lindsay Morvan.

«Nous croisons les doigts pour que cette première étape de la réouverture de nos frontières se déroule dans les meilleures conditions. Et ce, jusqu’à la fin du mois de septembre», espère-t-il. Sur ces quelques mots, il s’éclipse pour laisser place aux premières personnes venues à bord du vol d’Emirates. Au loin, l’équipage, dont les hôtesses de l’air, quittent l’aéroport et prennent place à bord des bus des tours-opérateurs.

Dix minutes plus tard, au tour des premiers passagers de sortir. Le vol d’Emirates est arrivé avec 180 passagers à bord. Prise de température faite, ces derniers prennent place à bord des différents minibus présents. Au loin, Lindsay Morvan continue le va-et-vient entre les deux sorties.

Aussi présent à l’aéroport, le directeur de la Mauritius Tourism Promotion Authority, Arvind Bundhun, se veut optimiste. Il se dit satisfait du déroulement de la réouverture. Pour lui, les dés sont jetés pour un bon redémarrage des activités. «Merci au gouvernement, car la campagne de vaccination est un bon point qui nous permet de rouvrir les frontières aujourd’hui.» Plus tard, le vol de Dubaï a été suivi d’un deuxième vol en provenance de Paris.

Par ailleurs, à l’extérieur de l’aéroport, tout autre ambiance avec une manifestation pacifique menée par des taximen qui contestent le fait qu’ils ne peuvent opérer malgré le fait qu’ils se sont fait vacciner.