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MPC: entre légèreté et crédibilité

4 août 2021, 19:00

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MPC: entre légèreté et crédibilité

Après deux renvois, le «Monetary Policy Committee» de la Banque de Maurice se réunit finalement aujourd’hui. Entre celle du 4 février et cette rencontre, six longs mois se sont écoulés alors que légalement, le comité doit se réunir chaque trois mois. Conséquence : une institution qui voit sa crédibilité pointée du doigt et sa raison d’être remise en cause.

Certes, ce ne sont pas ses premiers renvois et encore moins ses derniers. On en comptait déjà quelques-uns l’année dernière. À tel point que les nominés au sein du comité, excluant les trois dirigeants de laBanque de Maurice (BOM) (voir plus loin la composition) qui sont membres de facto, ne sont visiblement pas choqués face à l’insoutenable légèreté de cette démarche, eux qui sont généralement habitués à être informés à la dernière minute de ces réunions. Ce qui fait un ex-membre dire que c’est du «jamais-vu».

Évidemment, les raisons ne sont pas communiquées. Est-ce dues aux effets du lockdown ou de l’indisponibilité du gouverneur pris dans des conférences virtuelles avec ses pairs ? Pour le moment, les opérateurs économiques, tout comme les médias, n’en prennent connaissance qu’à travers les communiqués publiés sur le site de la BOM.

Pierre Dinan, économiste et un des premiers membres de ce comité en 2007, est catégorique. «Les dates des réunions du MPC devraient être observées de manière sacro-sainte, car c’est ainsi que ses décisions seront à même d’influencer le niveau des divers taux d’intérêt à travers l’économie. Les irrégularités temporelles mènent à des dysfonctionnements dans le respect des messages transmis pas le taux indicatif recommandé par le MPC.»

Un autre banquier en rajoute une couche en s’interrogeant ironiquement si c’est le cas à la Federation of Open Market Committee (FOMC), l’équivalent du MPC à la FED ou encore à la Banque centrale européenne (ECB). «Il est un fait que s’il faut faire un choix entre assister à la grand-messe qu’est la réunion annuelle du FMI et de la BM ou participer aux délibérations à la réunion du comité de la politique monétaire de leurs banques centrales respectives, le gouverneur de la FED ou de l’ECB optera naturellement pour le deuxième forum, compte tenu de l’importance qu’il y accorde.» En sus des attentes, ditil, que la fixation du taux directeur d’une banque centrale comme la FED suscite parmi les investisseurs à l’échelle mondiale.

 

«Depuis de nombreuses années, et bien avant le choc du Covid, le mécanisme de transmission est gêné par l’excès des liquidités dans le système bancaire.»

 

Or, il va sans dire qu’aujourd’hui, contrairement à certaines institutions financières comme la Bank of England, la Reserve Bank of India (RBI) et d’autres, le MPC a visiblement perdu son attrait au fil des années et que le temps où la communauté des affaires était suspendue à l’annonce de la décision du Key Repo Rate pour réaliser un deal est aujourd’hui révolue. «On peut comprendre qu’avec un taux repo de 1,85 % qui est resté inchangé depuis avril 2020, l’intérêt n’y est plus. Qu’il s’agit d’un opérateur souhaitant investir dans des marchés financiers ou le CEO d’une entreprise fortement endettée auprès d’une banque commerciale, la BOM se trouvant pratiquement sans aucune marge de manoeuvre, ne pouvant davantage baisser son taux directeur», analyse l’économiste Rajeev Hasnah. Une analyse reprise par Jacques Li Wan Po, ex-membre du MPC, industriel respecté, qui trouve que même que si le MPC peut paraît comme un “non event”, il a le mérite d’être le seul indicateur pour jauger le loyer de l’argent même si les problématiques liées à la conjoncture économique avec la crise sanitaire tentent de favoriser une politique monétaire accommodante.

Une situation qui ramène forcément le curseur sur la raison d’être d’une institution qui a comme mission de “maintain price stability and to promote orderly and balanced economic development”. Mais aussi le rôle “to reduce short-run fluctuations in aggregate output and influence investment and employment”, comme l’avait rappelé l’ex-ministre des Finances, Rama Sithanen à l’issue de la première réunion du MPC le 23 avril 2007.

Comme on peut s’y attendre, économistes et spécialistes financiers sont divisés sur cette question. «Au fil des années, le taux repo comme un outil pour relancer la croissance a montré ses limites car le mécanisme de transmission s’est prouvé inefficace. Il faut aussi dire que le taux repo est un des nombreux outils de la politique monétaire pour assurer un développement économique équilibré», affirme Rajeev Hasnah. Il rappelle qu’avec la montée inflationniste, causée notamment par les prix des matières premières qui s’envolent sur les marchés internationaux et qui pourrait être à deux chiffres d’ici la fin de la fin de l’année, il faut s’attendre à ce que le MPC réajuste son tir et se concentre sur son combat contre l’inflation. Ce qui signifierait une hausse graduelle du taux repo.

Plus nuancé, Pierre Dinan note que depuis de nombreuses années, et bien avant le choc du Covid, le mécanisme de transmission est gêné par l’excès des liquidités dans le système bancaire. D’où, dit-il, à ce que «la Banque de Maurice trouve une solution à ce problème d’excès des liquidités», précisant dans la foulée que ce n’est pas l’existence du MPC qui doit être mise en cause. À cet effet, partant du postulat que le MPC est un organisme s’inscrivant dans le cadre d’une politique monétaire menée en toute indépendance de la politique fiscale, Pierre Dinan insiste qu’il a nécessairement sa raison d’être. Il souligne que l’institution des comités de politique monétaire remonte à la fin du siècle dernier lorsque Gordon Brown, alors Chancelier de l’Échiquier en Grande-Bretagne, avait insisté pour que la conduite de la politique monétaire de son pays soit menée par la Bank of England de manière indépendante par rapport à la politique fiscale prônée par le ministère des Finances. «Face au succès de cette pratique, le recours à des comités de politique monétaire s’est répandu à travers le monde, y compris à Maurice au cours de la première décennie de ce siècle.»

Pour autant, le MPC suscite toujours des interrogations, plus particulièrement sur les modalités de vote et la manière dont les discussions se font en interne entre les membres. Un cambiste explique que «la responsabilité incombe à la Banque de Maurice, plus particulièrement au Gouverneur comme le Chairman pour redorer le blason de cette instance et de s’assurer qu’elle retrouve sa crédibilité en s’offrant une certaine autorité dans sa mission», martèle un cambiste.

Quid de l’évolution du MPC ? Pierre Dinan souhaite ardemment qu’il puisse, à temps et à contretemps, remplir la mission qui est la sienne dans le cadre de l’indépendance de la politique monétaire, «celle-ci devant être la garante de la valeur de notre roupie, laquelle doit être protégée contre toute tentative de gaspillage et de gouvernance irresponsable.

Voilà qui est tout dit. Gageons que les membres actuels saisiront la balle au bond pour donner à ce comité un nouveau départ.