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Chagos: les limites de l’Administration Biden

10 août 2021, 20:00

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Chagos: les limites de l’Administration Biden

Un article du Washington Post paru dimanche fait état de l’administration du président américain, Joe Biden, sur «l’ordre basé sur des règles», signifiant ainsi soutenir les lois et les institutions internationales. Du coup, faisant référence à l’état de droit de Biden, Maurice aurait demandé aux États-Unis de prendre parti dans une longue note diplomatique, envoyée au département d’État. Il a affirmé «son plus grand respect pour les valeurs que les États-Unis ont traditionnellement promues», rapporte la journaliste Karen DeYoung. «Le cas de l’archipel des Chagos», a-t-il ajouté, «est l’incarnation de toutes ces valeurs, qui, malheureusement, sont bafouées par le Royaume-Uni depuis plus de cinq décennies.» 

Cependant, la réponse des États-Unis n’est guère encourageante pour Maurice. «Les États-Unis soutiennent sans équivoque la souveraineté du Royaume-Uni» sur les îles, déclare un porte-parole du département d’État dans une réponse par courriel au Washington Post. «L’arrangement spécifique concernant les installations de Diego Garcia est fondé sur le partenariat de défense et de sécurité particulièrement étroit et actif entre les États-Unis et le Royaume-Uni. Il ne peut pas être reproduit.» Pour David Vine, professeur d’anthropologie à l’université américaine cité dans l’article, il ne s’agit pas vraiment des besoins de défense des États-Unis mais plutôt «le pouvoir et les formes actuelles de colonialisme au 21e siècle» . 

Interrogé, David Snoxell, coordinateur du Chagos Islands All-Party Parliamentary Group et ancien haut-commissaire à Maurice, fait ressortir qu’il est parfaitement correct que Maurice sollicite le soutien des États-Unis, comme cela s’est produit ces dernières années. Mais face à la position des États-Unis, il dira ceci: «La réaction américaine est leur position standard et il est décevant de voir l’administration Biden le réitérer. Il est incompatible avec les exigences du droit international. Les États-Unis et le Royaume-Uni, qui ont longtemps défendu et promu le droit international, ne peuvent pas sélectionner les aspects à soutenir et ignorer les autres qu’ils trouvent gênants.» Selon lui, c’est le point de vue du Chagos Islands All-party Parliamentary Group qui soutient la réinstallation des Chagossiens et un règlement négocié avec Maurice sur l’avenir de l’archipel. «La sécurité de la base est vitale pour les intérêts occidentaux, que Maurice soutient pleinement. Il ne serait pas difficile pour les parties de parvenir à un compromis viable», affirme-t-il. 

«Tous dans le même panier» 

Pour le représentant du Groupe réfugiés Chagos (GRC), Olivier Bancoult, ceux qui croient dans la démocratie sont déçus par la déclaration du porte-parole de Biden. «Les États-Unis comme l’Angleterre représentent les piliers des droits humains. Euxmêmes par leurs intermédiaires trouvent des solutions à ces pays en guerre, concernant leur territoire. C’est dommage qu’un pays comme les États-Unis va à l’encontre de l’avis consultatif de la Cour internationale de justice (CIJ). Aujourd’hui, c’est un manque de respect envers les institutions. Tout le monde blâmait l’administration de Trump mais avec la prise de position de celle de Biden, ils sont tous dans le même panier.» 

De son côté, l’ancien secrétaire des Affaires étrangères Vijay Makhan est très critique envers la manière de faire des États-Unis et de l’Angleterre. «Les deux pays déclarent être des pionniers en tant que défenseurs des droits de l’homme, du rule of law mais ils sont les premiers à bafouer ces mêmes principes. La CIJ a clairement démontré que les Chagos appartiennent à Maurice. Mais ils continuent de la bafouer. Quand il s’agit des autres, c’est de la poudre aux yeux.» Selon lui, la position des États-Unis n’est pas limitée à Diego Garcia. Il cite, entre autres, le cas du Sahara occidental où les États-Unis reconnaissent la souveraineté du Maroc. En effet, c’est ce qu’avait annoncé Donald Trump le 10 décembre 2020. Le 2 juillet, rapporte l’agence de presse officielle marocaine (MAP), le porte-parole du département d’État américain, Ned Price, a déclaré dans une conférence de presse que les États-Unis ont réaffirmé qu’il n’y avait «aucun changement» dans leur position concernant «la reconnaissance du Maroc sur le Sahara», qui «restera la position de l’administration du président Biden». 

Vijay Makhan estime que Maurice a bien fait de prendre les devants en sollicitant les États-Unis. Il trouve, cependant, aberrant que les Mauriciens ou même l’opposition ne soient pas au courant des avancées du dossier Chagos. «Sur un dossier comme Chagos, nous sommes tous sur la même longueur d’onde en termes de revendication de notre souveraineté.» Pour l’ancien secrétaire des Affaires étrangères, malgré le fait que Maurice a toujours réitéré qu’elle ne remet pas en question la base militaire, il y a une obstination de l’Angleterre et des États-Unis. «Elle continue à entamer la crédibilité de l’Amérique, défenseur des droits internationaux.» 

Rencontres au plus haut niveau 

Il fait donc ressortir qu’au-delà d’une note diplomatique, il faut des rencontres au plus haut niveau pour vraiment expliquer les choses. «C’est une façon d’asseoir notre souveraineté.» Il estime qu’il faut que Maurice continue à faire pression en ayant lui-même une présence assidue au niveau d’organisations internationales ; par exemple, montrer l’engagement de Maurice dans les sommets de la SADC. Selon lui, les pressions ne doivent pas se limiter aux États-Unis et à l’Angleterre mais utiliser nos bonnes relations avec l’Inde et la Chine. «Ça doit être une diplomatie agissante et effective.» 

Sollicité également, l’ancien ministre des Affaires étrangères Arvin Boolell affirme que Maurice n’a pas d’autre choix que de continuer son offensive diplomatique et politique. Selon lui, les États Unis et l’Angleterre ne vont pas se plier devant une opinion émise par la CIJ. «Nous devons poursuivre nos revendications. Nous devons accentuer nos efforts au niveau de l’Union africaine, les États non-alignés à travers les Nations unies, et aussi raviver la flamme du traité de Pelindaba (NdlR : Traité sur une zone exempte d’armes nucléaires en Afrique). 

Du côté du Prime Minister’s Office (PMO), l’on fait ressortir que la revendication de notre souveraineté se poursuit au niveau de différentes associations, notamment l’Indian Ocean Tuna Commission, qui demande l’expulsion de l’Angleterre, présente à travers le British Indian Ocean Territory. En effet, l’Angleterre n’est plus un état côtier, après le verdict de l’ICJ de février 2019. 

Quid du plan de Maurice d’organiser un voyage au Chagos comprenant des officiels mauriciens, d’anciens résidents et des descendants des îles ? Car le chargé d’affaires américain à Maurice, Judes E. DeBaere, aurait rendu visite aux autorités mauriciennes pour exprimer ses «préoccupations» concernant le plan du gouvernement. Au PMO, l’on fait ressortir que c’est un projet de longue haleine qui nécessite une bonne préparation. Il s’avère que le type de navire en lui-même est assez complexe car l’idée est de rallier la presse internationale, quelques chefs d’États des pays amis, entres autres, qui soutiennent la cause de Maurice. De son côté, Vijay Makhan trouve l’intention bonne. «Nous ne sommes pas un État ennemi. Nous sommes un État ami avec de bonnes relations. C’est une façon légitime. Pas une provocation. Encore une fois pour asseoir notre souveraineté sur les instances internationales.»

 

 

La langue de bois...

<p>En matière de politique étrangère, ce n&rsquo;est pas la première fois que la rhétorique de Joe Biden diffère radicalement de ses actes. À commencer par le Canada. L&rsquo;administration Biden n&rsquo;a pas hésité à faire pression sur son plus grand partenaire commercial et allié de longue date en le menaçant de tarifs douaniers punitifs pour contester des politiques canadiennes sur le marché des produits laitiers.&nbsp;</p>

<p>Au sujet du conflit israélo-palestinien, l&rsquo;administration Biden ignore, comme toujours, la souffrance des Palestiniens. Malgré les critiques acerbes dans le camp démocrate sur les ventes d&rsquo;armes à Israël, Biden, qui souhaite la paix au Moyen-Orient, ne fléchit pourtant pas et applique la même politique que Donald Trump et ses prédécesseurs. Toujours au sujet de ses relations internationales, le <em>&laquo;I do&raquo; </em>sans aucun tact diplomatique du président américain à la question d&rsquo;un intervieweur : <em>&laquo;Pensez-vous que Vladimir Poutine soit un tueur ?&raquo;</em> restera dans les annales.&nbsp;</p>

<p>Tout comme sa décision, le 5 août, d&rsquo;offrir un asile temporaire aux ressortissants de Hong Kong présents aux États-Unis. Cela, après avoir écrit dans un décret diffusé par la Maison-Blanche que <em>&laquo;le soutien des États-Unis au peuple de Hong Kong ne faiblira pas&raquo;</em>, écrit Joe Biden dans un décret pris jeudi et diffusé par la Maison-Blanche. Ce que le ministère chinois des Affaires étrangères à Hong Kong a qualifié, dans un communiqué, <em>&laquo;d&rsquo;intervention violente&raquo; </em>dans les affaires de la ville.</p>