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Manish Bundhun: «Le Covid-19 nous offre une prise de conscience pour vivre et travailler différemment»
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Manish Bundhun: «Le Covid-19 nous offre une prise de conscience pour vivre et travailler différemment»
La pandémie a mis à rude épreuve la capacité de l’humain à s’adapter, à innover ou à se réinventer pour sortir d’une situation où tout ou presque a subi une mutation inattendue. La grande leçon de ce phénomène est qu’avec l’aide des technologies émergentes, les alternatives se sont multipliées. L’exemple le plus significatif est le télétravail, qui est là pour durer. Manish Bundhun en parle abondamment.
Le Covid-19 n’a pas épargné le monde du travail, sans doute le plus touché des activités humaines. Quel a été l’impact de la pandémie sur ce secteur ?
Un an et demi après le début de la pandémie, nous en sommes constamment à réévaluer ses impacts sur l’ensemble des activités humaines. Le triple choc – sanitaire, social et économique – n’a épargné aucun pays, aucun individu. Qui plus est, le monde du travail – qu’il s’agisse de la production de biens ou de services – en fait encore les frais, en raison de l’interconnexion des crises.
Sur le plan sanitaire, les systèmes de santé sont sous pression, la dure réalité des pertes de vies humaines nous affecte tous et la course à la vaccination n’est pas gagnée d’avance.
Sur le plan social, les deux confinements et la fermeture des frontières ont imposé de nombreuses contraintes au même titre que la restriction des mouvements, avec l’imposition de zones rouges, entre autres.
Au niveau économique, le spectre du chômage et d’une récession mondiale est source d’inquiétude et d’incertitude, tandis que l’augmentation du coût de la vie représente un poids supplémentaire pour les ménages. Tout ceci influe sur l’individu autant sur le plan personnel que sur le plan professionnel.
Le télétravail nous impose de nouveaux rythmes depuis 18 mois – avec de plus en plus de réunions virtuelles, par exemple. Avec le confinement, nous avons vu arriver les quarantaines ou les zones rouges qui, au-delà de la restriction des mouvements qu’elles occasionnent, ont une incidence sur la santé mentale de l’individu. Celui-ci fait face à une incertitude et une ambiguïté grandissante par rapport à sa situation au sein de l’entreprise. La charge émotionnelle de l’employé doit ainsi être prise en compte car les gens sont gagnés par l’anxiété, le stress et la fatigue physique et mentale. A travers le monde, le burnout et la dépression sont en hausse.
Quelle pourrait être la durée dans le temps de ces effets sur le monde du travail ?
Il est difficile de prédire jusqu’à quand nous devrons faire face aux conséquences de la pandémie. L’Organisation mondiale de la santé prévoit que le variant Delta pourrait devenir dominant sur la planète. Ce qui veut dire que le virus sera encore plus contagieux. Qui plus est, nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle mutation du coronavirus. Par conséquent, il nous faudra apprendre à vivre avec le virus.
Il faudra s’armer de patience et d’agilité et miser davantage sur notre capacité de résilience ; s’adapter rapidement à un environnement qui évolue presque au quotidien ; avoir le courage de nous réinventer et de revoir notre façon d’agir et d’opérer dans une nouvelle normalité. Cela nécessitera de continuer à respecter les protocoles sanitaires établis, tels que les gestes barrières, le port du masque et autres mesures de prévention.
Quelles sont les mesures à prendre dans le but d’atténuer les effets liés directement à la pandémie, tels hausse du chômage, perte de revenus pour les travailleurs, fermeture et faillite d’entreprises ou encore dysfonctionnement des chaînes d’approvisionnement ?
Les mesures d’accompagnement destinées aux entreprises ont pour objectif de les aider à assurer leur pérennité. Ces mesures comprennent certes le soutien financier (prêts, subsides etc.) mais il nous faut aussi nous donner les moyens visant à faciliter, si ce n’est accélérer, la digitalisation et l’innovation au sein des entreprises.
Il est aussi essentiel de mettre en place des mesures d’accompagnement pour les employés. Je pense par exemple à la mise en place d’un «pôle emploi» qui accompagnerait les travailleurs à gérer le stress lié à une perte d’emploi, qui les aiderait à redynamiser leur CurriculumVitae et les préparerait à se remettre sur le marché du travail, les guidant vers les secteurs porteurs ou les secteurs qui recrutent.
Les travailleurs ont aussi besoin qu’on les aide à effectuer un «bilan de compétences» – ceci faciliterait leur réorientation si nécessaire. Mieux cerner ses aptitudes, ses forces et ses talents permet de développer davantage la confiance en soi et d’appréhender l’avenir avec plus d’espoir et d’optimisme. De plus, on ne le dira jamais assez, la formation et le développement des compétences doivent être renforcés par le biais de programmes de re-skilling ou multi-skilling, que ce soit au niveau des entreprises, au niveau sectoriel et au niveau national. Au sein du groupe Rogers, la formation continue joue un rôle de premier plan dans le renforcement des compétences des équipes, qu’il s’agisse des capacités techniques, humaines et managériales.
Il faut aussi travailler à faire croître l’employabilité des jeunes, par exemple en instaurant un programme ciblé pour les 18-30 ans sur les compétences informatiques, digitales et sur la programmation. Avec la numérisation à travers la planète, ces compétences sont plus importantes que jamais et constituent un atout indispensable dans le monde d’aujourd’hui.
Nous devons aussi favoriser davantage l’émergence de l’entrepreneuriat pour permettre un plus grand nombre de personnes à devenir financièrement indépendantes. Cela aidera aussi à favoriser la création d’emploi dans le pays.
Le pays dispose-t-il des moyens appropriés en vue de mettre en place ces mesures ?
Je pense que oui. Au-delà de l’apport financier, nous devons nous armer de volonté et nous donner les moyens d’y arriver. Cela passe d’abord par un dialogue étroit avec les parties concernées, que sont l’État, les entreprises, les travailleurs. C’est en nous appuyant les uns sur les autres que nous pourrons émerger plus forts de cette situation délicate dans laquelle notre pays et les entreprises se trouvent.
Cela s’avère aussi utile de faire du benchmarking en observant ce qui se passe dans d’autres pays et en nous inspirant des formules qui donnent des résultats. Il n’y a aucun mal à se calquer sur un modèle qui marche et, bien entendu, à adapter les meilleures pratiques à notre contexte social et économique et à les améliorer grâce au dialogue multipartite. Une façon de faire qui, dans le jargon scolaire, aurait été désignée par le verbe «gorer» l’équivalent de copier/ coller dans le milieu informatique. Dans la vraie vie, cela revient à tirer intelligemment des leçons de l’expérience des autres, surtout dans un contexte de crise. Notre leitmotiv devrait être «Adopt, Adapt, Improve».
Rares sont les événements, même les plus tragiques, qui n’incitent pas à une prise de conscience ou qui ne forcent pas à revoir un mode de fonctionnement afin d’en repérer les faiblesses. Que peut-on dire ou retenir sur ce plan du Covid-19 ?
Il serait intéressant de regarder une vidéo de l’écrivaine indienne Arundhati Roy, sur YouTube, qu’elle a postée en avril 2020. Elle y décrit la pandémie comme un portail. Un portail de changement et de transformation. Pour moi, c’est aussi un portail qui accélère certaines tendances telles que la digitalisation, le sustainable living et une prise de conscience pour vivre et travailler différemment. Nous ne pouvons changer le passé ni le fait que le virus continue à se propager. Nous pouvons cependant tirer les leçons de nos expériences – malheureuses ou pas – et réfléchir aux moyens les plus à même de nous adapter pour faire face au monde de demain.
L’une des retombées de la pandémie concerne l’importance prise par le télétravail. Quels sont les facteurs qui en sont responsables ?
Le développement de la technologie numérique, des outils digitaux et des télécommunications a beaucoup contribué au télétravail. Aujourd’hui, ce n’est plus uniquement du Work From Office, ni du Work From Home, mais plutôt du Work From Anywhere. Grâce à votre smartphone, nous pouvons être en réunion sur Zoom, Teams ou Google Meet, de n’importe où, pour peu que la nature de notre travail le permette. Le Covid-19 a certes réduit notre mobilité et occasionné le confinement et la quarantaine, mais il nous a surtout forcés à nous adapter du jour au lendemain ! Il nous a poussés à recourir à de nouvelles méthodes de travail et à de nouvelles technologies et, ce faisant, il a accéléré l’avancée du télétravail. Depuis la reprise, la nécessité de maintenir les protocoles sanitaires parmi lesquels la distanciation physique, tout en assurant la continuité des affaires, a mené à la mise en place d’un système de roulement, le roster. Ceci a en quelque sorte, institutionnalisé le télétravail.
Je suis persuadé que le télétravail est là pour un moment. Tout au moins sous une forme hybride. Regardez autour de vous : les réunions, les formations et autres formes de collaborations se font sur le mode virtuel à travers les outils collaboratifs comme Zoom et Teams. Depuis, il n’y a plus de restrictions géographiques ou autres quant au nombre de personnes qui peuvent se réunir virtuellement. Je suis aussi persuadé que cette pandémie va accélérer l’augmentation de «nomades digitaux» à travers le monde.
Quels sont les avantages et les désavantages du télétravail ?
Nous sommes aujourd’hui en mesure d’évaluer la place que le télétravail a pris dans la vie des employés, et ainsi faire un état des lieux de ses avantages et de ses désavantages. Nous perdons moins de temps dans les embouteillages le matin et l’après-midi ; les barrières géographiques sont tombées et nous pouvons aujourd’hui organiser des réunions virtuelles avec plus de 50 personnes, la limite imposée en ce moment. De plus, le télétravail nous offre de la flexibilité et la possibilité de travailler à notre propre rythme. Mais cette flexibilité peut aussi nous desservir – les barrières entre la vie professionnelle et la vie personnelle peuvent très vite devenir floues et nous pousser à travailler davantage, au détriment de la «work-life balance». Travailler dans cette «bulle», nous prive aussi des contacts humains qui sont importants, quelquefois, à la dynamique d’équipe. Dans d’autres cas, l’employé peut aussi se retrouver privé d’équipement de travail approprié ou ne pas disposer de la connectivité nécessaire à la bonne marche du travail. Ce sont là des facteurs qui peuvent être améliorés avec le temps.
Le télétravail pose aussi de nouveaux défis pour les entreprises. Par exemple, la cybersécurité devient encore plus importante pour les entreprises dont les employés sont en mode télétravail. Une étude récente de McKinsey démontre que la majorité des entreprises sondées dans le monde pensent opter pour un modèle hybride de travail tandis que la majorité des employés veulent plus de flexibilité et de «work-life balance».
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