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Emplois: jeunes au chômage, un «reskilling» indispensable
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Emplois: jeunes au chômage, un «reskilling» indispensable
Récession oblige, le pays comptait 18 600 jeunes chômeurs au premier trimestre 2021. Selon les derniers chiffres de Statistics Mauritius, le chômage chez les jeunes âgés de 16 à 24 ans est passé à 31,5 % au premier trimestre, comparé à 23,5 % à la même période l’année dernière. Accentuée par la crise sanitaire et économique du Covid-19, cette tendance à la hausse du chômage des jeunes était toutefois déjà présente depuis quelques années. En effet, en 2020, ce taux affichait 26,1 % ; en 2019, il était de 22,8 % et, en 2018, 25,1 % de nos jeunes étaient au chômage.
Phénomène mondial, la pandémie a plus particulièrement affecté les jeunes qui ont moins d’expérience professionnelle, face à la compétition dans un marché de l’emploi déjà sous pression financièrement. Il faut aussi noter qu’au niveau mondial, l’emploi des jeunes a baissé de 8,7 % en 2020, comparé à 3,7 % chez les adultes, la baisse la plus prononcée étant dans les pays à revenu intermédiaire, selon les recherches de l’Organisation internationale du travail. Pire, le chômage ajoute à la tension sociale dans certains pays, comme l’Afrique du Sud, ce qui a poussé l’État à annoncer des mesures fortes, il y a quelques jours, pour réduire le taux de chômage des jeunes qui se chiffre à 64 %.
À Maurice, l’on est conscient de cette crise de l’emploi en devenir et les institutions concernées se concertent d’ores et déjà pour lancer des programmes de formation, suivant la demande du marché local. Par ailleurs, sur les diverses plateformes de recrutement, des offres d’emploi existent. Y-a-t-il suffisamment de postes à pourvoir pour tous les jeunes chômeurs ? Il est clair que non. Mais nos jeunes sont-ils formés dans les créneaux porteurs ? Cela reste à déterminer. «L’offre reste largement inférieure à la demande et le restera tant qu’il n’y aura pas un programme d’orientation professionnelle pour les collégiens et tant qu’il n’y aura pas un réel recensement auprès des entreprises dans tous les secteurs confondus pour lister les intentions de recruter sur au minimum les cinq prochaines années, le temps de la sortie de crise. C’est un fait que le problème d’inadéquation entre l’offre et la demande perdure depuis ces dernières années dans la population des moins de 25 ans», explique Aurélie Marie, Head of Recruitment and Communication à MyJob.mu.
Elle explique que les jeunes s’orientent vers des secteurs saturés et à l’inverse, délaissent les secteurs en pleine expansion, tels que l’informatique, la finance, la grande distribution ou encore la filière technique. «En 2021, au lieu de se former en génie chimique où l’offre reste inférieure à la demande, ces mêmes candidats devraient opter pour l’ingénierie environnementale, l’efficacité énergétique, le traitement des eaux ou des études de méthanisation. Les jeunes qui veulent se lancer dans la comptabilité font des études d’ACCA ; il faut savoir que les profils jeunes ACCA Level 1 ou 2, par exemple, sont nombreux sur le marché ; ils devraient explorer les emplois dans la finance plutôt. Les jeunes qui poursuivent une formation en management devraient au contraire se spécialiser, soit dans le marketing management, les ressources humaines, la logistique ou le procurement.»
Former 6 000 personnes
C’est dans cette optique que le ministère du Travail lance aussi plusieurs programmes de reskilling visant à remettre les jeunes et les moins jeunes sur une voie ayant un meilleur potentiel à l’avenir. Il faut dire que, depuis juillet 2019, une soixantaine de programmes de formation ont été revus et développés, avec plus de 170 experts d’industrie engagés dans leur révision et leur validation. En parallèle, les programmes existants, tels que Back to Work, Dual Training Programme ou Trainee Engineer Scheme, sont là pour pallier les pertes d’emploi dues notamment au Covid-19.
Le ministre du Travail, Soodesh Callichurn, fait de son côté la liste des programmes à venir, dont le National Training and Reskilling Scheme (NTRS), qui vise à former 6 000 personnes, incluant des jeunes, au chômage à cause du Covid-19. Notons que les 13 centres d’information sur l’emploi du ministère aident les demandeurs d’emploi dans des ateliers sur la rédaction de curriculum vitae (CV) ou de lettres de motivation. Ces centres aident aussi à la recherche d’emploi et préparent les demandeurs aux entretiens. Les secteurs dont le NTRS s’occupe justement sont : la construction, la manufacture, la logistique, les TIC/BPO, l’agro-industrie, les énergies renouvelables et l’économie circulaire sur une durée maximale de six mois. Les participants bénéficient d’une allocation de formation de Rs 10 575. Dans ce programme, 25 projets ont d’ores et déjà été approuvés pour former plus de 2 000 chômeurs.
Quid du Youth Employment Programme (YEP) dans tout ça ? «De janvier 2013 à mai 2021, environ 23 981 jeunes ont été placés sur les 39 738 inscrits. Aujourd’hui, 95 % de ceux ayant terminé leur année de placement ont été employés grâce aux compétences d’employabilité acquises. Il faut savoir que la prolongation d’une année supplémentaire, annoncée dans le discours du Budget pour 2 250 stagiaires, donnera un coup de pouce au programme», dit-on au ministère du Travail. Dans les secteurs qui demandent une formation, l’on retrouve les services financiers. Le Human Resource Development Council (HRDC) et Mauritius Finance s’associent pour former 120 Mauriciens dans les métiers liés à ce secteur.
Maintenant, il est clair que tous les chômeurs ne peuvent pas simplement suivre des formations courtes pour ensuite changer de secteur d’activité. Prenons l’exemple de l’hôtellerie, quid de ceux ayant perdu leur emploi ou de ceux ayant étudié les métiers de l’hôtellerie ? L’ouverture des frontières aidera-t-elle vraiment ? «13 % des offres d’emploi disponibles sur Myjob concernent le secteur touristique et la restauration. Les principaux recruteurs sont des hôtels qui renforcent leurs équipes de maintenance, de cuisine et de digital marketing. Quelques agences de voyages également recrutent ce mois-ci. Ce n’est qu’à partir d’octobre, une fois la réouverture des frontières et l’arrêt du Wage Assistance Scheme (WAS) que l’on pourra évaluer l’impact de la crise sanitaire sur les emplois du secteur touristique» soutient Aurélie Marie. Toutefois, prévient-elle, dans tous les cas, des licenciements sont à prévoir car les hôtels n’auront pas le même taux de remplissage qu’avant la crise. «Ainsi il faudra gérer la question du sureffectif. Pour les jeunes ayant de l’expérience dans le service client, l’accueil, l’animation, la restauration, la maintenance ou encore les fonctions de support, comme les ressources humaines, la comptabilité et l’administration, il y a des possibilités de se réorienter.»
Le digital est aussi une filière qui se veut dynamique. Rappelons-le, le budget 2021-2022 fait mention de la mise sur pied d’une digital industries academy sous l’égide de l’Economic Development Board (EDB). Son objectif est de favoriser l’employabilité dans le secteur des TIC en fonction de ce qu’attendent les entreprises du secteur. «Plusieurs entreprises dans ce secteur ont la capacité de se développer davantage mais elles ont besoin d’une main-d’oeuvre qualifiée. Une convergence absolue entre les besoins de l’entreprise des TIC et la formation offerte est primordiale. Nous avons lancé des consultations en présence d’associations regroupant ces entreprises, nous avons des informations compilées sur le profil des chômeurs et il nous faut maintenant voir qui sont ceux qui peuvent être reconvertis professionnellement dans les TIC», explique t-on à l’EDB. Outre les métiers techniques aux besoins spécifiques, les soft skills sont aussi en demande, à l’instar de la relation client entre autres.
Wakanda 4.0
En effet, la technologie est la nouvelle normalité. Les emplois, il faut les chercher là-bas, soutient le Chief Executive Officer (CEO) de Wakanda 4.0, Benito Elisa. Les créneaux émergents, tels que l’intelligence artificielle, la fintech, la blockchain, la réalité virtuelle, entre autres, offrent une opportunité unique aux jeunes, en particulier avec le Covid-19, qui a été un catalyseur de la transformation numérique. Faisant également référence aux réflexes traditionnels, comme trouver un espace bureau pour concrétiser un business, ces technologies, dit-il, permettent aux jeunes de commencer une activité de zéro. «Aujourd’hui un entrepreneur peut créer un business de sa maison, avoir une activité en ligne et travailler à domicile, surtout que l’attention se porte beaucoup plus sur les réseaux sociaux. Il y a beaucoup de possibilités pour un jeune d’aller de l’avant, avec un new business model impliquant moins de coût», explique-t-il.
Cependant, une question importante demeure : les jeunes qui se voient offrir un emploi, en veulent-ils forcément ? Sachant que certains secteurs en demande de main-d’oeuvre font chou blanc, les entreprises doivent pour la plupart se tourner vers les travailleurs étrangers. «Nous faisons face à ce problème depuis pas mal d’années. Les Mauriciens se montrent réticents à accepter certains emplois, nous avons donc aujourd’hui plus de 40 000 travailleurs étrangers sur notre territoire. Des métiers comme la boulangerie peinent à attirer les Mauriciens alors que le gouvernement a tout fait pour revaloriser ces métiers, notamment en introduisant le salaire minimum. Dans le textile aussi, nous observons le même phénomène. Mais il faut savoir que ce secteur ne recrute pas seulement des machinistes mais aussi des techniciens industriels, car ce secteur innove et mise sur la productivité assistée par des moyens technologiques», fait ressortir le ministère du Travail.
Autre élément décourageant pour les jeunes : les salaires jugés non compétitifs. Or, ne l’oublions pas, nous sommes toujours dans une crise économique où des entreprises peinent à s’en sortir. «Recruter malgré les différentes aides de l’État, reste une prise de risque. Chacun doit fournir des efforts dans le respect d’un cadre professionnel et des droits des employés. Cependant un candidat en poste a toujours plus de chance d’être recruté qu’un candidat chômeur. Attendre le poste idéal et le salaire d’avant-crise n’est pas la meilleure stratégie. En revanche, prendre un poste tremplin, continuer d’être ancré dans une entreprise, développer de nouvelles compétences et rester ouvert aux autres opportunités d’emploi est plus stratégique» précise Aurélie Marie.
Finalement, il reste clair que trouver un travail n’est pas de la tarte, mais il est urgent de saisir les opportunités de formations disponibles mais aussi de bien s’informer des tendances du marché car, dites-vous bien, la compétition reste féroce…
Enseignant au Canada, ça vous tente ?
<p>Au ministère du Travail, on explique qu’il y a des perspectives d’emploi au Canada et, pas que pour les travailleurs manuels. <em>«Nous venons de débuter une campagne d’information à l’intention de Mauriciens souhaitant enseigner dans l’état d’Ontario au Canada.»</em> Pour enseigner, vous devez être agréé par l’Ordre des enseignantes et des enseignants de l’Ontario. Pour obtenir cet agrément, vous devez déposer une demande et participer à une évaluation. Une fois la carte de compétence obtenue, vous pouvez postuler directement avec les conseils scolaires de langues.</p>
Économie recherche entrepreneurs à impact
<p>Ils sont de plus en plus nombreux à vouloir prendre leur destin en main et à devenir leur propre patron. La Turbine, incubateur d’entreprises du groupe ENL, a accompagné plus de 106 aspirants entrepreneurs à ce jour pour les aider à développer un business plan et formuler une proposition de valeur pour leurs idées d’entreprise. Krishna Athal, <em>Start-Up Community and Incubation Manager </em>de <em>La Turbine</em>, note qu’aujourd’hui plus que jamais, en période post-Covid-19, il y a un besoin pour plus d’entrepreneurs qui créent de l’impact. Il s’explique. <em>«Les entrepreneurs qui démarrent et qui s’engagent à résoudre un problème social ou environnemental à grande échelle sont des entrepreneurs à impact. Ils construisent des modèles commerciaux durables qui servent un objectif social ou environnemental tout en étant rentables.» </em>Il est considéré que les entrepreneurs sociaux deviennent les piliers sur lesquels reposera la stabilité émergente des économies. C’est une des raisons pour lesquelles les investisseurs parient. Les investisseurs du monde entier trouvent des moyens de libérer la puissance de leur capital en essayant différents secteurs et modèles commerciaux pour un maximum de rendements tangibles et intangibles. Comme les entrepreneurs, les investisseurs s’efforcent constamment de trouver le juste milieu entre les marchés et leurs investissements. Certains disent avoir trouvé l’or avec l’investissement d’impact. En effet, la plupart des entrepreneurs à la recherche d’investissements pensent que projeter des profits massifs est le meilleur moyen d’impressionner les investisseurs ou encore que les investisseurs signeraient immédiatement un chèque, s’ils proposent une idée novatrice, loin de l’offre traditionnelle. <em>«Bien que tout cela puisse être vrai, cela ne représente guère la majorité. Je passe 50 % de mes journées de travail avec des investisseurs de startups de toutes sortes et j’ai vu plusieurs raisons différentes qui motivent les investisseurs à investir dans des startups. Un fait moins connu des entrepreneurs est que les startups axées sur l’impact attirent actuellement l’attention des investisseurs.»</em> Outre les start-ups, l’entreprenariat inclut aussi les PME. Dans ce contexte, Maya Sewnath, présidente de SME Chamber, encourage les jeunes à se lancer. Elle est d’avis que le Covid-19 offre beaucoup d’opportunités. <em>«Au lieu de se faire recruter par le secteur public ou privé, un jeune peut se lancer dans un business et éventuellement créer de l’emploi. L’entreprenariat a un effet domino. C’est une des batailles qu’il faut mener pour pouvoir combattre le chômage. Il contribuera aussi à la compétition, à des nouveaux produits et services. Les produits et services de qualité avec de la valeur ajoutée peuvent aussi être exportés et ainsi rapporter des devises.»</em> Elle précise que pour se faire, il faut un cadre bien établi et bien structuré pour accompagner les potentiels entrepreneurs et les entrepreneurs existants. Pas que les jeunes, mais tout le monde.</p>
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